20 juin 2001

AU SOMMAIRE : - La cause Mapuche ( 3 articles)
- L’Esclavage moderne
 
      
 
PS : 
bonjour, exceptionnellement je n’ai pas mis les informations transmises par 
Amnesty car la partie intitulée « La Cause Mapuche » est très 
importante, si bien que trop de lecture risque de vous décourager (je pense). Je 
tiens également à attirer votre attention sur le fait que l’intitulé 
« Esclavage moderne » a pour objectif de retenir votre opinion. A 
défaut d’avoir pu trouver des textes pertinents sur le sujet, je vous invite 
vivement à faire une petite recherche de votre côté et d’oublier la télé ou la 
radio un court instant. Et oui, TF1 n’en parlera pas. 
Je 
vous présente également mes excuses car je n’ai pu retrouver l’article dont je 
vous ai parlé lors de la « parution » 
précédente.
Enfin, 
éprouvant une difficulté certaine à élaborer seul cette « Petite 
info », j’attends vos idées et suggestions les bras ouverts….votre aide me 
sera plus qu’utile. Il en va de même si vous souhaité qu’un thème particulier 
soit abordé.
Désormais 
la petite info sera aussi illustrée en images.
Bien 
sur n’omettez pas de transmettre ce courrier à vos 
contacts.
Merci, 
Xéric.
 
 
La révolte mapuche, un conflit 
annoncé
 Adolfo 
Schartau
" 
Marichiwew ! Marichiwew ! " 
L’ancien cri de guerre mapuche résonne à nouveau en Arauco. Le conflit des 
communautés indiennes mapuches se répand comme une traînée de poudre dans les 
VIIIe et IXe régions du Chili. Collipulli, Lumaco, Los Sauces, Carahue, 
Imperial, Puerto Saavedra, Milipulco, Santa Rosa de Colpi, Ralco… La liste est 
longue et continue à s’allonger. Les Mapuches se battent sur deux fronts en ce 
moment au Chili : d’une part pour la revendication de leurs terres usurpées par 
les entreprises forestières et par des particuliers, et d’autre part contre les 
" méga projets " des entreprises transnationales, en particulier celui d’Endesa 
à Ralco dans le haut Bío-Bío, multinationale dont le principal actionnaire est 
Endesa-Espagne (1).
En 
octobre 1997, les communautés mapuches de Pilil Mapu et de Pichi Loncoyan dans 
la commune de Lumaco, de Huelle Bajo et de Lleu Lleu en Contulmo et Cañete, 
entamèrent une occupation pacifique de terrains en revendiquant 80 000 hectares 
des terrains usurpés. Au total, les communautés mapuches revendiquent à l’heure 
actuelle 400 000 hectares de terres. Le 12 octobre, les communautés décident de 
paralyser les activités de l’entreprise forestière Arauco et, le 14 octobre 
1997, la police intervient brutalement. L’occupation se solde par plus de 
quarante arrestations et plusieurs blessés, et l’expulsion des communautés. 
Depuis, tout au long de l’année 1998, les conflits se sont succédés et la 
situation n’a cessé de se dégrader. La solution proposée par les autorités 
locales avec le soutien financier des entreprises fut la relocalisation des 
populations indigènes sur un territoire périphérique plus proche. Ce transfert 
humain devrait non seulement être une solution au conflit mais permettre que les 
entreprises forestières disposent d’une main d’œuvre bon marché à portée de la 
main.
Les 
conflits actuels trouvent leur origine à l’époque de la dictature. En effet, 
tout le processus mené par Allende pour distribuer de la terre aux Indiens a été 
stoppé par le régime de Pinochet. Les terres collectives occupées historiquement 
par les communautés mapuches furent divisées en domaines individuels et les 
terres dont les titres de propriété n’étaient pas encore légalisés ont été 
récupérées par l’État et revendues à des particuliers et à des entreprises, 
notamment forestières. Depuis, l’exploitation intensive et la 
transnationalisation de l’économie de la région ne se sont pas arrêtées mettant 
en péril la survie culturelle des populations indiennes. Les entreprises 
forestières installées dans la VIIIe région du Bío-Bío (région qui comprend la 
Cordillère des Andes, la Cordillère de la Côte et des plaines, soit environ 37 
000 km2) occupent une superficie de 1 300 000 hectares de bois artificiel. Le 
bois naturel qui occupait une superficie de 400 000 hectares se trouve 
pratiquement épuisé, il ne survit que dans les petits espaces 
mapuches.
Depuis 
le début des occupations des terres par les familles mapuches, les entreprises 
forestières ont riposté en harcelant les populations autochtones. D’abord, par 
des " mesures légères ", c’est-à-dire des annonces verbales les invitant à 
quitter les lieux, ou par des menaces d’expulsion, et ensuite en passant à 
l’acte: en encerclant purement et simplement les terres occupées par les 
familles indiennes avec des barbelés, et en reboisant autour des maisons 
mapuches. Les personnes retrouvées dans les terrains ainsi encerclés, étaient 
arrêtées et les animaux tout simplement éliminés. Certaines entreprises, comme 
la forestière Mininco, ont fait protéger ces chantiers par des brigades civiles 
armées. La première action de ces groupes paramilitaires fut l’intimidation des 
Indiens par l’emploi des armes blanches.
 La 
contamination de l’environnement.
