18 octobre 2000

 

 

LA RDA : saignée depuis 10 ans !

L'Allemagne de l'Est, 10 ans après l'annexion (troisième partie)

Le chancelier Kohl avait promis des paysages florissants...

Depuis la «réunification» de l'Allemagne, la production industrielle dans l'ex-RDA a diminué de moitié. On a perdu 2,5 millions d'emplois et seulement un ouvrier sur quatre a retrouvé un emploi correspondant à sa qualification. En 1990, le chancelier Kohl, chef d'Etat de l'Allemagne de l'Ouest, avait pourtant promis aux citoyens de la RDA que personne n'y perdrait.

Norbert Pauligk *

La RDA était en faillite, disait Kohl, son économie était totalement usée. Il ferait de l'Allemagne de l'Est un «paysage florissant». Depuis lors, l'économie est détruite. Des patrons ouest-allemands se sont emparés des entreprises les plus prospères et même des terres et des habitations. Avec un seul but: faire du bénéfice ou éliminer des concurrents.

La RDA a été construite après la guerre sur les ruines du fascisme hitlérien. Des ouvriers, des ingénieurs et beaucoup d'autres ont construit de leurs mains un état industriel. Ils ont réussi, malgré le boycott politique et économique de l'Ouest, et cela sans capitaux ni capitalistes, sans exploiter le tiers monde.

L'industrie a été détruite, comme si c'était la guerre

Kohl a menti lorsqu'il déclarait que l'économie de la RDA ne valait rien. Quelques chiffres, de 1988, qui prouvent que la RDA ne le cédait en rien face à beaucoup de pays occidentaux: en 1988, la RDA produisait 260 litres d'essence par habitant, pour 293 en France; la RDA produisait alors 6.935 kWh contre 5.878 kWh en Belgique; cette année-là, 28 camions par 10.000 habitants sont sortis des chaînes de montage en RDA, face à 30 dans la République Fédérale; tandis que les usines est-allemandes fabriquaient 298 machines à laver, la France en produisait 229.

Aujourd'hui la Deutsche Bundesbank avoue que la RDA, avec 20 milliards DM de dette extérieure en 1990, était sans aucun doute solvable.

La destruction de la grande industrie de la RDA a débuté en 1990, pour des raisons politiques et économiques. De nombreux secteurs de l'industrie se composaient de grands combinats : ce sont des unités de production intégrées où, par exemple, on n'assemblait pas seulement les voitures, mais où on produisait aussi les moteurs et où le personnel bénéficiait de nombreux avantages sociaux. Certains de ces combinats comptaient de 10.000 à parfois plus de 25.000 travailleurs. Cette concentration d'ouvriers devait disparaître, pour prévenir toute résistance éventuelle. Les combinats ont été expropriés, c'est-à-dire arrachés des mains de l'Etat populaire. Cela signifiait l'expropriation de tout le peuple.

Les combinats et le commerce d'Etat de la RDA ont été détruits afin d'éliminer toute concurrence et d'ouvrir le marché de l'Europe de l'Est aux sociétés ouest-allemandes et aux chaînes de grande distribution. Les conséquences en sont catastrophiques. La Treuhand (organisation désignée par le gouvernement ouest-allemand pour réaliser la privatisation de toute l'Allemagne de l'Est) a liquidé 30 % des entreprises et a offert le reste pour 1 DM symbolique à des sociétés et des spéculateurs ouest-allemands. En 1997, la production industrielle ne représentait plus que 45,6% du niveau de 1989. Une telle désindustrialisation n'était jamais arrivée en temps de paix.

Les grandes usines sidérurgiques de Brandenburg sont entièrement détruites. L'usine de tracteurs de la même ville et la filature de laine n'existent plus. Les 5.000 travailleurs de Pentacon Dresden ne produisent plus aucune caméra. On ne construit plus de camions. KruppStahl a «acheté» avec des subsides de l'Etat le laminoir d'Oraniënburg, et l'a fait arrêter en 1993. L'usine berlinoise d'installations de chauffage, 1.850 travailleurs et gros exportateur de centrales électriques, a déclaré faillite en 1993.

Le nombre d'emplois est passé en quelques années de 9,7 à 6 millions. Dans l'industrie, ils sont allés de 3,2 millions à 900.000, à peine un tiers. L'industrie est pour 90% aux mains de sociétés ouest-allemandes. Et donc également le bénéfice. L'appauvrissement de l'Allemagne de l'Est va encore augmenter, malgré les «transferts» de l'Etat. L'Allemagne de l'Est est maintenant complètement dépendante de firmes ouest-allemandes. Cela s'appelle la colonisation.

Liquidation totale

Toutes les polycliniques — où les ouvriers de l'ex-RDA étaient soignés à peu près gratuitement — sont liquidées. Tous les centres de vacances du syndicat — où les ouvriers pouvaient aller en vacances à bon marché avec leur famille — ont été vendus. En 1989, trois millions de citoyens habitaient dans un million d'habitations des sociétés ouvrières de logement. Les membres autogéraient un avoir de 360 milliards de DM. Tout a été exproprié pour tomber aux mains d'une société de logement capitaliste. Les droits de propriété des membres? Inexistants.

Les florissants champs de blé d'antan sont en friche

L'agriculture nourissait tous les habitants de la RDA. Depuis l'union monétaire (le premier juillet 1990, le DM est devenu la monnaie officielle) des chaînes de grande distribution ouest-allemandes ont éliminé les produits agricoles est-allemands du marché. Les cultivateurs ne recevaient plus que la moitié ou même le tiers de l'ancien prix de leurs produits. Tout le bénéfice allait aux chaînes de distribution. Beaucoup d'agriculteurs ont perdu leur travail ou ont rendu leur tablier: des 850.000 agriculteurs de la RDA, il n'en reste plus que 170.000. La surface cultivable a diminué de 20%, le cheptel de 50% pour les bovins, de 65% pour les porcs et de 70% pour les ovins.

Il est faux de dire que les agriculteurs ont été expropriés par la RDA et forcés de travailler dans les coopératives agricoles. La grande expropriation des agriculteurs en RDA a eu lieu de 1990 à 1992. Aujourd'hui, les paysans sont réduits à racheter ou louer leurs propres terres &

De paysages florissants, il n'y a que les profiteurs qui puissent en parler. Les anciens citoyens de la RDA ont été floués, ils sont devenus des citoyens de second rang. Ils ne gagnent que 70%, voire 50% des revenus ouest-allemands. L'exploitante d'un magasin de vêtements à Schwerin a définitivement fermé boutique en 1999: «En RDA j'avais souvent une offre restreinte, mais toujours des clients. A ce jour, j'ai une offre abondante, mais plus de clients.»

En dix ans de capitalisme, 1,1 million de personnes — surtout des jeunes — ont quitté l'Allemagne de l'Est. Les jeunes femmes ne veulent plus d'enfants; la natalité a baissé en-dessous du niveau de l'année de guerre 1945. Dans plusieurs villes la moitié des écoles doivent être fermées par manque d'enfants. Les nouveaux temples de la grande distribution et les nouvelles rues ne parviennent pas à cacher que beaucoup de villages sont à l'agonie. Un pays florissant?

* collaborateur de RotFuchs, le mensuel de la section Berlin-Nord du DKP (Parti communiste allemand).

 

 

 

 

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