28 novembre 2008

MAI 68

COMMENT CRÉER UNE SITUATION
L'EXEMPLE DE MAI 68

Pour comprendre les origines de mai 68, il faut lire les situationnistes

http://mai68.org/ag/1498.htm
http://cronstadt.org/ag/1498.htm
http://kalachnikov.org/ag/1498.htm

        Bonjour à toutes et à tous,

    Pour comprendre les origines de mai 68, il faut lire les situationnistes. 

    Peu avant mai 68, ils publient coup sur coup deux livres, l'un étant facile à lire :
 
    « Traité de savoir vivre à l'usage des jeunes générations » signé par Raoul Vaneigem aux éditions Gallimard.
 
    On y trouve entre autre que « L'ennui est l'arrêt de mort signé par cette société contre elle-même » et aussi : « Dans une société qui abolit toute aventure, la seule aventure possible c'est l'abolition de cette société. »
 
    L'autre livre est beaucoup plus difficile : « La société du spectacle » de Guy Debord, dont je ne sais pas la maison d'édition actuelle. On y lit que « Dans le monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux », cette phrase étant le détournement d'une proposition de Hégel (« Le faux est un moment du vrai »).
 
    Après mai 68, les situationnistes ont écrit un livre sur l'histoire de mai 68 intitulé : « Enragés et situationnistes dans le mouvement des occupations » L'origine et la brève histoire de mai 68 est décrite dans ce livre qui est le meilleur des livres sur mai 68. Normal, puisqu'il a été écrit par ceux-mêmes qui l'ont fait arriver !
 
    On peut lire aussi le journal des situationnistes « Internationale Situationniste » dont on peut acheter le recueil dans je ne sais pas quelle édition de nos jours. Mais on le trouve aussi sur internet.
 
    Guy Debord dit de mai 68 que ce fut la contestation d'une société fonctionnant bien. C'est-à-dire que ce n'est pas parce que la société fonctionnait mal qu'elle a été contestée, mais bel et bien pour ce qu'elle était en tant que forme sociale qui, pourtant, fonctionnait bien à ce moment-là. Il n'y avait nulle crise et le chômage était d'environ 300 000 personnes seulement ! C'était la période des trente glorieuses. Les seuls à avoir prévu mai 68 sont ceux qui l'ont fait arriver, c'est-à-dire les situationnistes. Tous les autres disaient que la lutte des classes avait disparue et qu'un tel mouvement était inenvisageable !
 
    Les Dadaistes (Tristan Tzara, Huelsenbeck, Marcel Duchamp, Max Ernst, etc.), vers 1916 (j'ai oublié les dates exactes) étaient liés au mouvement révolutionnaire allemand des spartakistes (Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht sont les deux figures les plus connues du mouvement spartakiste, qui organisa les désertions des militaires allemands pendant la guerre de 1914-18, Rosa Luxembourg et Karl Liebknecht furent assassinés par les socialistes allemands arrivés au pouvoir après la chutte de la dynastie des Hohenzolern suite à la défaite de l'Allemangne. Dans son Mein Kampf, Hitler explique que c'est à cause des communistes que l'Allemagne a perdu la guerre !). Les dadaistes étaient un mouvement "artistique" anti-art, ils voulaient supprimer l'art.
 
    À ce mouvement a succédé les Surréalistes (Breton), que d'ailleurs certains dadaistes avaient rejoint (comme par exemple Max Ernst) qui eux ont voulu réaliser l'art, et dont le journal se nommait "Révolution surréaliste". Les surréalistes étaient des vrais révolutionnaires. D'ailleurs beaucoup de surréalistes étaient au Parti communiste de l'époque.
 
    Le lettrisme (Isidore Isou) leur succéda, il pensait que l'art pictural était mort et qu'il fallait maintenant détruire l'art littéraire et en particulier la poésie, d'où leur forme bizarre de poésie.
 
    Guy Debord fit partie de ce mouvement, le lettrisme. Il fonda une tendance dite "lettrisme de gauche" qui scissiona pour former l'Internationale situationniste en s'alliant à divers autres groupes révolutionnaires de divers pays sur la base d'un rapport de Guy Debord sur la construction des situations.
 
    Debord s'attacha particulièrement à tuer le cinéma. La sortie de son film en 1952, intitulé « Hurlement en faveur de Sade », fit scandale. Il fit d'autres films dont bien sûr l'un d'eux s'appelle « La société du spectacle », comme son fameux livre. Il faut savoir que Guy Debord estime dans un autre livre intitulé « Panégyrique » (dont il faut à tout prix lire le passage sur l'alcool !) qu'on lui en a beaucoup plus voulu pour ce qu'il a fait en 1952 que pour ce qu'il a fait en 1968 !
 
    Le grand slogan des débuts de l'Internationale situationniste était : « L'art est mort ! » Ce qui signifiait que dorénavant, l'art ne pourrait plus jamais modifier la société, plus jamais faire l'histoire.
 