Hormis 
la spoliation des terres indigènes, les exploitations forestières et le 
développement des projets transnationaux provoquent des problèmes de pollution 
ou de déstructuration de l’environnement. Un des principaux problèmes 
écologiques provoqués par les usines de cellulose et les plantations de forêts 
artificielles est la contamination des sols, des fleuves, de la mer et de l’air. 
On a constaté la pollution importante des plages à proximité de Concepción, 
produite par des résidus liquides et des déchets des usines de cellulose. On a 
aussi constaté la pollution marine des baies de Concepción, Coliumo et du Golfe 
d’Arauco, la pollution chimique des fleuves, principalement du Bío-Bío et 
finalement l’intoxication des populations mapuches, et des maladies produites 
par les campagnes de fumigations, des plantations qui entourent les communautés. 
Plus grave encore pour l’environnement et pour les communautés mapuches, seront 
les conséquences de la construction par Endesa du barrage hydroélectrique de 
Ralco sur le fleuve Bio-Bio (le fleuve le plus long du Chili, à 640 km au sud de 
Santiago). Les personnes affectées sont des familles pehuenches (faisant partie 
du peuple mapuche) habitant aux pieds de la Cordillère des 
Andes.
Près de 
600 hectares de leur territoire, incluant leurs maisons et cimetières, resteront 
sous les eaux lorsque Ralco fonctionnera. Il est vrai, la plupart des familles 
ont accepté d’être relocalisées sur des terrains proposés par Endesa, cependant 
quelques familles refusent de déménager, car elles ne veulent pas quitter ces 
terres qu’elles appellent leurs terres ancestrales. Ce déplacement, même si le 
nombre de personnes affectées est limité, implique la disparition totale du mode 
de vie ancestral des Mapuches et des Pehuenches, car les trois zones de 
réimplantation proposées ne remplissent pas les conditions de survie économique 
et culturelle de cette population. Il faut savoir que les Pehuenches ont 
organisé leur mode de vie rural autour de deux niveaux d’exploitation: en hiver 
dans une zone supérieure à 600 m d’altitude, et en été dans une zone au-dessous 
de 1 000 m d’altitude. Or aucune des zones proposées ne favorise l’élevage 
pratiqué par les Pehuenches, ni les récoltes de pignons dont les Pehuenches 
tirent une partie importante de leurs ressources de subsistance. Toutes les 
zones proposées impliquent donc de profondes modifications dans la pratique de 
l’élevage (reconstitution des fourrages).
 La 
passivité du gouvernement
Bien 
que le gouvernement chilien ait été informé, au moins depuis la fin de 1997, du 
mécontentement des communautés mapuches et qu’il ait su que ce mouvement allait 
en se développant et en se radicalisant, il n’a pas pris les mesures 
pertinentes. Au contraire le gouvernement s’est laissé aller à un " 
laisser-faire " administratif en déléguant aux fonctionnaires locaux le conflit. 
Aujourd’hui la situation les a débordé, tant d’un point de vue administratif que 
d’un point de vue géographique. Par exemple le préfet de la IXe région, Oscar 
Eltit, se voyant dépassé par les événements, a fait appliquer l’ancienne loi de 
Pinochet de sécurité intérieure de l’État à douze Mapuches présumés être 
impliqués dans l’incendie de deux camions de l’entreprise forestière de Pidenco. 
Eltit, lors d’un discours dans un gymnase qui défendait les méga projets de 
développement des entreprises forestières, s’est adressé aux Mapuches dans ces 
termes: " La pauvreté n’est pas dans le manque, mais plutôt dans 
l’impossibilité de se rendre compte des vrais chemins que prend le développement 
". Une grande partie des fonctionnaires des administrations territoriales, 
des juges d’instruction, des gouverneurs ont pris partie pour les entreprises 
forestières et pour les transnationales qui agissent dans la région. Au début, 
les déclarations officielles dénonçaient l’ingérence " d’éléments extérieurs " 
au sein des Mapuches – des militants d’extrême gauche, des écologistes et des 
ONG internationales – mais l’attitude exprimée par la plupart des communautés 
indiennes, souvent hostiles à toute tentative de récupération de leur mouvement, 
a ôté tout caractère sérieux à cet argument.
L’opinion 
publique chilienne, devant ces faits s’interroge sur l’attitude du gouvernement 
qui semble laisser les acteurs en conflit résoudre tout seuls le différend. La 
mission spéciale de la Fédération internationale des Ligues des droits de 
l’homme (FIDH) en mars 1998 s’inquiète à ce sujet de cette passivité du 
gouvernement central chilien qui laisse à une société privée, en l’occurrence 
Endesa, le soin de négocier avec les familles pehuenches, souvent illettrées, 
vivant dans une grande précarité et ne disposant ni d’une assistance technique 
ni d’une aide juridique. Le rapport de la FIDH dit que " le gouvernement 
chilien se déleste de ses responsabilités en tant qu’État-nation " à l’égard 
du peuple autochtone. En effet en ce qui concerne le projet de barrage Ralco, 
Endesa a choisi délibérément de rencontrer chaque famille séparément, pour la 
convaincre de l’intérêt de son déplacement.
