27 mai 2006
INDE
GUERRE CIVILE AU CHHATTISGARH
http://mai68.org/ag/1005.htm
http://cronstadt.org/ag/1005.htm
http://kalachnikov.org/ag/1005.htm
http://www.chez.com/vlr/ag/1005.htm
Le Chhattisgarh est un État de l'Union Indienne, au nord de l'Andhra Pradesh et à l'ouest de l'Orissa, où se prépare une formidable bataille entre les guérillas naxalites (semblables aux maoïstes népalais) et les forces spéciales indiennes ; la CIA s'intéresse de près à l'opération, même si les Américains demeurent discrets.
Carte 1 situation générale :
http://www.mapsofindia.com/maps/chhatisgarh/chhatisgarhlocation.htm
Carte 2 vue de plus près :
http://www.mapsofindia.com/maps/chhatisgarh/chhatisgarh.htm
À la manière des Français et des Américains, qui, pendant les guerres du Viêt-Nam, préféraient former des guérillas à partir des tribus Hmong et Thaï pour affronter le vietminh, larmée indienne utilise, depuis octobre 2005, des milices locales (Salwa Judum) afin de contrer les guérillas naxalites, dans les immenses savanes et forêts du Chhattisgarh (nouvel État de l'Union indienne, créé par le gouvernement Vajpajee (1998-2004), situé au nord de lAndhra Pradesh et à louest de lOrissa. Capitale : Raipur.)
Ce changement de stratégie, élaboré dans les hautes sphères des états-majors et les écoles de contre-terrorisme et de luttes antiguérillas en forêt primaire (Counter Terrorism and Jungle Warfare School), a provoqué, au Chhattisgarh, une abominable boucherie
Le magazine indien "Outlook", pourtant pas réputé pour avoir de la sympathie pour les maoïstes, titrait, le 15 mai 2006 :
« GUERRE CIVILE SPONSORISÉE PAR LÉTAT AU CHHATTISGARH »
Pour faire échec à "la menace naxal", lÉtat force les tribus à prendre les armes contre les maoïstes, provoquant un holocauste parmi les populations
(Extrait du reportage de Smita Gupta, traduit librement par Himalove, correspondant très spécial en Inde et au Népal.)
Au cur de la Jungle dune région bien nommée Bastar, à quelques kilomètres dun sentier boueux qui court entre Bijapur et Gangalur : un village calciné !
Marvinda et sa famille, échappés du camp de réfugiés à Shevnaar, à 10 Km de là, où la police les a parquées, viennent fouiller les décombres.
Cétait leur maison avant que la Salwa Judum, ne lincendie en octobre 2005.
Marvinda dit : « Je ne voulais pas quitter le village ; mais, les chiens kaki (la police) mont lié les mains et pendu à un arbre Puis la Salwa Judum a allumé des torches et brûlé nos huttes. Ils nous ont dit que si nous ne voulions pas fuir le village, cest parce que nous étions naxals. »
La Bastar Jungle est devenue une zone de guerre depuis que la Salwa Judum, abusivement appelée "chasseur de paix" (Peace Hunter), a été créée.
« Vous êtes avec nous ou contre nous », indique clairement Enfield, avec son fusil plus grand que lui, un gamin de 15 ans arraché au banc dune école qui nexiste plus.
LÉtat indien paye ces jeunes tueurs enrégimentés 1500 roupies par mois ("1 euro = 58 roupies" ; c'est-à-dire qu'en vrai argent, 10 roupies font un peu plus d'un Franc ; ça fait une paye d'environ 170 Francs par mois !).
Certains sont armés darcs et de flèches ; ils ne portent pas duniformes et sont très indisciplinés.
La milice des "chasseurs" travaille en étroite relation avec la police indienne dont le code de conduite est des plus erratique. En ville, la Salwa Judum est composée de lélite des tribus, commerçants, entrepreneurs, banquiers, victimes un jour de la colère des maoïstes, et aussi de jeunes délinquants recrutés presque de force dans les prisons.
