15 juin 2001
UNE ET INDIVISIBLE
Dans une interview au quotidien " Ouest – France ", Madame Stoller, procureur de la quatorzième section du parquet anti- terroriste de Paris, déclare : " L’ A R B a été démantelée, je crois qu’elle ne se remettra pas de sitôt de l’attentat de Quévert ". Madame Stoller suit le même raisonnement que Messieurs Peyrefitte, Marcellin et Bonnet… à une autre époque. A chaque fois que des arrestations ont eu lieu en Bretagne : les auteurs présumés de l’attentat du château de Versailles, ceux de la villa du commissaire Le Taillanter, la même analyse était faite. Analyse qui se révélait inexacte puisque quelques années plus tard renaissait un autre FLB ou une autre ARB.L’histoire démontre que tous les acquis obtenus en Bretagne ces cinquante dernières années l’ont été après un passage " obligé " par la violence, symbolique pour les différents FLB, moins symbolique pour les luttes paysannes. Les gouvernements de l’Etat français n’ont jamais rien cédé qu’après ce passage par la violence.
Dans le cas particulier de Quévert, Madame Stoller s’est bien empressée de désigner le coupable, l’ARB, qui, pour elle, n’était rien d’autre que le mouvement Emgann. La police politique qu’est la DNAT a suivi cette piste unique, c’est quelque cent vingt interpellations qui auront lieu dans cette mouvance, interpellations souvent musclées et hors de la limite de la légalité. Aujourd’hui sept Bretons restent incarcérés dans la région parisienne ; quatre d’entre eux ont été arrêtés après Quévert, ils n’ont probablement pas grand chose à voir avec cet attentat , sinon on nous l’aurait fait savoir depuis longtemps. Surtout si l’on se rappelle la sur-médiatisation de l’événement.
Parallèlement une campagne de dénigrement est lancée depuis plusieurs années contre un autre secteur du mouvement breton, une campagne contre le mouvement culturel et linguistique, plus insidieuse, plus perverse : pendant l’occupation nazie, il n’y aurait eu de collaborateurs qu’en Bretagne, il n’y aurait eu d’ anti sémites qu’en Bretagne. Dans les deux cas, ce sont des analyses simplistes. Le renouveau breton prend de l’ampleur, les sondages lui sont favorables, une analyse des dernières élections municipales montre que même au niveau politique les choses changent, un plus grand nombre d’électeurs vote utile et breton. Le même phénomène est ressenti en Corse, au Pays Basque … Cela n’est pas supportable pour la France jacobine qui va se retrouver toute seule en Europe à défendre l’idée d’un Etat hyper centralisé.
La France, pays des droits de l’homme, exemple de la démocratie, image qu’elle voudrait se donner dans le monde, se veut moralisatrice sur l’emploi de la violence politique. A peine sortie de l’occupation nazie, le gouvernement français envoie une partie de ses troupes libératrices à Madagascar faire le sale travail, une répression sans précédent. Refaire à d’autre ce que la population française venait de subir. Combien d’opposants malgaches ont-ils été précipités d’un avion en plein vol ? Personne ne le saura jamais, ces incidents sont restés inconnus pour la plupart des Français, raison d’Etat oblige. L’Indochine aussi, où l’on envoie des troupes coloniales (tirailleurs sénégalais) contre une population qui veut se libérer du même Etat colonisateur : la France.
Dès le mois de mai 1947, dans " Combat ", Albert Camus écrivait : " Nous faisons ce que nous avons reproché aux Allemands de faire " .Il ne le disait pas seulement pour Madagascar, mais aussi pour l’Algérie. En Algérie, c’est bien avant le premier novembre 1954, qui marque le début de la guerre d’indépendance, que les exactions ont commencé. La torture ne s’est même pas inscrite dans une logique de répression ou de " renseignement " qui pourrait, aux dires de certains, lui donner une sorte de légitimité douteuse, il s’agissait en fait d’un déni d’humanité, de racisme colonial : unité territoriale oblige.
François Mitterrand, " père " de tous les socialistes au pouvoir aujourd’hui en France, était ministre à l’époque, ministre de l’Intérieur du 19 juin 1954 au 23 février 1955, ministre de la Justice du premier février 1956 au 13 juin 1957. Toutes ces atteintes aux droits de l’homme ont été faites au nom d’une France " une et indivisible " ; les Malgaches, les Sénégalais, les Vietnamiens, les Algériens étaient français. A propos de l’Algérie, le 6 novembre 1954, Pierre Mendès – France, président du conseil, chef du gouvernement de la France, s’expliquait à l’Assemblée nationale : " qu’on n’ attende de nous aucun ménagement à l’égard de la sédition, aucun compromis avec elle. Les départements d’Algérie font partie de la République, il n’est de sécession concevable ".
On ne peut comparer que ce qui est comparable, mais l’Etat français, aujourd’hui, poursuit la même logique : la France est une et indivisible. Ses dirigeants sont prêts à employer tous les moyens pour maintenir ce cap, y compris des entorses au droit français. La cellule élyséenne de François Mitterrand a fait ses preuves avec les Irlandais de Vincennes, et, ses écoutes téléphoniques, Charles Hernu avec le Rainbow Warrior.
Que penser de cet Etat démocratique qui fait voter des lois qui sont violées par ses ministres ? Pour nos camarades bretons emprisonnés ? Combien de fois la loi sur la présomption d’innocence a-t-elle été bafouée par Monsieur Chevènement, alors ministre de l’Intérieur et par Madame Le Branchu, ministre de la Justice ? Combien de démarches ont-elles été faites en vain pour qu’un détenu gravement malade soit soigné correctement au pays des droits de l’homme ?
La mort de Laurence Turbec est inacceptable, il faut le dire et le redire, rien ne peut justifier la mort d’une innocente. Désigner des coupables aux premières minutes de l’enquête est aussi inacceptable, surtout quand cela est dicté pour des besoins politiques d’un Etat qui a accumulé les crimes et les exactions par milliers depuis cinquante ans.
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