29 janvier 2001
Le dimanche 21 janvier dernier, l'Espace autogéré 
  des Tanneries de Dijon
  accueillait un colombien et une colombienne du PCN (Processus des
  Communautés Noires) venu-e-s présenter la situation dramatique 
  de leur
  pays et de leurs communautés, menacé-e-s par un programme militaire
  orchestré par les États-Unis avec l'aide de l'Europe : le "Plan
  Colombia". Vous trouverez ci-dessous le texte d'un 4-pages réalisé 
  par
  Maloka pour présenter la question, incluant une déclaration du 
  PCN faite
  à Prague à l'occasion des manifestations contre le FMI et la Banque
  Mondiale le 26 septembre 2000.
  Note : la venue en Europe de ces deux individus du PCN a non seulement
  pour but d'exposer le danger que représente le Plan Colombie, mais aussi
  de tisser des liens avec d'autres espaces autogérés, d'autres 
  formes de
  résistance développées en Europe. Une tournée de 
  conférences-débat a
  donc été organisée avec des dates dans différentes 
  villes françaises :
  du 20 au 22 janvier à Dijon, puis à Nantes du 23 au 26, du 27 
  au 30 à
  Toulouse, du 31 janvier au 3 février à Lyon et St-Etienne, du 
  4 au 7
  mars à Longo Maï (Forcalquier), le 8 à Montpellier et enfin 
  les 9 et 10
  sur le plateau du Larzac (Millau).
  Comme il y a peu d'étapes et que c'est une rare occasion de rencontrer
  ces militant-e-s dans une situation où il est urgent de réagir, 
  nous
  vous invitons grandement à faire le déplacement.
  
  PRESENTATION DU PLAN COLOMBIE ET DU PCN
  
  "Un monde où il y a la place pour beaucoup de mondes"
  
  Les communautés représentées par le réseau Proceso 
  de Communidades
  Negras (en Colombie comme ailleurs en Amérique Latine) constituent un
  excellent exemple de ces multiples mondes dont parlent les zapatistes,
  et qui affirment leur richesse et leur spécificité face à 
  la monoculture
  sociale et au capitalisme. 
  Fondées dans la forêt par des esclaves en fuite, la liberté 
  et
  l'autonomie ont été de ce fait leurs valeurs centrales. (Les communautés
  de Colombie ont été en fait la première entité politique 
  des Amériques à
  arracher la reconnaissance de leur autonomie à la couronne espagnole.) 
  
  
  Un groupe de six représentant-e-s du Processus de Communautés 
  Noires
  de Colombie sera présent en Europe entre la fin janvier et le début 
  mars
  pour établir des liens avec des interlocuteurs/trices soucieux/ses
  d'initier un processus de communication et de coopération approfondies
  entre celles/ceux qui, partout dans le monde, fondent ou veulent fonder
  des alternatives collectives, autonomes, en réponse au pouvoir
  économique, politique et culturel du système capitaliste.
  
  Alternatives articulées horizontalement et de manière participative,
  qui revendiquent et pratiquent le droit à la différence et à 
  l'identité
  propre; qui retrouvent et renforcent une capacité collective pour
  l'autogestion et l'auto-organisation, de manière à créer 
  un espace de
  liberté émancipatrice, s'affranchissant des structures étatiques.
  
  Les camarades du PCN tourneront en Europe avec une palette
  d'objectifs et d'espoirs diversifiés. D'un côté ils espèrent 
  informer
  sur leur façon de s'organiser, sur l'histoire de leur résistance, 
  sur
  les alternatives qu'ils mettent en place. Ils veulent faire connaître
  leur point de vue sur la situation de la Colombie. Mais ils souhaitent
  également nouer des relations humaines directes, prendre connaissance
  des luttes et des pratiques d'organisation européennes, discuter
  d'interventions communes possibles face au cas concret que constitue le
  Plan Colombia et en faveur de l'autonomie des communautés noires,
  indigènes et paysannes. 
  
  Les ancêtres des communautés noires leur ont transmis le dicton, 
  "Je
  suis parce que nous sommes", qui implique qu'une personne n'atteint la
  liberté que lorsque ses voisins sont libres aussi. Ce principe fut l'un
  des principes fondateurs de la lutte contre l'esclavage et,
  ultérieurement, de la construction du PCN. Aujourd'hui, les camarades
  disent que leur lutte pour la liberté n'avancera que sur la base d'une
  avancée collective des luttes.
  
