12 avril 2001
Bonjour à toutes et à tous,
Nous vous proposons la traduction d'un texte rédigé le mois dernier 
  par
  Carter Camp, Indien Ponca originaire de l'Oklahoma et leader depuis le
  début des années 70 de l'AIM (American Indian Movement). Il décrit 
  une
  réalité économique bien éloignée du cliché 
  de tribus indiennes prospérant
  aux Etats-Unis grâce aux casinos.
La situation qu'il dénonce n'est pas nouvelle et n'est pas non plus 
  limitée
  à la communauté de Rosebud. Ni même aux Etats-Unis.
Dans l'état de l'Arizona, les Dineh (Navajo) continuent d'assister au
  saccage de leur communauté et de leur territoire par des extractions
  d'uranium et des mines de charbon à ciel ouvert. 
Dans l'Utah, la petite tribu Goshute de Skull Valley risque d'ouvrir son
  territoire au stockage de quelques 40,000 tonnes de résidus hautement
  radioactifs.
Il y a bien d'autres communautés indiennes qui sont à la merci 
  du chantage
  économique des grosses corporations et des risques de corruption de leurs
  conseils tribaux.
Deux jours avant la fusillade du 26 juin 1975 sur la réserve de Pine 
  Ridge,
  à l'issue de laquelle un jeune membre de l'AIM et deux agents du FBI 
  ont
  perdu la vie, Dick Wilson, le président du conseil tribal, a négocié 
  dans
  le plus grand secret à Washington le transfert d'une portion importante 
  du
  territoire de la réserve au gouvernement fédéral. Un territoire 
  riche en
  uranium et en minerais. 
  La fusillade est considérée par beaucoup comme un "incident" 
  déclenché par
  les fédéraux pour faire diversion tout en réprimant brutalement
  l'opposition au régime de terreur de Wilson. 
  Leonard Peltier ne sert pas seulement de bouc émissaire pour le FBI. 
  Il est
  aussi et surtout l'otage d'un système qui protège les intérêts 
  des grosses
  corporations au détriment de tout le reste.
Céline
  pour le LPSG-France
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Mars 2001
Comment les terres indiennes sont en passe de devenir les dépotoirs de l'Amérique
  par Carter Camp, Nation Ponca (Oklahoma)
Beaucoup de circonstances propres aux contrées indiennes conduisent 
  nos
  terres à devenir les cibles des pourvoyeurs des déchets de l'Amérique. 
  Dans
  ma tribu Ponca, nous avons dû nous opposer à des projets d'implantation
  d'un réservoir souterrain de stockage de produits par injection, de
  plusieurs incinérateurs de déchets toxiques, de sites de stockage 
  de
  résidus radioactifs de faible intensité et de décharges 
  de détritus. Mais
  notre tribu et son territoire sont petits, les principales cibles étant 
  de
  vastes réserves telles Rosebud (Dakota du Sud) avec une superficie
  permettant d'y enfouir de tels sites afin d'épargner leur toxicité 
  aux
  citadins des mégapoles, ces américains qui exigent des biens de
  consommation au rabais sans accepter que leurs déchets soient entreposés 
  à
  deux pas de chez eux. Rosebud est le territoire de la nation indienne
  Sicangu Lakota qui héberge à contrecoeur une gigantesque porcherie. 
  Suite à
  l'action en justice perdue par la tribu et l'agence de protection de
  l'environnement, il est envisagé que cet élevage en batterie se 
  développe
  jusqu'à devenir le plus important de la planète! Ce qui entraînera 
  le
  déversement d'immondices aux substances toxiques dans quelques 33 lacs
  souterrains couvrant plusieurs centaines d'hectares de terre vierge. 
