24 juin 2000
Un message du chef
de l'Etat, Fidel Castro, a été lu au début du rassemblement de 400 mille personnes
qui a eu lieu samedi matin 24 juin, dans la ville d'Holguín (225 milles habitants)
dans l'extrême Est de Cuba, pour exiger le retour du petit Elian Gonzalez
(alors toujours retenu avec son père aux Etats-Unis), la cessation du blocus
et de toutes les lois anti-cubaines dont la loi de rajustement qui encourage
les départs illégaux de Cuba en accordant de manière automatique le permis
de séjour aux Cubains ayant touché le sol américain quels que soient les moyens
employés pour ce faire. Les manifestants entendaient également dénoncer le
véritable assassinat légal de Shaka Sankofa - Gary Graham - exécuté jeudi
soir 22 juin au Texas alors que tout prouve qu'il était innocent.
Extrait du message :
"Même lorsque
Elian et son père seront rentrés avec leurs proches et ses camarades, nous
ne nous accorderons pas une minute de repos. Nous avons le devoir sacré d'empêcher
que la vie de nombreux autres enfants, mères et Cubains en général soit fauchée
par la loi criminelle de rajustement cubain.
Nous devons de plus poursuivre sans trêve la lutte contre la loi Helms-Burton et la loi Torricelli, les dizaines d'amendements du Congrès des États-Unis visant à asphyxier notre pays, le blocus criminel, la guerre économique, la politique de subversion et de déstabilisation contre une révolution que nous avons engagée il y a plus de 130 ans et que, dans l'exercice de nos droits de peuple absolument souverain et indépendant, nous avons réussie et développée au prix de beaucoup de sang, de sacrifice et d'héroïsme.
Nous sommes, de plus, profondément internationalistes. Lors des jours les plus durs de la lutte pour la libération d'Elian, plus de 70% des Américains dans leur ensemble ont appuyé notre cause, nous ne pouvons l'oublier et nous ne l'oublierons jamais. 90% des Afro-américains ont défendu alors les droits de l'enfant et du père.
Il y a à peine 24 heures, eux et la majorité des Américains ont reçu un rude coup à la minute malheureuse où Shaka Sankofa, comme il a décidé de s'appeler à partir du moment où il a été condamné à mort, a été assassiné. La même douleur a traversé notre peuple. Ce crime ne tolère aucun qualificatif.
Indépendamment des infractions à la loi que les bourreaux attribuent avec acharnement et rancune à Shaka Sankofa, alors que c'était un adolescent qui vivait dans des conditions de pauvreté, de marginalité et de discrimination raciale, ce qui est certain et sans conteste est qu'encore mineur, il a été condamné à mort sans ménagement ni pitié pour un homicide dans lequel sa culpabilité n'a même pas pu être prouvée. Tout ce qui a été fait contre lui entre en contradiction avec les doctrines et principes juridiques universellement admis.
La seule preuve avancée a été le témoignage d'une personne qui, alors qu'elle était à quelques 40 mètres, une distance bien grande pour percevoir des détails, encore moins la nuit, a affirmé avoir vu son visage, quelques brèves secondes à travers la vitre de sa voiture, à proximité du lieu des faits.
Plusieurs témoins qui auraient pu démontrer le contraire n'ont pas été cités à comparaître. étant pauvre, Shaka Sankofa n'a pu payer un avocat expérimenté. Les tests balistiques ont démontré que les balles qui ont occasionné la mort de la victime ne provenaient pas de l'arme que portait l'accusé. Plusieurs des membres du jury qui l'a condamné ont déclaré que s'ils avaient eu connaissance de ces circonstances et ces irrégularités, ils ne l'auraient jamais déclaré coupable.
Pendant la longue lutte que Shaka Sankofa a menée pour démontrer son innocence, tous ceux qui ont fait sa connaissance et qui l'ont appuyé, ont toujours eu la conviction qu'il était innocent et que la peine édictée s'avérait un assassinat répugnant. L'énergie résolue, l'éloquence et la dignité avec lesquels il s'est défendu laissent cette impression.
Nombreux sont ceux qui, aux États-Unis et dans le monde, croient qu'il a été condamné à la peine capitale et exécuté tout simplement parce qu'il était noir. Au crime que signifie condamner à la peine capitale un mineur est venu s'ajouter la monstruosité qu'a été le fait de le maintenir pendant 19 ans dans une chapelle ardente, appelée plus cruellement le couloir de la mort. Mais cela n'a pas suffi pour apaiser la rancune des racistes qui se sont opposés à un moratoire visant à éclaircir une affaire de toute évidence pleine d'anomalies et de faits arbitraires. Toute autorité habilitée à cela et ayant un minimum de compassion l'aurait fait.
Shaka Sankofa a montré au monde les fruits amers d'un système social où les différences entre riches et pauvres sont infinies et où l'individualisme, l'égoïsme, la surconsommation, l'usage généralisé des armes à feu et la violence règnent, sont une philosophie.
Ce qui est admirable chez cet adolescent-là, pauvre, marginalisé et noir, peut-être les raisons pour lesquelles il a été condamné à mort sans aucune preuve, est la manière dont il a acquis, au long de cette attente interminable dans le couloir de la mort, la conscience politique et sociale impressionnante dont il a fait preuve au moment de son exécution. Il n'est pas allé comme une tendre brebis à l'abattoir. Il a résisté à la force et même à la mort, comme il l'avait promis.
Il a parlé comme un prophète. Il a lancé un appel à la lutte contre ce qu'il a qualifié d'holocauste ou génocide dont les Afro-américains sont victimes. Il a demandé que son innocence soit défendue. Il est mort en héros.
Ainsi, l'oppression, l'exploitation, l'inégalité et l'injustice forment des hommes qui, au dur moment d'une mort injuste, bouleversent tout un empire et éveillent l'admiration de toutes les personnes honnêtes du monde…
Nous joindre aux protestations énergiques de millions d'Américains blancs et noirs, indiens, latinos et métis qui condamnent cette manière raciste d'appliquer la justice est pour nous non seulement un devoir de gratitude mais encore un grand devoir d'internationalistes.
Ces faits nous amènent aujourd'hui plus que jamais à la conviction que l'avenir appartient entièrement à nos rêves d'égalité et de justice pour tous les êtres humains.
Les peuples vaincront !"
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