17 novembre 2000
Tunisie
Pratique courante
de la torture
Témoignages
Tortures
à l'électricité, la "falaka" (bastonnade de la plante des pieds), l'écrasement
des doigts dans un étau, l'arrachage des ongles ou encore le supplice du "poulet
rôti"
Gifles, coups
de poing et de pied, suspensions, brûlures, chocs électriques, asphyxies et
viols sont quotidiennement pratiqués dans les postes de police et les prisons
de Tunisie, ont raconté vendredi à Paris quatre étudiants tunisiens victimes
de tels sévices.
"La torture
est systématique, institutionnalisée. Sur les hommes, comme sur les femmes.
De jour, comme de nuit. A la Direction de la Sûreté d'Etat, à Tunis, mais
aussi dans tout le pays, dans les commissariats et dans les prisons", a expliqué
une étudiante en sciences économiques, Imen Derouiche.
Elle s'exprimait
lors d'une conférence de presse du Comité pour le respect des libertés et
des droits de l'homme en Tunisie (CRLDHT) et d'organisations de défense des
droits de l'homme, dans les locaux parisiens du parlement européen.
Mlle Derouiche,
comme ses compagnons, Zouhaïer Issaoui, Noureddine Benticha et Nizar Chaari,
ont ainsi raconté la "réception" des personnes arrêtées au siège de la Sûreté
d'Etat "où chaque étage est organisé avec des techniques spéciales et des
des fonctionnaires spécialisés."
"Tous les détenus
connaissent leurs noms ou surnoms. Il y a «Ali Mansour, Bokassa, Hlass...",
a expliqué la jeune femme, arrêtée le 4 mars 1998, pour avoir participé à
une grève à l'université autorisée par l'administration sur des revendications
estudiantines.
Elle a raconté
son "calvaire" dans les locaux sales, aux murs maculés de sang, "dans l'indifférence
du médecin" chargé de veiller à ce qu'elle ne succombe pas.
Les coups, ponctués
d'insultes, de crachats et d'évanouissement, ont été suivis, comme c'est généralement
le cas, pour les femmes comme pour les hommes, d'un viol.
"Les femmes
sont parfois battues devant leurs enfants. Certaines, enceintes, sont frappées
jusqu'à l'avortement", a ajouté Mlle Derouiche, soulignant que le viol, généralement
filmé en vidéo par des policiers, est aussi destiné à provoquer la déchéance
des femmes dans la société tunisienne.
Les autres victimes,
comme M. Issaoui, arrêté quatre fois depuis 1981, ont raconté les tortures
à l'électricité, la "falaka" (bastonnade de la plante des pieds), l'écrasement
des doigts dans un étau, l'arrachage des ongles ou encore le supplice du "poulet
rôti". Ce sévice consiste à suspendre la victime durant des heures et à brûler
à la flamme son système pileux et d'autres parties du corps. M. Chaari a raconté
que dans certains cas, les tortionnaires diffusent du gaz sous la porte de
certaines cellules pour asphyxier le prisonnier.
Ces témoignages
ont accompagné la présentation d'un rapport intitulé "La torture en Tunisie"
portant sur la période 1987-2000 et publié par le CRLDHT. Ce document de 200
pages comprend notamment de nombreux autres témoignages détaillant toutes
les tortures, la liste "non exhaustive" de 344 victimes, dont 31 décédées,
et celle de plusieurs dizaines de tortionnaires connus.
Entouré notamment
de représentants de la Fédération internationale des ligues des droits de
l'homme (LIDH), d'Amnesty international, d'Action des chrétiens pour l'abolition
de la torture, de l'Association Primo Levi et de la Fondation France-libertés,
le président du CRLDHT, Kamel Jendoubi, a rappelé que la Tunisie a pourtant
ratifié la convention internationale contre la torture.
Il a demandé
au président Zine El Abidine Ben Ali d'accepter l'envoi d'une mission d'enquête
en Tunisie et la comparution devant des tribunaux "de plus de 130 tortionnaires
bien identifiés, ainsi que les lieux de leurs crimes."
Le comité des
droits de l'homme de l'ONU, a ajouté une représentante de la LIDH, "attend
depuis plus de deux ans un rapport gouvernemental tunisien sur la torture."
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