22 juillet 2001

 

Un temoignage directe de l'attaque du centre de presse par les flics de Genes

Ce texte circule d'e-mail en e-mail, il s'agit de la traduction d'un temoins direct du saccage des locaux des medias independants a Genes

texte de Starhawk pour Znet. traduction de l'anglais.


          Je pense que je suis calme, que je ne suis pas en état de choc, mais, quand j'écris mes doigts tremblent. Nous étions à l'étage dans l'école qui sert tout à la fois de centre pour les médias, de centre médical et de formation. Nous venions de finir notre réunion, nous passions des coups de fil quand nous avons entendu des cris et des sirènes, des hurlements et des bruits de casse. Les flics sont arrivés, ils attaquaient le centre.

          Nous n'avons pas pu sortir, il y avait trop de gens à la porte. Lisa a pris ma main et nous sommes montés en courant les cinq étages jusque tout en haut. Jeffrey nous a rejoints. Les gens avaient peur et cherchaient où se cacher. Ce n'était pas la panique, mais mon cœur battait et je respirais difficilement. Nous avons trouvé une pièce vide, des tables et nous nous sommes mis des sacs de couchage sur la tête au cas où nous serions battus. Nous avons attendu. Nous entendions les hélicoptères tourner autour de l'immeuble, les portes claquaient, des cris en bas, puis plus rien. Quelqu'un est entré, a fait le tour, est parti. J'avais les souffle court et un toussotement que jai eu du mal à contrôler.

          J'étais par terre, et je me suis rappelé qu'il y avait des tas de gens qui nous apportaient amour et protection, et jai retrouvé mon souffle. Quelqu'un a allumé. Par une fente entre les tables, je pouvais voir un casque et un visage. Un grand flic italien, avec un gros ventre, nous regardait. Il nous a dit de sortir, il n'avait pas l'air décidé à frapper, mais on est resté où on était, à essayer de lui parler en anglais et en espagnol, et le peu d'italien que je connais : " paura ", peur, " pacifisti ". Il nous a fait descendre au 3ème où beaucoup de gens étaient assis, alignés contre les murs. On a attendu. Les avocats sont arrivés et les flics sont partis. Par quelque mystère de la loi italienne, nous nous trouvions dans une salle de presse, ce qui nous donnait certains droits à y être, bien que l'école de l'autre côté de la rue ait été aussi un centre de presse, et qu'ils y aient pénétré et frappé des gens. Nous sommes restés à regarder par la fenêtre. Nous les avons vu sortir des gens sur des brancards, un, deux, une douzaine ou plus. La foule s'était rassemblée et hurlait " assassins , assassins " ! Ils ont fait sortir les blessés qui marchaient, ils les ont arrêtés, ils les ont isolés. On a eu l'impression qu'ils ont sorti quelqu'un dans un sac.

          La foule en bas défiait les flics, et les flics défiaient la foule. Et tout à coup, les médias sont arrivés et on a fait un grand cercle dans la lumière brillante des caméras. Marina, chez qui nous logeons, et qui fait partie du Genoa Social Forum, est venue et nous a trouvés. Elle avait appelé les ambassades et les médias et nous a, sans doute, épargné d'être battus quand les flics en ont eu fini avec le premier bâtiment.

          Pendant tout ce temps, les hélicoptères vrombissaient et éclairaient violemment le bâtiment. Quelques hommes courageux repoussaient la foule en colère qui paraissait prête à charger le cordon de flics anti-émeute qui était formé devant l'école, bouclier en l'air, masque à gaz au visage. " Calmez-vous, calmez-vous ! " disaient-ils, les bras levés, préservant la foule en colère d'une charge suicidaire. Jétais dans la salle du téléphone, passant de la fenêtre au téléphone. Finalement les flics sont partis.

          Nous sommes descendus au premier, nous sommes sortis pour entendre ce qui sétait passé.

          Ils sont rentrés dans les pièces où les gens dormaient. Les gens ont mis les mains en l'air, en criant " pacifisti, pacifisti " . Les flics les ont tous frappés à leur faire sortir la merde, on ne peut pas dire ça autrement. Nous sommes allés voir dans l'autre bâtiment. Il y avait du sang partout où l'on dormait, des flaques même parfois, le bordel total, les ordinateurs et les équipements bousillés. Nous étions tous en état de choc, errants, s'empêchant de penser à ceux qui avaient été arrêtés, à ceux qu'ils avaient amenés à l'hôpital. On sait qu'ils ont arrêté tous ceux qu'ils ont amenés à l'hôpital, qu'ils ont mis des gens en prison et qu'ils en ont torturé. Vendredi, un des jeunes français de notre formation, Vincent, a été violemment frappé à la tête dans la rue. En prison, ils l'ont conduit dans une pièce, lui ont tordu les bras dans le dos, et lui ont tapé la tête contre la table. Un autre gars a été amené dans une pièce couverte de photos de Mussolini et d'images pornographiques. Il a subi une torture psychologique démente faite d'une alternance de coups et de grandes embrassades.