    L'IS (Internationale Situationniste) descend en droite ligne des dadaistes et des surréalistes. Les premières phrases qu'ils écrivent dans leur revue :
 
http://i-situationniste.blogspot.com/2007/04/amere-victoire-du-surrealisme.html
 
   Amère victoire du surréalisme  : Dans le cadre d’un monde qui n’a pas été essentiellement transformé, le surréalisme a réussi. Cette réussite se retourne contre le surréalisme qui n’attendait rien que du renversement de l’ordre social dominant.
 
    Dans la société du spectacle, Guy Debod écrit que « Le dadaïsme a voulu supprimer l'art sans le réaliser ; et le surréalisme a voulu réaliser l'art sans le supprimer. La position critique élaborée depuis par les situationnistes a montré que la suppression et la réalisation de l'art sont les aspects inséparables d'un même dépassement de l'art. »
 
    Il avait fallu supprimer l'art pour faire la révolution, parce que l'art servait à l'embrigadement des foules, à décorer cette société pourrie de façon à la rendre plus acceptable, et à construire la Culture qui nous emprisonne.
 
    Mai 68 fut la plus belle situation construite par les situationnistes.
 
    Pour cela, il avait fallu détruire l'UNEF, le fameux syndicat étudiant. Parce que les syndicats sont des mécanismes d'intégration à la société telle qu'elle est, et servent à contrôler les révoltes quand ils ne peuvent les empêcher. Cette destruction a eu lieu à Strasbourg. Des sympatisants situationnistes se firent élire à la tête de L'UNEF, décrétèrent que l'UNEF était dissoute et diffusa gratuitement un livret intitulé : « De la misère en milieu étudiant considérée sous ses aspects économique, politique, psychologique, sexuel et notamment intellectuel et de quelques moyens pour y remédier ». Ce livre fut financé avec l'argent de l'UNEF.
 
    L'UNEF ne s'en est jamais remise, en 1960, 50 à 60% des étudiants étaient syndiqués à l'UNEF (en gros, il suffisait d'être syndiqué à l'UNEF pour ne pas partir à la guerre d'Algérie). Depuis le coup de Strasbourg, l'UNEF a beaucoup périclité. Comme l'UNEF n'avait plus les capacités de contrôler la contestation étudiante, celle-ci put être amplifiée énormément par les situationnistes et leurs sympatisants.
 
    Puis, cette révolte étudiante servit (comme l'avaient prévu les situationnistes) de détonnateur au mouvement ouvrier qui s'en suivit. Ce fut la plus grande grève de toute l'histoire de l'humanité : plus de 50% de grévistes pendant plus de 15 jours. Bien mieux qu'en 1936 ! Et la violence révolutionnaire a pu se donner plus ou moins libre-court et donner toute sa qualité à ce mouvement de contestation. C'est peu après la fameuse nuit des barricades du 10 au 11 mai 1968 que le comité d'occupation de la Sorbonne, sous l'influence des situationnistes, lança son appel à la grève générale illimitée qui fut très suivi par les ouvriers malgré leurs syndicats (qui bien sûr n'appelèrent jamais à la grève générale !) Il faut bien comprendre que c'est cette nuit des barricades qui a servi de caisse de raisonnance à cet appel à la grève.
 
    Voilà pour l'historique de mai 68. Mais si vous ne devez lire qu'un seul livre, lisez à tout prix celui de René Vienet « Enragés et situationnistes dans le mouvement des occupations » chez Gallimard. FAcile à lire et rempli de photos fantastiques !
 
    En fait, si des gens se sont révoltés au point de tout faire pour entraîner les autres dans la révolte, c'est parce qu'ils n'aimaient pas la société où ils "vivaient" (autre phrase situationniste : « La survie est la vie réduite aux impératifs économiques. » ou encore : « consommez plus, vous vivrez moins ! »). L'origine la plus profonde de mai 68 est tout simplement l'exploitation de l'homme par l'homme, la hiérarchisation de la société, l'autorité, que les gens par moment refusent de supporter.
 
    « Interdit d'interdire ! », « À chacun son flic ! », « Jouir sans entrave, vivre sans temps mort », etc. étaient parmi les slogans les plus courants, il faut noter aussi que des passages entiers de la société du spectacle de Guy Debord furent recopiés sur les murs de Paris pendant mai 68 !
 
    Voilà, bon, j'en ai marre d'écrire...
 
Bien à vous toutes et tous,
do
 
Post-scriptum : les situationnistes ne cessèrent de se demander comment réaliser un "Strasbourg ouvrier", c'est-à-dire de détruire les syndicats ouvriers (comme ils l'avaient fait à partir de Strasbourg pour le syndicat étudiant) afin que la révolte ouvrière puisse enfin éclater sans aucun contrôle, sans aucun frein. Ils n'y parvinrent jamais, malheureusement. Un de de leurs slogans était :
 
LES SYNDICATS SONT DES BORDELS ET LES PARTIS LES MEILLEURS PROXÉNÈTES DES MASSES !


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