Ces 
événements posent la question de savoir si l’État chilien est en mesure 
d’assumer ses obligations à l’égard d’une population faisant partie de la 
nation, et dans ce sens de respecter et de faire respecter la légalité qu’il 
s’est donné, notamment en ce qui concerne la loi indigène promulguée par le 
gouvernement démocratique de Patricio Aylwin, qui signale que les terres 
indiennes sont inaliénables et que si un habitant indigène du secteur refuse 
d’abandonner sa terre, il ne pourra y être forcé. En effet ce silence 
gouvernemental peut s’expliquer entre autres par une ambiguïté existante au 
niveau légal. Deux normes légales chiliennes s’opposent: d’un côté la loi 
générale des services d’électricité et de l’autre la loi indigène d’octobre 
1993. Le député de la Concertation au pouvoir, Juan Pablo Letelier; considère de 
porter le conflit devant les tribunaux, car la décision des tribunaux pourrait 
consacrer la prééminence de la loi concernant l’énergie et le développement du 
pays et le bien commun sur la loi indigène. C’est ce qui s’est passé 
précédemment devant la Cour d’appel de Concepción pour la construction de la 
centrale de Pangue. Ces événements confirment également qu’il est nécessaire 
d’introduire des modifications de fond dans la manière actuelle de l’État 
chilien de traiter les populations autochtones, c’est du moins l’opinion d’une 
bonne partie de l’opinion chilienne, toutes tendances 
confondues.
__________
Notes.
1. Endesa prévoit la construction d’un 
barrage de 155 mètres de haut et d’une capacité de 1 222 millions de mètres 
cubes qui devrait inonder 3 395 hectares pour satisfaire 10% des besoins du 
Chili à partir de l’an 2002. 
__________
Éd. 
originale : Schartau, Adolfo 1999. – " La révolte mapuche, un conflit annoncé ". 
- In : " La question mapuche ", Espaces Latinos, nº 164, Lyon, avril 1999, p. 
22-23.
**********
La question mapuche
L’année 
passée des conflits se sont produits à Lumaco, cette année, à Traiguén. Il 
s’agit d’une région très pauvre du sud du Chili : des collines douces de la 
Cordillère de la Côte qui traverse du nord au sud le pays. Ces collines furent 
des champs de blé par le passé, qui peu à peu se sont dégradés. Les entreprises 
forestières commencèrent à planter des forêts de pins. Depuis l’occupation de 
l’Araucanie par les troupes de l’armée chilienne il y a 118 ans (1881), se 
constituèrent dans la zone des fundos (1) de propriétaires coloniaux et des " 
réductions indigènes " où vivent les Mapuches. Ce sont des sortes de réserves, 
dans le style de celles réalisées à la même époque aux États-Unis, mais de 
taille plus petite. Un terrain était remis à chaque chef de famille ou à 
plusieurs familles. Dans ces années de fin du dix-neuvième siècle, on pensait 
que le progrès viendrait avec l’immigration européenne et c’est pourquoi on 
préparait le sud du Chili à recevoir ces nouveaux habitants. Les indigènes 
furent soumis à une situation très angoissante, encerclés, parfois 
littéralement, dans leurs réserves ou réductions. 
Ce 
n’est pas une question simple de déterminer avec exactitude l’étendue des terres 
indigènes du sud du Chili et donc l’importance du conflit territorial qui est en 
train de se développer dans ces régions. Faisons un peu d’histoire. Les lois du 
siècle passé établirent que les terres au sud du río Malleco étaient publiques. 
Cette forme juridique prohibait le système de colonisation sauvage. L’État 
remettait des Títulos de Merced (2) aux indigènes et vendait aux 
enchères les terres restantes. L’État réduisit le territoire des indigènes sans 
les consulter et par la force, avec une présence militaire permanente. Ce 
processus se déroula entre 1884 et 1929.
L’État 
distribua 3 078 Títulos de Merced qui, avec le système de mesure de 
l’époque, équivalaient à 475 423 hectares, et en faveur de 77 751 indigènes. Le 
recensement de la population de 1907 
dénombrait 
près de 110 000 indigènes. On peut donc conclure que de nombreux indigènes sont 
restés sans terre. Il est évident que l’origine de la petite propriété indigène 
est liée à ces chiffres. L’État a remis aux indigènes 6,1 hectares par personne 
en moyenne. Cependant cette moyenne fausse quelque peu les chiffres puisque dans 
les zones de la cordillère, les propriétés sont beaucoup plus grandes en taille 
mais en général très peu productives. Les familles ont augmenté et en 1963 par 
exemple, cette moyenne s’établissait à 1,8 hectares par personne. À l’heure 
actuelle nos études montrent qu’une famille dispose de 3,6 hectares et que la 
taille des familles mapuches est de 5,8 personnes par foyer, plus que la moyenne 
nationale qui est de 4,3. Selon le recensement de la population de 1992, 235 000 
Mapuches vivent à la campagne dans des communautés, réductions et 
asentamientos (3) indigènes 
homogènes.
En 1927 
fut promulguée une loi qui permit la division des Títulos de Merced. Il 
se produisit une forte polémique, qui jusqu’à ce jour n’est pas terminée. 
Certains faisaient remarquer qu’il était important de dissoudre les communautés, 
de sorte que les indigènes puissent vendre leurs terres et se fondre avec le 
reste de la population chilienne. D’autres, les organisations indigènes 
principalement, soutenaient qu’il serait nécessaire de préserver les terres 
communes et donc de ne pas diviser les titres communautaires. Nombre de " 
communautés ", néanmoins, ont divisé leurs terres entre les familles et 
juridiquement, même si ce n’est pas vrai dans la pratique, se sont dissoutes. 
