21 avril 2004

CONDOLEEZA RICE EST DANS SES PETITS SOULIERS

Cécily

http://mai68.org/ag/728.htm

          La commission parlementaire américaine sur les attentats du 11 septembre dévoile un giga watergate. Comment enterrer le mammouth ? Revue de presse.

          1) Des attentats annoncés

          Voyez d'abord le carré bleu qui se trouve aux pages 68 et 69 du Nouvel Obs du 15 au 21 avril 2004.

          Il raconte que le jeudi 8 avril, Condoleeza Rice, « conseillère de la Maison Blanche pour la sécurité », a été entendue sous serment par la commission d’enquête parlementaire sur les attentats du 11 septembre 2001.

          On lui a d'abord rappelé que, le 25 janvier 2001, Richard Clarke, coordinateur de la lutte antiterroriste sous Clinton maintenu dans ses fonctions par Bush, avait remis à Bush un rapport. Ce rapport signalait l’existence de cellules dormantes d’Al Quaeda aux USA. Selon Clarke, il « constituait un plan cohérent de lutte contre la menace terroriste ». Il préconisait « d’organiser d’urgence une réunion de niveau ministériel pour parler de l’attaque en préparation de la part d’Al Quaeda. »

          Condoleeza Rice répond : oui en effet ! Dès janvier 2001, le président américain « a compris la menace ». Il en a « mesuré l’importance », et il a « demandé la mise sur pied d’une stratégie nouvelle et globale pour éliminer le réseau Ben Laden. »

          Mais alors, demandent les parlementaires, pourquoi la réunion des ministres n’a-t-elle eu lieu que le 4 septembre 2001 ?

          Reprenons la chronologie. Tout au long du printemps et de l’été 2001, le FBI et la CIA ont noté des informations inquiétantes. Des groupes d’Al Quaeda aux Etats-Unis préparaient un ou des attentats.

          Le 5 juillet 2001, se réunissait enfin un « groupe de sécurité contre-terroriste » organisé par Condoleeza Rice. Mais elle n’y était pas. C’était un groupe de hauts fonctionnaires, pas de ministres. La réunion fut présidée par Richard Clarke. On y décida de durcir les mesures de sécurité dans les aéroports.

          Les ministres, eux, ne bougeaient toujours pas.

          2) Le briefing de la CIA du 6 août

          Le 6 août, le haut responsable de la CIA qui fait quotidiennement un rapport au Président Bush, l’a averti qu’Al Quaeda préparait des attentats.

          Devant la commission parlementaire le 8 avril 2004, Condoleeza Rice fait de l’estompage : « Cet exposé était une mise en perspective historique, fondée sur des données anciennes… »

          La-dessus, la Commission parlementaire exhibe le compte rendu du briefing du 6 août de la CIA au Président. Le titre en est : « Des partisans de Ben Laden se trouvent aux Etats-Unis où ils préparent des attentats. » Le document, d’une seule page, précise que ces gens veulent suivre l’exemple de Ramsi Youssef, qui avait tenté de dynamiter le WTC en 1993. Ils veulent « porter la guerre aux Etats-Unis ». « Actuellement, des membres d’Al Quaeda, dont des citoyens américains, séjournent aux Etats-Unis ou s’y sont rendus, ont résidé aux Etats-Unis ou y ont voyagé. » Al Quaeda « entretient une structure de soutien qui pourrait contribuer aux attentats. » « Le FBI a détecté des actions suspectes qui vont dans le sens de préparatifs pour des détournements d’avions ou d’autres genres d’attentats. »

          Bref, le 6 août, on ne dissertait pas de l’histoire du terrorisme. Condoleeza Rice est dans ses petits souliers.

          Mais toujours aucune mobilisation ne suit le breefing du 6 août 2001.

          Le 4 septembre 2001, les ministres se réunissent enfin comme Richard Clarke claironnait depuis le 25 janvier qu’il fallait le faire. Une directive du président annonce la mise sur pied d’une « stratégie nouvelle et globale pour éliminer le réseau Ben Laden ».

          Trop tard.

          Au lendemain des attentats, le 12 septembre 2001, Bush prend Richard Clarke à part, le conduit dans une pièce voisine de la salle de commandement de la Maison Blanche, et lui ordonne « sur un ton très intimidant », précise bien Clarke, de chercher l’origine des attentats du côté de l’Irak.

          3) Ne chassez pas l’ours blanc sur la banquise avec le Vif dans vos bagages

          Il est intéressant de savoir comment nos feuilles de chou de Belgique couvrent le même témoignage de Condoleeza Rice, le 8 avril 2004, devant la Commission d’enquête parlementaire.