          Pour le cas où l'on n'aurait pas compris qu'il s'agit de fascisme. La variété italienne, mais il s'approche de vous. Voilà jusqu'où ils vont aller pour défendre leur pouvoir. Dire que la globalisation signifie la démocratie est un mensonge. Je peux vous le dire maintenant, ce soir : la démocratie ne ressemble pas à ça.

          Je dois arrêter maintenant. Je serai en sécurité quand nous pourrons rentrer où nous logeons. Appelez lambassade dItalie, allez-y, faites leur honte ! Nous ne pouvons organiser une nouvelle manifestation tant que la situation reste aussi dangereuse.

          Sil vous plait, faites quelque chose !

REMARQUE de do :

          Netchaiev dit : « Quelques hommes courageux repoussaient la foule en colère qui paraissait prête à charger le cordon de flics anti-émeute qui était formé devant l'école, bouclier en l'air, masque à gaz au visage. " Calmez-vous, calmez-vous ! " disaient-ils, les bras levés, préservant la foule en colère d'une charge suicidaire. »

          Je ne suis pas du tout sûr que les " hommes courageux " dont parle Netchaiev aient été des contestataires. En effet, au pont de l'Alma, en 1989, un lundi je crois me souvenir, une grande manif de 400 000 étudiants et lycéens etait bloquée. Les CRS les empêchaient de passer. Les précédentes manifs de ce mouvement avaient été relativement violentes, des émeutiers venus des banlieus et d'ailleurs participant aussi à ce combat. Il y avait systématiquement pillages des grands magasins, des bijouteries etc. et, bien sûr, bagarre avec la police !

          Mais cette fois-ci, le pouvoir s'attendait au pire car il s'agissait d'une manifestation nationale. Il s'était donc débrouillé pour qu'il y ait une espèce de service d'ordre de mille ou deux milles " parents d'élèves " afin d'empêcher les jeunes de se laisser " entraîner par les casseurs ". Bien sûr, la plupart de ces " parents d'élèves " un peu spéciaux n'étaient ni plus ni moins que des policiers en civil ! mais ça, la télé avait oublié de nous le préciser, à l'époque.

          Ce qui se passa, c'est que, comme d'habitude, les casseurs et les émeutiers firent consciencieusemnt leur travail. Mais, cette fois-ci, ils opérèrent au-devant de la manif plutôt qu'à son arrière comme ils l'avaient fait jusque là dans les précédentes manifs de ce mouvement. Puis la manif fut bloquée au pont de l'Alma, alors qu'officiellement la préfecture avait donné son accord pour que nous puissions franchir ce pont ! Bien sûr, les émeutiers attaquèrent les CRS qui nous bloquaient le passage. Ils faillirent bien entraîner les 400 000 manifestants qui étaient derrière eux. Et nous serions alors passés de l'autre côté, où les casseurs auraient pu s'en donner à cœur joie ! Mais les policiers en civil, se faisant passer pour des parents d'élèves, faisaient la chaîne pour bloquer le reste de la manif, embrouillant les manifestants, leur disant que les casseurs et les émeutiers étaient tous des voyous, qu'il ne fallait pas aller avec eux, que c'était très dangereux etc. Ce fut limite, mais les premiers rangs derrière cette chaîne de pseudos-parents d'élèves finirent par être troublés, les autres derrières eux poussaient bien, mais ne purent passer. Pourtant je sais bien que la manif faillit monter au combat pour aider les habituels émeutiers... qui se battirent tout de même courageusement pendant plusieurs heures, essayant vainement de franchir ce pont. De l'autre côté, c'était riche !

           Retour à Gênes : il est peut-être possible que ces " hommes courageux " dont parle Netchaiev aient été des membres du SO d'un quelconque petit chef "pacifiste" ; mais je n'y crois pas, car même les chefs des passifistes (les passifistes sont des gens qui poussent les autres à être passif !) n'étaient pas préparés à une telle attaque surprise de ce local. Personne ne pouvait s'y attendre, il n'y avait là que des gens qui dormaient où qui n'allaient pas tarder à se coucher ! Aussi, je pense que ces " hommes courageux " étaient tout bonnement des flics en civil se faisant adroitement passer pour des contestataires, faisant tout pour décourager les gens d'attaquer la police, leur disant que ce serait suicidaire etc.


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