Le principal facteur qui fait de nous des cibles avantageuses est la
  situation d'extrême pauvreté et de chômage sévissant 
  sur nos réserves. La
  pauvreté entraîne dans la communauté une quête désespérée 
  d'emplois qui
  trouve un écho auprès des leaders tribaux. Après une campagne 
  électorale
  assortie d'une plateforme pour le développement économique, ces 
  élus
  prennent conscience rapidement de la quasi-impossibilité de créer 
  un nombre
  substantiel d'emplois sur les réserves. Nos peuples ont jadis été 
  confinés
  à vivre dans des régions les plus éloignées possible 
  et en marge du reste
  de la population américaine et nous avons été traités 
  comme des "pupilles
  du gouvernement" jusqu'à l'ère moderne. Du jour au lendemain, 
  nos leaders
  tribaux se voient confiés la responsabilité de créer des 
  emplois pour la
  communauté en l'absence de toute structure de financement ou de système 
  de
  collecte de fonds. De surcroît, les membres de leur propre famille
  connaissent le dénuement, ce qui engendre une vulnérabilité 
  que les
  entreprises s'empressent d'exploiter pour le traitement de leurs déchets.
L'attrait de nos territoires est un autre facteur déterminant auprès 
  des
  sociétés de traitement des déchets. Pourtant, nos réserves 
  sont
  généralement la dernière option pour l'implantation d'un 
  site de stockage,
  les choix se portant en priorité sur des emplacements à proximité 
  de la
  production des déchets. Mais les sociétés ont été 
  contraintes par les
  manifestations d'opposition des Américains à renoncer et à 
  tenter de
  s'implanter en terre indienne. La conjoncture de ces compagnies en quête 
  de
  sites et d'élus tribaux en quête de "développement 
  économique" met nos
  terres en péril. 
Après que nos tribus se soient battues pour obtenir la souveraineté 
  limitée
  qu'elles ont aujourd'hui, le Bureau des Affaires Indiennes (BIA) s'est
  trouvé dépossédé de son pouvoir d'intendance qu'il 
  exerçait jusque là avec
  une poigne de fer sur les instances tribales. Dans un acte de représaille
  terroriste ou par l'ironie du sort, ce BIA agonisant a reconnu les
  gouvernements tribaux issus de la Loi sur la Réorganisation Indienne 
  (IRA)
  de 1934 comme les entités gouvernementales légitimes de nos nations. 
  Ces
  prétendus gouvernements ne sont en aucune manière les instances
  gouvernantes de quelque tribu indienne que ce soit. Ils ont été 
  conçus par
  des bureaucrates blancs en poste au BIA pour servir d'instruments chargés
  d'exécuter les politiques d'assimilation-déplacement-anéantissement 
  qu'ils
  ont développées de 1930 à 1970. Les constitutions fantoches 
  issues de l'IRA
  remettent tous les pouvoirs du gouvernement sur un conseil tribal constitué
  de 4 à 20 membres. Un tel pouvoir représente une charge colossale 
  investie
  sur un aussi petit groupe d'élus. Quels américains, au nombre 
  de quatre,
  seraient les plus aptes à diriger convenablement l'Amérique une 
  fois
  investis des mêmes pouvoirs opaques semblables à ceux qui ont été 
  attribués
  par l'IRA aux conseils tribaux? La situation de corruption et d'abus de
  pouvoir endémiques, inhérente au système instauré 
  par l'IRA, est
  inévitable. C'est une brèche que les compagnies de traitement 
  de déchets
  savent exploiter. Des négociations conclues grâce à des 
  faveurs
  personnelles sont monnaie courante en terre indienne et n'assurent aucune
  protection à la tribu sur le plan financier, ni sur ceux de la santé 
  et de
  l'environnement.
  
  Les derniers et pires pourvoyeurs d'immondices ont lancé leur assaut 
  sur
  nos terres. Des porcheries!!! Sur la réserve de Rosebud, un gigantesque
  élevage en batterie est maintenant opérationnel. Tous les facteurs 
  que j'ai
  mentionnés précédemment ont été déterminants 
  dans l'implantation de cet
  élevage porcin générateur de merde en territoire indien. 
