17 avril : " journée mondiale des luttes paysannes ", en ce début de 21ème siècle…
la famine sévit encore au Burkina Faso !

    La sécheresse, l’avancée du désert, dont les causes sont loin d’être " naturelles ", en sont pour partie responsables. Mais pour partie seulement. Depuis la colonisation française, le plus important problème de l’agriculture, c’est l’énorme déséquilibre entre les cultures vivrières ( Mil, maïs, sorgho, igname ….) et les cultures de rente ou d'exportation ( coton, arachide, sésame, canne à sucre…). Depuis leur introduction à grande échelle sur les exigences de la Métropole, tous les efforts de l'Etat colonial puis néo-colonial se sont concentrés sur elles, avec des conséquences terribles.

    Le cas de la Société Sucrière de la Comoé ( SOSUCO ), près de la frontière Burkina /Côte d’Ivoire, est très éloquent. En 1973, à l'implantation des champs de canne à sucre qui s'étendent sur 4000 ha, les villages concernés ont été dispersés et les paysans expropriés (en contre partie du non paiement de l'impôt de capitation pour une période de 10 ans, ce qui représentait 8000 FCFA soit 8O FF!). Toute la région a été touchée, car pour l’irrigation des plantations, l’eau a été confisquée bien au delà du périmètre de culture de la canne. Aujourd’hui, il y a une crise dans la filière sucre : les marchés africains sont saturés par l’écoulement des surplus européens ! Chassés hier de leur terres, les anciens paysans devenus en grand nombre ouvriers agricoles paient une deuxième fois l’addition !

    L’exemple du coton est tout aussi édifiant. Cette culture bénéficie d’un encadrement étroit par la Société des Fibres et Textiles, jadis Confédération Française pour le Développement des Textiles. La commercialisation est assurée et pour "remotiver" les paysans qui depuis quelques années boudaient la culture, on vient d'augmenter le prix d'achat du coton graine au producteur ( de 180 à 200 FCFA ). Les crédits pour les intrants sont également octroyés ce qui n'est pas le cas pour les cultures vivrières. Résultat, cette année la production cotonnière a atteint le chiffre record de 350 000 tonnes. Peut importe si dans le même temps, les cultures vivrières ont enregistré un déficit de 342 000 tonnes ! Peut importe également si la culture du coton appauvrit très vite les sols (les tiges de coton en raison de leur consistance ne peuvent pas être incorporées dans le sol et sont brûlées ; les grandes superficies accordées au coton rendent impossible, dans les conditions du pays des apports de matière organique, d'où l'utilisation intensive des seuls engrais minéraux…). Dans ce secteur, la concentration de la production est très rapide, Blaise Compaoré, le très contesté président du pays, en est le grand bénéficiaire. Le groupe français Bolloré (dont le fameux Michel Roussin est l’un des principaux lieutenant) est sur le coup. Bien connu pour la surexploitation intensive de la forêt camerounaise, aux conséquences désastreuses sur les équilibres écologiques et les populations, il s’intéresse aujourd’hui à la filière coton au Burkina (investissement de 10 millions de FF dans une plate forme de stockage).

    Les résistances paysannes existent. Les luttes contre l'expropriation des terres se sont ranimées au moment de la privatisation de la SOSUCO : tant que l'Etat en était le propriétaire, les paysans n'avaient pas trop protesté, mais dès lors qu'ils ont appris qu’un privé (Aga Khan) reprenait l'usine, ils ont réclamé leurs terres (les autorités ont du renoncer à leur cession pure et simple au repreneur qui a du se contenter d’un bail de longue durée). La privatisation d'un ranch d'élevage a également été annulée à Banfora ( Projet Feed Lot ) suite au refus des paysans d'accepter le transfert de leurs terres à un privé. Le 27 Février 2001, les paysans de Bagré ( 220 km au Sud de Ouaga ) ont occupé les Bureaux du Projet qui leur a retiré leur terre pour l'aménagement de 30 000 ha de périmètres irrigués. Dans la filière coton, les petits producteurs s’organisent contre le dictat des fournisseurs d’intrants… Ces luttes s’intègrent à l’ensemble des résistances populaires du mouvement " Trop c’est trop ! ", qui depuis plus de deux ans met en accusation le régime de Blaise Compaoré : pour ses crimes politiques dans un pays où la liquidation physique est devenue un mode de gouvernement, mais aussi pour ses crimes économiques.

    Les paysans et la population burkinabé sont victimes du régime de Blaise Compaoré, de sa soif de pouvoir et d'argent, mais aussi du soutien que leur apportent les autorités françaises. Ils sont victimes de la domination coloniale puis néo-coloniale qui ont imposé des rapports de production et d’échanges capitalistes, victimes des firmes françaises qui tirent profit de cette agriculture de rente. Ceux qui affament le Burkina sont, pour un certain nombre, ceux-la mêmes que nous accusons ici d’empoisonner les populations par une agriculture où la course au profit a remplacé la mission de nourrir. C’est un des fondements de notre solidarité avec les luttes du peuple burkinabé.


comité " norbert zongo " grenoble
information et solidarité avec la lutte du peuple burkinabé
Boite 24, Maison de Quartier, 95 Galerie de l’Arlequin 38100 Grenoble

 


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