17 avril 2001
Lettre ouverte de Gaël Roblin au garde des sceaux
Je ne suis ni Tchétchène, ni Kurde, ni Tibétain... je suis
Breton !
Je ne suis pas incarcéré depuis plus d'un an à Istanboul
ou Téhéran
mais à... Paris, centre du monde civilisé et capitale de la patrie
des « droits de l'homme » !
Je suis suspecté d'être membre de l'Armée Révolutionnaire
Bretonne.
En presque un an l'instruction a mis en lumière le fait que... j'ai
tapé un texte ! D'après le magistrat instructeur cela est passible
de
la réclusion criminelle à perpétuité ! Et ce bien
que j'aie été
arrêté sans armes, sans explosifs et que mon emploi du temps soit
sans équivoque. Je ne suis mis en cause dans aucun attentat. Le juge
des libertés et de la détention ne cache pas lui que mon maintien
en
prison est justifié par mon engagement politique car au milieu du
fatras juridique invoqué il stipule noir sur blanc dans son
ordonnance de rejet de demande de mise en liberté : « Attendu que
ROBLIN qui conteste appartenir à l'ARB mais qui ne nie pas ses
sympathies nationalistes et d'ailleurs appartenir au mouvement
EMGANN... ».
Oui c'est vrai je suis militant du mouvement de la gauche
indépendantiste EMGANN qui est un mouvement public, j'en suis
toujours porte parole et en plus j'ai de la sympathie pour l'ARB.
J'ai d'ailleurs accepter de taper ce texte par motivation politique.
En vous adressant celle lettre je ne veux pas m'abaisser à vous
réclammer un traitement de faveur ou à m'attirer votre mansuétude,
je
veux simplement vous signaler que malgré vos dénis il y a des
prisonniers politiques Bretons en captivité en France. L'arrêté
du
juge des libertés me concernant est on ne peut plus clair. Il vous
faut donc prendre des dispostions nécessaires pour la mise en place
d'un statut de prisonnier politique. Cela sous entend :
- le regroupement et le rapatriement des prisonniers
politiques Bretons en Bretagne
- la libération immédiate des prisonniers malades
- le droit pour nous de s'exprimer en langue bretonne lors de
l'instruction et du procès. Ce dernier point mettrait d'ailleurs les
justiciables britophones à égalité avec les locuteurs germanophones
d'Alsace et de Moselle qui peuvent eux s'exprimer en Allemand devant
les différentes juridictions de votre république. A moins bien
sûr
que vous ne considériez que les Britophones soient des sous-citoyens
?
J'ai bien noté avec quelle malhonnêteté intellectuelle
vous avez nié
cet hiver à plusieurs reprises dans les media l'existence des
prisonniers politiques Bretons. J'ai aussi pris note de vote mépris
pour réfuter nos revendications à ce sujet alors que notre grève
de
la faim tournante était arrivée à plus de 120 jours et
que les
initiatives de soutien se multipliaient dans et hors des prisons de
votre république bananière. Pendant ce temps là vos amis
politiques
tentaient d'émouvoir sur le sort de Maurice Papon ou sur les
conditions de placement en détention d'un innocent aux mains pleines
impliqué dans un trafic d'armes ayant coûté la vie à
des centaines de
milliers de personnes.
Ce mépris hautain et ce manque de courage politique ne vous est
d'ailleurs pas spécifique. C'est en effet le même mépris,
le même
double langage qui est opposé à toutes les revendications même
les
plus raisonnables en Bretagne depuis 30 ans !
Ce mépris porte en lui les germes de la résistance que vous prétendez
museler.
Vous allez rétorquer que je cautionne « la violence », «
le
terrorisme »...
Je me dois de vous rappeler qu'une « association de malfaiteurs en
relation avec un entreprise terroriste » est censé « vouloir
troubler
gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ». De
l'aveu même du juge d'instruction qui m'extrait de ma cellule de
temps à autre personne parmi les militants politiques incarcérés
n'a
souhaité la mort de qui que ce soit. Il a donc lui même du mal
à voir
en nous des « Terroristes voulant imposer leurs idées par la violence
en bande organisée »
De mon point de vue ce qui s'approche le plus de cette définition est
justement la juridiction anti-terroriste et son bras armé la Division
Nationale Anti Terroriste.
Cette juridiction chaque jour un peu plus décriée pour ses excès
sert
surtout à imposer par l'intimidation et la terreur une certaine
conception de la « paix républicaine française » à
ceux et celles qui
pourraient être tentés de la contester. J'en arrive donc à
réclamer à
défaut du statut de prisonnier politique la dissolution de cette
tristement célèbre 14ème section comme cela avait été
le cas de la
défunte cour de sûreté de l'État.
Vous comprendrez que malgré le fait que nous ayons des points
communs (nous sommes originaires tous deux de Bretagne et tout comme
vous je n'ai pas fait d'études de droit) je ne vous salue pas.
Je vous prie simplement de croire en ma sincère détermination
à
combattre à visage découvert comme je l'ai toujours fait la justice
coloniale de classe que vous incarnez.
Gaël Roblin
Prisonnier Politique Breton
La Santé 23/03/01
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