          Le Vif se fait filandreux.

          « La commission d’enquête parlementaire sur les attentats du 11 septembre 2001 prend un tour très gênant pour George Bush. Différentes personnalités (dont Condoleeza Rice, conseillère du Président Bush) se sont déjà succédé devant celle-ci, et la teneur de leurs propos a parfois déstabilisé le camp républicain. Selon l’ancien directeur du FBI Louis Freeh, entre autres, les services de renseignement étaient conscients de l’utilisation possible d’avions par les terroristes islamistes. "Nous ne savions pas que des attaques étaient en préparation parce que, pendant près d’une décennie, le gouvernement a fermé les yeux sur nos ennemis", a rétorqué le ministre de la justice John Ashcroft, accusant l’administration Clinton, au pouvoir de 1993 à 2001. De son côté, le Président Bush a exprimé, pour la première fois, des doutes sur la politique antiterroriste qu’il a menée avant le 11 septembre 2001. "J’ai pris du recul et je me suis beaucoup demandé si nous aurions pu faire quelque chose pour empêcher les attentats.", a-t-il dit. Plus que jamais, sa réélection semble incertaine. Bush a en effet basé toute sa stratégie de campagne sur sa capacité à combattre le terrorisme. »

          Si vous êtes un si fidèle lecteur du Vif, que vous vous le faites apporter sur la banquise où vous chassez l’ours blanc, vous ne risquez pas de savoir que les citoyens américains ont découvert un méga-giga-watergate. Le brave lecteur européen pressé, non plus. Selon cette version, les attentats du 11 septembre résultent du fait que, pendant une huitaine de mois, Bush n’était pas été assez énergique et continuait le laxisme à la Bill Clinton.

          4) « Selon elle... »

          Vous décidez de chassez l’ours blanc sur la banquise avec le Knack plutôt que le Vif. Voilà ce que vous risquez d’apprendre (Knack du 14 avril 2004) :

          « La conseillère de George Bush pour la sécurité a reconnu que, quelques mois avant le 11 septembre, les services de sécurité avaient déjà reçu des informations selon lesquelles des attentats étaient en préparation contre les Etats-Unis. Selon elle, le gouvernement a tout fait pour arrêter Al Quaeda, mais ne disposait pas d’assez d’informations pour pouvoir empêcher les attentats contre les tours du WTC. Son témoignage devant la commission d’enquête sur les attentats du 11 septembre représente un soutien apporté au Président. »

          Je vous le désosse ? a) On fait de grosses omissions. b) Au milieu de la coupe claire des omissions, on diffuse un mensonge sous le couvert déontologique du classique « selon elle », que les avocats de clients douteux connaissent bien. C’est de l’intoxication par ommission. On arrive à suggérer que Condoleeza Rice a balayé d’un revers de la main les rumeurs sur la culpabilité du gouvernement américain dans les attentats du 11 septembre.

          5) Project for a new american century

          Celui qui est en train de chasser l’ours blanc sur la banquise avec le Knack du 14 avril 2004 dans ses affaires, ne pourra pas apprécier à sa juste valeur le carré bleu qui se trouve à la page 32 de ce Knack, au milieu d’un gros article qui parle d’autre chose. Car, pour l’apprécier, il faut avoir lu le carré bleu du Nouvel Obs. Inversément, il manque une case bleue aux lecteurs du Nouvel Obs et celle-ci se trouve dans le Knack. Faut-il donc se faire apporter toute la librairie sur la banquise, ou seulement les découpes de tout ce qui est en bleu ?

          Le jeudi 8 avril, dit le carré bleu du Knack, le fameux jeudi huit avril où Condoleeza Rice a témoigné, les parlementaires américains de la Commission d’enquête sur les attentats du 11 septembre ont aussi discuté avec elle d’une certaine think tank nommée PNAC : « Project for a New American Century ».

          Parmi les signataires de la charte du PNAC, on a beaucoup de proches du président Bush : Dick Cheney, Donald Rumsfeld, son bras droit Paul Wolfowitz, le philosophe Francis Fukuyama, le gouverneur de Floride Jeb Bush. Dans sa mission statement et dans ses rapports, cette think tank plaide pour une domination du monde par les Etats-Unis, estimant que la suprématie incontestée pacifiera le monde, mais que pour atteindre à cet état stable et bénéfique, il faut d’abord que les Etats-Unis se lancent dans plusieurs guerres simultanées et de grande envergure.