Ceci est advenu en particulier dans les provinces de Malleco et d’Arauco, zones 
des conflits actuels. Ce fut la cause de nombreuses ventes de terres, 
d’appropriations légales sur la base d’écrits et de papiers qu’ont remplis les 
conservateurs de biens fonciers. C’est l’origine des conflits actuels. Les 
terres divisées en parcelles ont plus de facilités à être vendues, ou simplement 
usurpées, que les terres protégées par les Títulos de 
Merced.
Entre 
1927 et 1973, 160 communautés ont disparu. Leurs terres sont passées dans le 
domaine privé et les indigènes ont dû émigrer. 2 134 autres se sont maintenues 
sous le régime de propriété commune de la terre des Títulos de Merced, et 
784 ont été divisées en parcelles. Au total, dans les Archives des questions 
indigènes sont conservés à l’heure actuelle 2 918 dossiers de 
communautés.
Il y a 
eu de nombreuses lois concernant les indigènes durant le vingtième siècle. Elles 
traitaient toutes, ou bien de liquidation des communautés, ou bien de recherche 
de diverses solutions à ces conflits de terres. En 1971 le président Allende 
édicta une législation indigène qui donnait la possibilité d’incorporer les 
communautés dans le processus des réformes agraires. Par ce concept les fundos 
pouvaient être expropriés et rendus aux communautés et ainsi augmenter les 
terres que les indigènes 
possédaient. Cette loi fut opérationnelle pendant un peu plus d’un an. Beaucoup 
de communautés se virent restituer des terres qui leur avaient été spoliées dans 
le passé. C’est le cas des communautés de Traiguén, qui aujourd’hui sont en 
conflit. Les paysans indigènes ont occupé physiquement ces nouvelles terres et 
ont constitué une sorte de société agricole coopérative. Souvent ceux-ci ont 
planté des bois de pin sur ces nouvelles terres que leur avait attribuées le 
gouvernement. Cependant le coup d’État militaire de 1973 trouva ces processus de 
restitution de terres à mi-chemin. Presque aucune de ces terres n’avait 
légalement de titre de propriété attribué aux communautés indigènes. Comme 
chacun sait, ces procédures étaient longues et furent interrompues avec le 
putsch. Les terres sont passées dans les mains de l’État pour être adjugées, 
plus tard, à des entreprises forestières.
Dans le 
cadre de la privatisation générale des activités du pays, le gouvernement 
militaire décréta une nouvelle législation indigène. Le décret-loi 2 568 de 1978 
consista à partager les communautés indigènes. Il prétend que le développement 
passerait par la remise à chaque famille d’un titre de propriété individuelle 
qui incluait la permission de vendre la terre. Durant un certain nombre d’années 
(1978-1988), il fut procédé manu militari au partage des terres indigènes, 
c’est-à-dire, à remesurer les terres que les indigènes habitaient. Les mesures 
des Títulos de Merced ont été exécutées avec des instruments modernes et 
dans presque tous les cas, surtout les communautés de la Cordillère, le nombre 
d’hectares s’est vu augmenté. La raison est très simple. Les nouveaux 
instruments de mesure permettaient une meilleure précision que ceux de la fin du 
siècle passé. Mais, et c’est là l’erreur de nombreuses personnes qui aujourd’hui 
donnent leur opinion sur ces sujets, les terres étaient les mêmes. Seulement sur 
les papiers apparurent plus d’hectares. La même chose est arrivée avec le 
remesurage des terres qui avaient été divisées en parcelles, qui elles-mêmes, au 
cours du temps, ont été aussi subdivisées, mais qui ont été maintenues en fait 
en communauté. Et cela s’est aussi passé avec des terres qui étaient habitées 
par des indigènes, mais dont le titre de propriété était au nom de l’État. C’est 
le cas du Fundo Ralco qui est 
actuellement célèbre puisque c’est là que se construira 
le barrage du même nom. Par conséquent les terres n’augmentent que sur le 
papier, puisqu’il s’agit seulement d’une "régularisation de 
titres".
Effectivement 
à l’heure actuelle, les terres indigènes couvrent approximativement 510 000 
hectares. À celles-ci doivent s’ajouter celles cédées ces dernières années par 
le ministère des Biens nationaux qui étaient aussi habitées par des indigènes, 
cas de Quinquén et de San Juan de la Costa, et qui n’augmentent que sur le 
papier la superficie des terres occupées dans le sud par les indigènes. Les 
uniques terres nouvelles, c’est-à-dire non indigènes qui sont devenues 
indigènes, sont celles acquises par le Fonds de terres dans les dernières 
années, environ 20 000 hectares, achetées en accord avec la loi indigène 
promulguée en 1993 par le président Aylwin. Par cette loi il est créé un fonds 
pour acquérir de nouvelles terres pour les communautés 
indigènes.