  Plan Colombia
  
  La situation colombienne, bien que déjà consternante, se dégrade
  quotidiennement avec l'approche d'une intervention militaire de grande
  échelle appelée Plan Colombia.
  Ce Plan est un programme de guerre agencé par le gouvernement des
  Etats-Unis. Ceux-ci offrent $1,6 milliards en armes (américaines
  évidemment). L'Europe est sollicité pour apporter $4 milliards 
  en aide
  "civile" (camps pour les populations déplacées, etc.). La part 
  des
  colombiens serait de $4 milliards. La Colombie étant déjà 
  hautement
  endettée, la somme sera prêtée par le Fonds Monétaire 
  International en
  échange d'un nouveau "plan d'ajustement structurel" (privatisations,
  etc.)!
  En vue de l'application de ce plan, l'armée des Etats-Unis a lancé 
  la
  construction de nouvelles bases militaires dans toute la région, dont 
  la
  plus grosse base américaine de toute l'Amérique Latine, à 
  Manta, en
  Equateur, ainsi que beaucoup d'autres bases dans des pays aussi 
  éloignés que le Salvador. 
  Les militaires américains ont également reçu l'autorisation 
  du
  gouvernement hollandais d'utiliser les installations dans les colonies
  hollandaises de Curaçao et d'Aruba (au large du Venezuela) à des 
  fins
  militaires. 
  En outre, sous prétexte de s'attaquer à la production de drogues, 
  ce
  plan s'appuie sur un usage massif d'armes biologiques, génétiquement
  modifiées qui vont s'attaquer à la fertilité des terres 
  et rendre
  l'agriculture vivrière impossible. A noter que cette armada chimique 
  est
  fournie par le géant de l'industrie chimique Monsanto, fameux
  inventeurs de l'agent Orange pendant la guerre du Viêt-Nam, du soja
  génétiquement modifié ou encore du gène Terminator.
  
  On prédit déjà que cela pourrait être le prochain 
  Viêt-nam, une longue
  et sale guerre dans tous les pays andins. Le prétexte, c'est le
  narco-trafic. En réalité, il s'agit d'écraser les mouvements 
  populaires
  qui résistent - souvent avec succès - au programme néo-colonial 
  des
  transnationales en Colombie, Equateur, Pérou et Bolivie. On veut
  extirper la guérilla colombienne, bien sûr, mais tout autant les
  organisations de paysans, indigènes et noirs qui dans les campagnes
  refusent l'expulsion de leurs terres, la destruction de leurs
  communautés, cultures et environnement, ainsi que les syndicats de
  citadins qui refusent la réduction du pouvoir d'achat et des budgets
  sociaux...
  
  La guerre est déjà là en Colombie. Il ne s'agit que d'intensifier 
  un
  conflit qui dure depuis 50 ans. L'imposition progressive du modèle
  libéral a abouti à la plus grave crise économique depuis 
  le début du
  conflit. Parallèlement, une puissante armée paramilitaire, agissant 
  avec
  la complicité de l'Etat, s'attaquant quasi exclusivement aux civils,
  utilise une terreur soigneusement mise en scène - massacres, assassinats
  sélectifs, tortures et disparitions - pour chasser les habitants des
  terres convoitées par les gros propriétaires et transnationales 
  (déjà 2
  millions de "déplacées"), ceci étant nécessaire, 
  entre autre, à la mise
  en place des mesures de la Banque Mondiale et du FMI. Il s'agit
  notamment d'éradiquer toutes formes de résistances, d'achever 
  la
  destruction de l'autonomie alimentaire et de la petite paysannerie, déjà
  entamée par la "dérégulation" et le "libre" échange. 
  
  
  Une guerre régionale annoncée
  
  Au-delà de la Colombie, les résistances sont vives dans tout le 
  Nord de
  l'Amérique du Sud. Au Pérou, le dictateur Fujimori est tombé. 
  Au
  Venezuela, un militaire populiste s'est fait élire à la suite 
  des
  émeutes spontanées contre le FMI. La Bolivie est sur le fil du 
  rasoir
  entre insurrection et coup d'Etat. En avril, une révolte populaire de
  paysans et citadins a chassé la transnationale Baechtel du pays,
  bloquant ainsi le programme de privatisation (en l'occurrence de l'eau)
  dicté par la Banque Mondiale. La mobilisation a repris en septembre.
  Pendant plus de trois semaines les organisations paysannes et les
  syndicats (notamment d'enseignants) ont bloqué les routes et paralysé 
  le
  pays, malgré une répression féroce (des dizaines de morts 
  par balles).
  En Equateur, les mouvements indigènes (CONAIE) et paysans (CONFEUNSSAC)
  avec des alliés syndicaux (notamment du pétrole) bloquent depuis 
  plus
  d'une année le programme de privatisation et d'austérité 
  du FMI. En
  janvier, ils ont même pris brièvement le pouvoir dans un immense
  soulèvement non-armé. 
  
  L'Amérique Latine lutte pour son indépendance et veut librement 
  décider
  de son avenir. Cependant, grâce à la "guerre contre la drogue" 
  les
  "conseillers" militaires U.S. sont déjà à pied d'ouvre 
  partout, des
  militaires de tous ces pays ont déjà reçu leurs diplômes 
  es tortures à
  "l'Ecole des Amériques" de l'armée yankee et les casernes poussent 
  comme
  des champignons. 
  