  Le fait qu'un
  habile escroc ait été autorisé à négocier 
  un arrangement dont la tribu
  devra faire les frais est déjà assez déplorable, mais ce 
  type de business
  viole de plus tout ce qui est sacré dans notre culture. Nous, Indiens, 
  nous
  sommes toujours tournés vers certaines valeurs qui différencient 
  nos
  sociétés de celles des Wasicus(1). Notre conception de la Terre 
  Mère comme
  une entité vivante qui doit être respectée, notre perception 
  de l'eau comme
  étant sacrée pour tous les êtres vivants et la marque de 
  notre respect à
  l'égard de tout ce qui vit sur cette terre et à quoi nous sommes 
  liés, sont
  toutes des valeurs tribales profanées par cet assaut répugnant.
Les cochons sont des êtres intelligents et les amis de longue date des
  Européens, comme Shunka (le chien) l'est pour notre communauté. 
  Dans ces
  élevages intensifs, les porcs sont parqués et confinés 
  à rester nuit et
  jour au même endroit pour être gavés d'énormes quantités 
  de pâture,
  d'hormones et d'antibiotiques. Ils ne voient jamais le soleil, ne sentent
  jamais l'herbe et ne sont jamais effleurés par le vent. Ils vivent de
  courtes existences faites d'interminables tortures. Des milliers de porcs,
  placés côte à côte dans des rangées de stalles 
  individuelles, produisent
  une énorme quantité de lisier qui est évacuée par 
  des volumes importants
  d'eau pure (fournie grâcieusement par la tribu!) vers des champs d'épandage
  ouverts, des fosses de vidange où les fluides soit s'évaporent, 
  s'écoulent
  en aval ou s'inflitrent jusqu'à la nappe phréatique. La puanteur, 
  qui est
  déjà intolérable sur plusieurs kilomètres à 
  la ronde, est sur le point de
  devenir 30 fois plus incommodante. Les porcs gavés d'hormones et
  d'antibiotiques sont débarqués puis emportés sans discontinuer, 
  ne laissant
  que leurs ordures non naturelles sur le territoire.
Maintenant, un juge fédéral a accordé le droit d'expansion 
  à cette usine
  d'immondices! Ils sont même autorisés à doubler ou tripler 
  son volume
  jusqu'à la transformer en la plus immense porcherie des Etats-Unis! La
  tribu (qui s'oppose désormais à cet élevage en batterie 
  et fait face à des
  obligations d'indemnisation exorbitante qu'une rupture du contrat risque
  d'entraîner) ne parvient pas à déterminer comment et même 
  si elle doit
  s'engager dans cette voie. Leur souci majeur est que l'administration
  tribale précédente a "renoncé" au droit souverain 
  de la tribu à son
  immunité dans le cas de poursuites en justice. Avec l'arrivée 
  du printemps,
  l'élevage en batterie va rapidement entrer dans sa seconde phase consistant
  à doubler sa capacité !
Ce n'est que par l'organisation populaire et l'activisme que ce projet
  insensé pourra être entravé dans son développement. 
  La communauté Sicangu
  Lakota a démontré par le biais d'un référendum qu'elle 
  souhaite
  l'interruption de ce projet. L'agence de protection de l'environnement et
  le bureau des affaires indiennes ont tenté tardivement et d'une manière
  inefficace d'apporter leur assistance pour enrayer l'impact des déchets 
  et
  jusqu'à maintenant, ils ont échoué. Plusieurs organisations 
  et un grand
  nombre de personnes se sentant interpelées ont exprimé leur opposition 
  à
  cet élevage et leur désir d'y mettre un terme. Nous disposons 
  maintenant
  des éléments essentiels à l'organisation d'une forte cohésion 
  populaire
  pour arrêter cette abomination.
Durant l'hiver, cette affaire était débattue dans une cour de 
  justice et
  l'importance de son enjeu semble avoir été laissée de côté 
  par un grand
  nombre d'entre nous. Mais avec le printemps arrive le dégel et on peut 
  être
  sûr que la direction de l'usine porcine se tient prête dans ses 
  plans
  d'expansion. Il est temps que la communauté indienne fasse front commun
  pour protéger cette terre, son eau et nos futures générations.
(traduction : LPSG-France)
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  Notes :
(1) Le terme lakota " wasicu " désigne les Blancs.
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