Pour "la noble cause" qui consiste à regrouper les tribus dans des camps de fortune et brûler leurs maisons, le gouvernement du Chhattisgarh a assermenté les barbares
Les chefs de horde ont été nommés Special Police Officer.
Ceux et celles qui refusent, parmi les tribus, dhabiter les camps "sécurisés" par la police et la Salwa Judum sont impitoyablement punis.
[Note de do : ces "camps sécurisé" ressemblent à s'y méprendre à ce qu'au Vietnam on appelait des "hameaux stratégiques" : les Américains, dans l'espoir de détruire la résistance légitime du peuple vietnamien, détruisaient ses villages et les reconstruisait d'une façon bien particulière. On appelait cela un "hameau stratégique" : une seule route d'accès au village, une seule porte à chaque maison, pas de fenètre au rez-de-chausée qui ne soit sur la même façade que la porte d'entrée, pas de cave ni de grenier, et bien entendu surveillance partout.]
Selon le rapport établi par le commissariat politique du Parti communiste maoïste (Dandakaryana Special Zonal Committee), entre le début mai et le 20 novembre 2005, 90 adivasis (membres des tribus) ont été assassinés et 5 filles violées par la Salwa Judum et les forces dites de lordre.
Pour les populations, à cause de la politique antinaxalite menée par le pouvoir, on sachemine tout droit vers un holocauste
Si les massacres perpétrés par la Salwa Judum et la police ont débuté le 1er mai, fête des travailleurs, les représailles communistes ont commencé le 19 juin 2005.
Selon les fonctionnaires locaux, toujours présents malgré le délabrement de leur bureau et leur salaire misérable, du 19 juin au 21 novembre 2005, les partisans maoïstes ont liquidé 64 membres de la Salwa Judum.
La Salwa Judum na aucune structure claire, ni politiquement ni hiérarchiquement ; le mafieux qui la dirige officiellement se nomme Mahendra Karma ; il est membre du Congrès, mais en même temps entretient des relations étroites avec le Bharathya Janata Party (BJP très très à droite) et le chief minister du Chhattisgarh, Raman Singh.
Selon le chief minister, Raman Singh, "Au Chhattisgarh, il ny a pas de gouvernement ni d'opposition ; il ny a que des braves gens qui travaillent ensemble pour le bien être des tribus."
Pour ce curieux personnage, la Salwa Judum serait linsurrection spontanée des tribus contre les maoïstes.
À y mieux regarder, la Salwa Judum est plutôt luvre récente des services secrets indiens, lIntelligence Bureau.
On reconnaît ici la griffe dun des mentors des services de lanti-terrorisme indien, le policier penjâbi KPS Gill, sorti de sa retraite et de son club de cricket à Mohali, pour conseiller la contre-révolution au Chhattisgarh.
Lintervention directe de larmée et des forces spéciales, prévue après la mousson, doit être précédé impérativement, selon un scénario bien rodé, par un climat de guerre civile.
Or, ce climat de guerre civile, en dépit de quelques actions maoïstes présentées comme des exactions par une presse qui les monte en épingle, nexiste guère au Chhattisgarh
Aussi loin que vous vous enfoncez avec la Jeep en territoire naxal, sur des routes défoncées, vous verrez très peu dagents de lÉtat.
Labsence de chien kaki y est remarquable. Le ratio de pandores est un des plus bas de lUnion indienne : 17 policiers pour 1000 habitants.
Aux stations de police, vous pouvez les contempler : débraillés, non rasés, préférant le longui à la tenue couleur moutarde, rigolant et partageant avec la population le riz épicé, dans de large feuille de banane.
Les policiers, en territoire contrôlé par les naxalites, sont très spéciaux.