Ces 
chiffres montrent en outre quelque chose de très important et difficile à 
comprendre, c’est que les 475 000 hectares remis il y a 100 ans aux Títulos 
de Merced ne sont pas nécessairement les mêmes terres que les 510 000 que 
protège actuellement la Loi Indigène. Dans ces dernières, il y a beaucoup de 
terres qui n’ont jamais appartenu à l’origine aux Títulos de Merced sinon 
sous d’autres formes de cession de la part de l’État telles que, Titres de 
propriété gracieux, des arrêts des Juges des Indiens ou des transferts de terres 
de l’État par les Biens nationaux. En 1970 les avocats de la Direction des 
questions indigènes, Dasin, Osses et Ormeno, calculaient que sur les terres des 
Títulos de Merced les Mapuches avaient perdu 131 000 hectares, 
c’est-à-dire presque le quart. Durant la période de la réforme agraire beaucoup 
de domaines furent expropriés et ces terres transférées aux communautés qui 
étaient en procès à cause de la diminution de la surface de leurs terres. Dans 
d’autres cas, comme la situation de Temulemu et Santa Rosa de Colpi à Traiguén, 
centres de l’actuel conflit, les domaines furent expropriés et se constituèrent 
là des établissements paysans ou des centres de réforme agraire. Bien qu’il n’y 
eût pas de transfert légal et effectif de titres de propriété, les paysans 
indigènes considérèrent que ces terres leur avaient été restituées. À partir de 
1974 commença un processus que nous appellerons de " contre-réforme agraire ", 
dans laquelle la majorité de ces terres furent vendues aux enchères. Nous avons 
évalué à 30 000 hectares les terres de la réforme agraire qui sont restées dans 
les mains des paysans indigènes, la majeure partie de celles-ci dans la province 
d’Arauco. Cela signifiait que les terres spoliées sont approximativement de 
100 000 hectares. Il faut décompter cependant les terres des 160 
communautés qui disparurent totalement entre 1929 (ou avant) et 1970, qui, selon 
les calculs réalisés bien des années après, représenteraient entre 40 et 50 000 
hectares. Cela signifie que les terres Títulos de Merced perdues et 
dénommées par les Mapuches " tierras usurpadas ", doivent être de l’ordre 
de 50 à 60 000 hectares. La loi indigène protège ces terres et fixe des 
mécanismes pour leur restitution.
Le 
décret-loi 2 568 de 1978 divisa les terres qui étaient alors sous le contrôle 
des Mapuches. En supprimant juridiquement des communautés, on chercha à étendre 
un manteau d’oubli juridique sur les " terres spoliées ". Beaucoup d’entreprises 
achetèrent terres et titres, en sachant ou sans savoir qu’ils avaient une longue 
histoire. Juridiquement les titres de propriété étaient valides, mais quiconque 
lit les feuilles jaunies des conservateurs de biens fonciers, saura qu’elles 
contiennent l’histoire. C’est le cas du litige de Santa Rosa de Colpi ou de 
Temulemo, qui a été l’étincelle qui a fait exploser ce nouveau conflit mapuche 
généralisé. Ces 58,4 hectares ont été l’objet d’un jugement, disputé au Tribunal 
des Indiens de Victoria depuis 1928. Plus encore, dans une sentence ancienne, il 
est donné raison aux indigènes et non au plaideur qui, sans offenser personne, 
se dénommait don Cardenio Lavín. Ce jugement est public. Les avocats des 
entreprises, à l’égal de qui achète une voiture d’occasion, devront se 
préoccuper d’analyser non seulement la légalité actuelle mais aussi la légalité 
historique de la propriété. Dans le cas contraire ils seront en train d’acquérir 
un problème.
L’expansion 
forestière dans le sud du Chili s’est développée en encerclant les communautés 
indigènes. Une vue aérienne montre un énorme tapis vert de forêts épaisses, et 
les communautés comme des îles au milieu de ces plantations. La forêt de pin 
absorbe toute l’eau de la zone, desséchant les sols et les sources des Mapuches. 
Les fumigations de pesticides tuent les animaux et on observe l’augmentation 
incroyable d’enfants nés avec des malformations congénitales. L’énorme richesse 
forestière ne reste pas dans la zone et au contraire appauvrit les secteurs où 
elle se trouve. Les travailleurs ne proviennent pas de la localité. En 
conséquence ce type de plantation ne crée pas d’emploi local. Tout cela a 
conduit à un conflit très aigu entre Mapuches et entreprises 
forestières.
Le 
conflit actuel tire de la terre son centre symbolique et pratique. Les Mapuches 
exigent un espace territorial pour vivre, pour reproduire leur culture. Ils 
comprennent que les possibilités de continuer à survivre comme peuple passe par 
l’existence de terres communautaires qui leur permettent la subsistance 
économique, mais aussi, et en même temps, la survivance politique, culturelle et 
symbolique. C’est pourquoi la terre se transforme une fois de plus en un axe de 
revendications quoique cette fois il ne s’agisse pas d’un mouvement des 
travailleurs agricoles ni de paysans.
Le 
mouvement est dirigé par de jeunes indigènes qui sont passés par l’éducation 
publique de l’État chilien. C’est un nouveau type de dirigeant et un nouvel 
acteur. La demande est beaucoup plus vaste que la simple terre du paysan pour 
semer et manger. Bien sûr que le problème de la pauvreté est très fort et s’est 
aggravé encore plus particulièrement cette année avec une grande sécheresse. 
Néanmoins, chez les jeunes mapuches il existe l’idée d’autogestion de leurs 
propres systèmes de développement. Il y a des expériences réussies, et qui se 
voient menacées par l’énorme système de discrimination auquel sont soumis les 
indigènes. Par exemple, un des conflits principaux s’est produit au tour du lac 
Lleu Lleu où les jeunes mapuches ont développé avec succès un projet 
touristique. Il s’agit d’un projet autogéré par les indigènes eux-mêmes. Un 
entrepreneur a acquis par vente aux enchères un domaine contigu pour installer 
un " resort " qui dénature totalement le projet touristique indigène et 
qui le liquide à courte échéance. Les dirigeants ont réclamé devant les 
autorités que, face à un cas réussi de développement indigène autogéré, soit 
permis un projet qui le détruise. Ce nouvel acteur indigène n’a pas été facile à 
comprendre par les autorités qui étaient accoutumées à traiter plutôt avec des 
paysans n’ayant qu’une éducation de base.