  Face à cette grande guerre impériale, l'opposition en Europe et 
  en
  Amérique du Nord peut jouer un rôle décisif. 
  
  
  LA GUERRE EN COLOMBIE 
  MASSACRE ET DEPORTATION DE LA POPULATION NOIRE 
  Texte du PCN
  
  "La Colombie est un pays de 37 millions d'habitant-e-s, parmi
  lesquel-le-s 30%, c'est-à-dire 9,210,000 sont les descendant-e-s
  noir-e-s d'esclaves africains qui avons, à travers un processus de lutte
  et de résistance de plus de trois siècles, réussi à 
  gagner notre
  liberté, nous retranchant dans les montagnes, les vallées et les 
  côtes
  où le conquistador européen n'est jamais parvenu. Durant des siècles,
  des noir-e-s libres se sont adaptés à un monde inconnu pour survivre 
  et
  nous avons ainsi créé notre propre monde, notre propre culture.
  
  Depuis cette période libertaire, l'exclusion et le racisme ont marqué
  l'attitude des colombien-ne-s envers la population noire. Les ressources
  que possède notre territoire ont été saccagées par 
  les grandes 
  multinationales. Nous avons connu l'aliénation culturelle, la soumission
  à des conditions de pauvreté absolue et la négation de 
  tout droit
  social, économique, politique ou culturel. Ce ne sont là que
  quelques-unes unes des formes de ladite exclusion.
  
  Aujourd'hui, dans la guerre interne que connaît la Colombie depuis
  plusieurs décennies, nous avons été condamnés à 
  une extermination
  muette, imposée par l'Etat et par les groupes économiques. Nos 
  droits
  individuels et collectifs ont été bafoués (...)
  Les espaces desquelles la population est violemment expulsée
  correspondent aux zones stratégiques de la guerre. Un million de
  personnes noires ont été déportées ou déracinées 
  des ses terres (au 1er
  octobre 2000) (...)
  Le projet historique du peuple noir possède un enracinement culturel,
  territorial, environnemental et social. Notre lutte consiste en la
  défense des territoires où nos ancêtres ont vécu; 
  où nous avons créé et
  recréé notre culture tout au long de l'histoire de la Colombie 
  et de
  l'Amérique. Elle exige que la communauté gouverne collectivement; 
  elle
  veut le renforcement de notre identité et une autonomie selon laquelle
  nous pourrons déterminer librement de nos propres choix de vie en accord
  avec nos aspirations et notre identité en tant que peuple. L'état
  capitaliste de la Colombie a transformé les communautés noires
  organisées, qui luttent pour la défense du territoire comme choix 
  de vie
  et pour des principes culturels comme l'identité, en victimes de
  racisme, de pauvreté, de marginalisation. Nous sommes devenus les
  objectifs militaires de groupes armés qui défendent des intérêts
  politiques, fonciers, narcotrafiquants et affairistes.
  
  Ceux-ci visent l'exploitation irrationnelle des ressources minérales,
  l'anéantissement de la biodiversité, l'établissement de 
  projets
  touristiques, de routes, de ports et de canaux, d'entreprises
  agro-industrielles, forestières ou énergétiques...
  
  Depuis l'esclavage, la déportation systématique que nous connaissons
  actuellement est l'agression la plus criminelle que nous ayons connu,
  nous le noirs de Colombie et d'Amérique. La déportation est le 
  résultat
  d'un processus d'intimidation, de massacres. Elle parfait notre
  invisibilité. Elle scelle la perte de nos terres et de l'accès 
  à nos
  ressources naturelles. Elle écartèle les familles. Elle anéantit 
  la
  solidarité, l'amour-propre et le droit à vivre en paix, selon 
  nos
  traditions, nos coutumes et nos aspirations culturelles.
  
  Le peuple noir exige des acteurs de la guerre en Colombie qu'ils
  l'excluent du conflit; qu'ils respectent son autonomie et ses droits
  fondamentaux et qu'ils cessent de combattre sur ses terres. Nous en
  appelons à la communauté internationale de nous accompagner, de 
  se
  solidariser avec nous et de lutter avec nous pour consolider, dans ce
  monde capitaliste, les espaces de vie de la communauté noire, en accord
  avec les enseignements de nos ancêtres: nos terres sont l'espace où 
  nous
  pouvons exister et survivre; où se situent nos idéaux et notre 
  histoire,
  où doit régner la vie et la joie, l'espérance et la liberté."
  
  Processus des Communautés Noires - PCN
  Prague, 26 septembre 2000
  
  http://www.chez.com/maloka/ 
  --- maloka@chez.com
  
Vive la révolution : http://www.mai68.org
                                      ou : 
  http://www.cs3i.fr/abonnes/do 
  
             ou : 
  http://vlr.da.ru
                ou : 
  http://hlv.cjb.net