« Que voulez-vous, raconte lancien chief minister Ajit Jogi, les policiers, ici, ne veulent pas se distinguer des tribus ; ils ne portent pas darmes parce quils ne veulent tuer personne. »
Cette désinvolture, aujourdhui, enrage les états-majors, et en particulier KPS Gill, bien décidé à changer létat desprit des troupes
Depuis le reflux de lappareil dÉtat dans les campagnes indiennes, il y une vingtaine dannée, en matière de santé, déducation et daménagement du territoire (il ny a plus délectricité, pas deau courante et peu de routes), une certaine bonhomie prévalait entre les policiers, les fonctionnaires abandonnés, et les tribus.
Sans provocation, les relations entre les naxal et les policiers indiens de base peuvent être fair play.
Des hommes politiques, en Andhra Pradesh comme N.T. Rama Rao décrivent les naxalites comme des "deshbhaktalu" ; ce qui signifie en langue telegu "patriote"
Ce qui a changé la donne, selon lassociation des Droits de lHomme, Peoples Union for Civil Liberties, cest lintérêt subit de grosses compagnies nationales et internationales pour les sous-sols de la région
« Aujourdhui, les tribus sont de trop De gros intérêts cherchent à nettoyer la forêt » résume un membre de lassociation.
Du reste, la loi promise par le gouvernement du Dr Manmohan Singh et Sonia Gandhi, en 2005, accordant des droits aux tribus, na jamais été votée à la Lok Sabha.
On envoie les jeunes policiers du Chhattisgarh Armed Police, dans des écoles spéciales.
Les policiers en reviennent dressés, bottés comme des bérets verts américains et vicieux comme des chats sauvages.
Tellement méconnaissables, aux yeux de la population, quils finissent comme le sous-inspecteur Praveen Purseth, instructeur à la nouvelle école du contre-terrorisme et de lutte anti-guérilla à Kanker.
« Cette école est un must pour les experts mondiaux de lantiterrorisme ; les Américains, Anglais, Népalais viennent sy entraîner », dit le jeune policier parachutiste, caressant amoureusement la crosse vernie de son A-47.
« Si ces écoles ne diminuent pas le terrorisme sur la planète, gageons quelles ont enrichi en devises lÉtat indien » sourit le sous-inspecteur.
Le directeur de lécole, l'inspecteur général de police B.K. Ponwar, un général de linfanterie à la retraite, déclare : « Jai une mission : transformer la police, non seulement du Chhattisgarh mais de tous les États voisins, infestés par la guérilla maoïste, en machine de guerre. »
Ponwar, expert en contre-révolution, avoue la difficulté de sa tâche :
« Les maoïstes ne sont pas seulement bien entraînés. Mais leur capacité à se fondre parmi la population en font les combattants les plus imprévisibles qui soient. ( )
« Le but de lécole est dentraîner la police aux techniques du terrorisme afin de contrôler des territoires peuplés où les structures de lappareil dÉtat ont disparu.
« La bonne condition physique et la préparation psychologique des policiers aux conditions stressantes de la guérilla ne suffisent pas. Il nous faut encore nourrir des relations avec une certaine partie de la population Sans information locale précise, et une complicité sur le terrain, on ne peut faire la guerre. »
La Salwa Judum assure cette complicité sur le terrain ; mieux, elle est le regard fasciste sur une armée, une police, qui, parfois, livrées à elles-mêmes, auraient tendance parmi des populations pacifiques à oublier leurs missions terroristes.
Pour lheure, aucune organisation internationale de défense des droits de lHomme na condamné lexpérience "Salwa Judum" menée à grande échelle au Chhattisgarh.
Ultimes news à Raipur, le 26 mai 2006 : deux Américains de lambassade à New Delhi auraient proposé leurs services au chief minister BJP du Chhattisgarh afin je cite M. David Kennedy, porte-parole américain "de coordonner avec lInde le renforcement des lois et des mesures relatives au contre-terrorisme."
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