Le 
débat aujourd’hui au Chili sur la question indigène est passionné. La 
construction du barrage du haut Bío-Bío et le transfert de populations indigènes 
dans des installations éloignées de leur habitat historique ont confondu et 
bloqué les politiques que l’État menait à bien vers ce secteur. Le président 
Aylwin édicta en 1993 une loi indigène qui protégeait les terres indigènes en 
empêchant leur vente, sauf entre indigènes. La loi créa un Fonds de terres et un 
fonds de développement. Il créa aussi l’éducation interculturelle bilingue, des 
systèmes efficaces de justice et de nombreuses autres reconnaissances de droits 
culturels. Il est institué une Corporation de développement indigène, chargée 
d’appliquer ces programmes et dont le Conseil est formé de fonctionnaires de 
l’État et de représentants élus par les communautés indigènes du pays, pas 
seulement mapuches. Cependant ces conflits ont conduit à ce que cette 
Corporation a perdu la capacité d’interlocuteur entre l’État et les Mapuches. 
Deux directeurs mapuches de cette corporation ont été retirés de leur poste pour 
s’être opposés à la construction du barrage. On ne voit pas avec clarté la 
manière de rétablir la confiance mutuelle.
La 
droite politique critique la loi édictée par le président Aylwin, pour avoir " 
perpétué la pauvreté ", puisqu’elle empêche la vente des terres indigènes à des 
personnes ou des entreprises non indigènes. L’idée du décret-loi 2 568 de 1978 
de remettre des titres particuliers à chaque famille a consisté à permettre aux 
Mapuches de vendre leurs terres, une à une, à des entreprises forestières et de 
quitter la campagne. Ils devaient alors se déplacer vers les agglomérations 
urbaines, dans les quartiers marginaux. À la fin, le peuple mapuche 
disparaîtrait de son habitat historique dans le sud du Chili. Sur les rives des 
lacs du sud particulièrement, il y avait beaucoup d’intérêts qui poussaient dans 
ce sens. Pour cette raison, en 1993, a été promulguée une loi qui, d’un côté 
limite les possibilités de ventes de ces terres, ce qui signifierait " nouvelles 
usurpations " dans la conscience indigène, et d’un autre côté crée un Fonds pour 
acheter de nouvelles terres et résoudre les conflits historiques. Il y a des 
gens qui disent que là réside la cause de la pauvreté, puisque les Mapuches, par 
ces restrictions à la propriété, ne peuvent hypothéquer les terres et solliciter 
des prêts auprès des banques. La majeure partie des producteurs mapuches ne 
parvient pas à être au moins bénéficiaire de l’Institut de développement 
agricole, qui est le système de subventions de l’État pour les petits 
agriculteurs. Les Mapuches ont une agriculture de subsistance pour laquelle le 
crédit bancaire est encore très éloigné de leurs possibilités. La politique de 
la droite, qui contamine de nombreux secteurs, face à cette situation de conflit 
consisterait à libérer les terres indigènes pour permettre au marché de résoudre 
ces conflits. Il ne fait aucun doute pour nous que ce serait une source de 
conflits toujours plus grands.
Je 
crois que les chiffres livrés ici montrent que l’État chilien fut le responsable 
de la situation de petite propriété qui afflige aujourd’hui les Mapuches. C’est 
pourquoi, c’est à l’État chilien de réaliser une conversion importante pour 
résoudre le problème de la petite propriété, et de permettre que ces citoyens 
s’en sortent avec la dignité d’êtres humains et ne soient pas seulement objets 
de charité. Il est techniquement possible que les communautés mapuches réalisent 
un plan de développement autogestionnaire performant. Il y a de nombreux 
exemples de cela. Certes des moyens doivent être mis à leur disposition, mais il 
est aussi important que s’ouvrent des espaces au développement autonome, des 
systèmes de décision politique, de contrôle culturel et de gestion des affaires 
indigènes. Les jeunes dirigeants, qui maintenant se mobilisent dans le sud du 
Chili, prennent conscience de deux aspects : la nécessité de terres, de 
ressources économiques, et en même temps la nécessité de se constituer comme un 
collectif avec extension de l’autonomie dans la prise de leurs décisions. 
Probablement, le conflit connaîtra de nombreuses vicissitudes dans le futur 
puisque, comme on l’a vu, les intérêts en jeu ne sont pas 
négligeables.
Santiago 
du Chili, avril 1999
Traduit 
par Guy Mansuy
José Bengoa est spécialiste de 
l’histoire mapuche, membre du groupe de travail sur les peuples autochtones des 
Nations Unies et ex-directeur du CEPI, commission créée en 1990 par le 
gouvernement Aylwin.
Éd. 
originale : Bengoa, José 1999. – " La question mapuche ". - In : " La question 
mapuche ", Espaces Latinos, nº 164, Lyon, avril 1999, p. 17-20. 
Notes 
:                                                                                                 
1. Propriété terrienne (NdT).                                                               
2. Titres gracieux de propriété 
(NdT).
3. 
Implantation de communautés indigènes (NdT). 
 
**********
 
Chers amis, chers 
collègues,
Je vous adresse ce courrier 
afin de vous faire part de la situation préoccupante vécue par les communautés 
Mapuche situées au Chili. Un climat de violence et de répression règne 
actuellement à Santiago, Temuko, Traiguen ainsi que dans les 
communautés.
Certains d'entre vous 
sont-ils au courant du processus de récupération de terre réinitié depuis 
plusieurs mois dans les provinces d'Arauco, Malleco et récemment Cautin (VIIIeme 
et IXeme région). C'est une vingtaine de communautés qui ont ainsi récupéré des 
terres leur appartenant de droit mais usurpées lors d'un processus d'éradication 
initié par l'État chilien il y a plus d'un siècle et ayant toujours cours. 
Les communautés elles-mêmes 
ainsi que des organisations Mapuche ont fait appel au gouvernement pour régler 
la situation de marginalisation économique, sociale et culturelle dont est 
victime le peuple Mapuche (représentant 10% de la population vivant au Chili). 
L'une de leurs principales demandes - la récupération d'un espace territorial 
leur appartenant historiquement et nécessaire à leur développement économique et 
culturel - ayant été complètement ignorée par le gouvernement chilien, les 
communautés Mapuche ont suivi le processus de récupération de terres aujourd'hui 
exploitées par des entreprises forestières (en grande partie multinationales), 
des particuliers ou l'État.
La réponse du gouvernement a 
été dans un premier temps un simulacre de dialogue, appuyé par une campagne de 
dénigration de la part de la presse, avant d'user de la répression aveugle 
contre les communautés, de la violence pour déloger les occupations, le tout 
débouchant sur une série d'arrestations au cours de la semaine 
passée.
Effectuant des recherches 
universitaires auprès des communautés Mapuche de la région, j'ai été témoin de 
cette répression touchant des familles qui ont eu la gentillesse de 
m'accueillir. 
- Dans la zone de Traiguen, 
à la suite de l'attaque de camions forestiers de la Mininco exploitant des 
terres réclamées par les communautés de Temulemu, Pantano et Didaico un climat 
de terreur a été instauré, d'abord par les milices armées de la Mininco, puis 
par l'arrivée d'effectifs imposants de carabiniers (gendarmes), de forces 
spéciales ainsi que des services de renseignements afin d'imposer l'ordre dans 
la région.
- Dans la communauté de 
Temulemu, des perquisitions, accompagnées de menaces et insultes ont été menées 
dans de nombreuses habitations ; chaque famille a au moins l'un de ses membres 
appelé à témoigner. Les juges ayant à charge l'enquête sur les attaques des 
véhicules forestiers essaient ainsi de créer un climat de méfiance au sein même 
des communautés, incitant à la délation gratuite. Face à la pression des 
entreprises forestières (pouvoir économique important au Chili), le 
gouvernement, à travers son pouvoir judiciaire, essaie de trouver des boucs 
émissaires espérant ainsi que cela serve d'exemple aux autres communautés. 
- A la fin de la semaine 
dernière, 11 Mapuche des communautés de Temulemu et Didaico sont allés de plein 
gré à une convocation du juge à Traiguen, à la suite de laquelle on leur a 
signifié leur arrestation.
- A Temuko, Juan Pichùn, 
fils du Longko (chef) de Temulemu arrêté le même jour, est intercepté à la 
sortie de l'université catholique où il étudie et emmené à la prison de 
Traiguen.
- Alors que je vous écris, 
je viens d'apprendre l'arrestation d'un autre étudiant Mapuche de Temuko, Pedro 
Cayuqueo alors que celui-ci revenait d'Europe où il effectuait une campagne de 
sensibilisation auprès de différentes institutions dont l'O.N.U. D'autres 
étudiants, menacés d'emprisonnement, sont activement recherchés par la police 
civile.
Ces arrestations 
injustifiées, au même moment où le gouvernement prétend vouloir dialoguer, font 
suite à une série de violences similaires perpétrées dans le secteur (voir à ce 
sujet le témoignage d'un autre 
étudiant français, Arnaud Fuentes), ainsi que dans d'autres communautés en 
conflit (Pascual Coña à Tirua, Imperial, Currarehue...).
Tandis que les communautés 
se sont organisées autour de leur autorité traditionnelle, l'Etat les enferme et 
choisit ses propres interlocuteurs qui souvent ne sont représentatifs que d'une 
organisation ou d'un parti politique. Ce même État, à travers ses représentants 
relayés par la presse, mènent une campagne de dénigration contre les 
communautés, les accusant d'être manipulées par des groupes terroristes 
d'extrême gauche, des O.N.G. étrangères et des universitaires (chiliens et 
étrangers), inventant même l'existence d'un prétendu " commandant " qui serait à 
la tête du mouvement de récupération des terres....
Cette attitude de la part de 
l'État chilien est clairement un manque de respect envers les milliers de 
Mapuche luttant aujourd'hui pour leur dignité et la justice, les pensant 
incapables de s'organiser de façon autonome, et selon leurs propres valeurs. 
Elle montre également son incapacité à mettre en oeuvre une politique pouvant 
répondre à la demande actuelle d'une frange importante de la population Mapuche 
au Chili.
La répression et la création 
d'institutions gouvernementales chargées de s'occuper des affaires indigènes - 
perpétuation de la politique indigéniste et paternaliste menée par l'État depuis 
1993 - risquent d'être les réponses inadaptées à cette lutte pour la dignité et 
la reconquête des droits ancestraux du peuple Mapuche.
Certaines personnes que j'ai 
été amené à côtoyer durant deux ans de recherches universitaires dans la 
neuvième région, sont concernées par la vague d'arrestations évoquée 
précédemment. Je peux témoigner qu'elles ne font aucunement partie 
d'organisations terroristes, ni même politiques, ces personnes ont eu le courage 
de dénoncer la situation alarmante dont souffrent leurs communautés, en 
connaissance de quoi elles se sont engagées dans un processus de récupération de 
terres qui avaient été usurpées à leurs grands-parents.
C'est pourquoi, aujourd'hui, 
je me permets de vous interpeller sur ces atteintes aux droits de l'Homme, ainsi 
qu'aux droits autochtones édictés dans la Convention N°169 de l'O.I.T. 
(d'ailleurs non ratifiée par le Chili) perpétrées par un pays prétendant avoir 
retrouvé la démocratie.
J'appelle à tous ceux qui 
seraient témoins de faits similaires (étrangers, chiliens, Mapuche) à en faire 
de même, collecter les témoignages afin de condamner les agissements de l'État 
Chilien auprès des tribunaux internationaux.
J'appelle également aux 
organisations, associations, individus à faire pression sur le gouvernement 
chilien actuel, afin qu'il arrête la répression dans les communautés et qu'il 
rende justice et dignité au peuple Mapuche. 
Puisse ce témoignage avoir 
tout le poids et l'impact nécessaires auprès de l'opinion publique, ceci afin 
que le peuple Mapuche soit enfin reconnu et qu'il puisse récupérer sa terre, sa 
dignité et sa liberté.
Temuko, le 10 Mai 
1999.
 
 
 
|  | ------ | Safia, 22 ans est somalienne. Pendant quatre années, elle a été asservie en région parisienne par une famille djiboutienne bénéficiant de l'immunité diplomatique. | 
|    |    | XXX | 
|  |    | Solange, 19 ans est ivoirienne. Arrivée en France à l'âge de 14 ans, la petite bonne n'a jamais été scolarisée. Sa tâche : s'occuper d'une famille de 10 personnes, docilement et sans rémunération. Depuis sa fuite, elle réapprend à vivre dans une famille d'acceuil. | 
Photographie de Marie 
Dorigny/CCEM
**********
|  | SOS ESCLAVES MAURITANIE | 
|   | |
Certains épisodes, 
particulièrement pénibles, risquent de heurter l'entendement des plus sceptiques 
; pourtant tous sont vérifiables. Quelques précautions méritent, cependant, 
d'être soulignées à l'attention du lecteur profane.
- Le rapport n'a rien 
d'exhaustif. L'Association ne traite que les cas dont elle a eu connaissance ; 
en effet, la plupart des victimes, ne se manifestent pas devant la justice. A 
cause de l'inexistence d'une législation spécifique et par peur des 
représailles, voire certitude de perdre devant un appareil judiciaire corrompu 
et toujours favorable aux anciens maîtres, les plaintes restent 
rares.
- Autre obstacle, la 
majorité des victimes souffre d'une véritable aliénation mentale. Les effets de 
l'ignorance, conjugués à une perception pervertie des préceptes islamiques, dont 
ils furent constamment nourris, freinent leur ardeur à la lutte pour 
l'émancipation. Ainsi, cesser la soumission au maître, est souvent considéré 
comme la rupture d'un pacte, de justification métaphysique ; le manquement 
entraîne alors, la damnation du récalcitrant, son exclusion du Salut dans 
l'au-delà. Avant tout, l'esclave est enchaîné en esprit. 
- Même s'il n'en est pas 
historiquement responsable, le gouvernement mauritanien tolère les attitudes 
esclavagistes et décourage, très souvent, les initiatives qui tendent à leur 
éradication. Du reste, il n y a là rien de paradoxal : l'appareil d'état, les 
outils de coercition et l'ensemble des instruments d'hégémonie sociale, qu'ils 
soient matériels ou statutaires, demeurent entre les mains d'une minorité, 
objectivement hostile à l'intrusion des Hratines dans la réalité du pouvoir. Le 
personnel politique, les lettrés, les entrepreneurs et les hommes de religion, à 
quelques exceptions remarquables, sont issus de cette domination, dont ils 
reproduisent les préjugés et les réflexes d'autodéfense intellectuelle : 
l'esclavage est réputé disparu, seules ses " séquelles " sont admises et la 
solution envisagée, pour en venir à bout, ne dépasse pas une pétition de 
principe sur les vertus du " temps " et de l' " éducation 
".
- En l'absence de cadres de 
négociation moderne, dans une société fortement hiérarchisée et tribale, la 
question Hratine devient un enjeu politique. Il s'agit du premier groupe 
démographique en Mauritanie mais aussi du terreau privilégié des misères. Devant 
la déliquescence des institutions et la complète faillite du simulacre 
électoral, les frustrations s'accumulent et la contradiction se cristallise. 
Enfin, SOS 
Esclaves tient attirer votre attention sur l'extrême précarité de ses moyens. 
Elle en appelle à votre solidarité. Pour continuer cette mission et poursuivre 
le témoignage, dans un environnement où domine la clandestinité et 
l'intimidation policière, nous avons surtout besoin d' un matériel performant: 
photocopieuses à fort débit, zoom puissants, photographie et vidéo numériques, 
scanners à haute définition, enregistrement audio, etc. Il sera acheminé, en 
Mauritanie, par les voies les plus sûrs.
Pour en savoir plus, 
contactez :
Abdel Nasser Ould 
L'Hubac, 07800, Saint Cierge la Serre 
France. 
Tel : 33 (0) 4 75 64 39 22 33 (0) 6 82 91 54 57 
Email : al.nadhir@wanadoo.fr