          Tiens, tiens. On a eu à plusieurs reprises dans la presse la diffusion de cette idée, et elle se prolongeait en suggestions pour l’abolition des Nations-Unies, et pour leur remplacement par des institutions émanant des Etats-Unis. La raison avancée en était que l’ONU comportait de grands Etats non démocratiques, tels que la Russie. Evidemment, ces propos-là n’était pas signés PNAC.

          Et donc, le 8 avril 2003, la commission parlementaire sur les attentats du 11 septembre a demandé à Condoleeza Rice de lui expliquer un passage d’un rapport de 2000 du PNAC, affirmant que :

          « Les Etats-Unis ont besoin de subir une catastrophe afin d’atteindre leur but ».

          Du coup, le PNAC est découvert par le monde entier, après le Bilderberg, la Trilalérale, l’American Enterprise Institute, le Cato Institute… D’après la philosople belge Lieven De Cauter, « le PNAC est une conspiration. C’est un levier pseudo-scientifique qui incite à l’action. Nous n’avons pas le droit de nous taire sur son existence. » Cela fait un peu comme si soudain, les théories du complot se trouvaient lestées de vérité, ce qui permet de les délester des références racistes ou extraterrestres qui en encombrent la pureté heuristique. L’équipe autour de Bush se serait efforcée de réaliser le projet de société du PNAC.

          Pour plus de renseignements à ce sujet : http://www.brusselstribunal.org http://www.worldtribunals.org

          Finalement, le mieux est encore d’amener son ordinateur sur la banquise. Ou de se contenter des ours blancs.

               Cécily

[Note de do : Un document du PNAC datant de septembre 2000 se nomme : « Rebuilding America's Defences » ; il est signé par Kagan, Schmitt et Donelly. On y trouve la phrase : « Further, the process of transformation, ever if it brings revolutionary change, is likely to be a long one, absent some catastrophic and catalyzing event — like a new Pearl Harbor. » (page 51) Ce nouveau Pearl Harbor nécessaire pour enclencher le processus, ils l'ont fait : ce fut le 11 septembre 2001.

[Voici un lien où l'on peut lire le fameux texte "Rebuilding America's Defences" : http://cryptome.org/rad.htm Quant à la version originale de ce texte, elle se trouve sur le site du PNAC à cette adresse : http://www.newamericancentury.org/RebuildingAmericasDefenses.pdf Sur le document original en PDF, la page où se trouve la citation ci-dessus est effectivement numérotée 51 même si Acrobat Reader la numérote 63 parce que certaines pages au début de ce document sont non numérotées puis numérotées par des lettres.]

=======================

REMARQUE de do :

Sur le fameux PDB du 6 aout 2001 :

          L'on a beaucoup parlé ces temps derniers d'un mémo nommé PDB qui fut fourni à G. W. Bush le 6 aout 2001 et qui le prévenait que "Ben Laden était déterminé à attaquer l'Amérique". Ce PDB a soit-disant été rendu public récemment pour les besoins de l'enquête et la Maison Bush s'en trouve toute ennuyée.

          Cependant, il faut savoir que l'État US a en réalité rendu public seulement une page et demie du PDB ! En fait il faisait entre dix et douze pages. Malgré tout, on nous a fait croire que ledit PDB avait été publié en entier. Quand on voit comme le peu qui a été publié a mis la maison Blanche dans l'embarras, on se demancde ce que cela aurait été si ledit PDB avait été publié complètement !

          Voici où l'on peut trouver ce qui a été rendu public de ce PDB :
          http://www.gwu.edu/~nsarchiv/NSAEBB/NSAEBB116/

          Et le lien direct pour l'obtenir au format PDF est ici :
          http://www.gwu.edu/~nsarchiv/NSAEBB/NSAEBB116/pdb8-6-2001.pdf

          Et voilà maintenant deux preuves, que, contrairement à ce que l'on nous a fait croire, le PDB avait non pas une page et demie mais entre 10 et douze pages : Tout d'abord, dans cette page de Die Zeit vous trouverez la phrase : « Sein PDB-Papier hat statt der sonst üblichen zwei bis drei diesmal elfeinhalb bedruckte Seiten und trägt die Überschrift Bin Laden Determined to Strike in U. S ». Ce qui signifie qu'au lieu de faire 2 à 3 pages comme d'habitude, le PDB du 6 aout 2001 faisait onze pages et demi ; ensuite, si vous allez à cette page de l'International Herald Tribune, vous trouverez ceci : « ...a 10- to 12-page report produced overnight by the CIA... ». À vous de conclure !

[Note de do du 13 aout 2005 : La page de l'International Herald Tribune ayant disparu, en voici une reproduction :

http://www.truthout.org/docs_03/111403C.shtml]



Retour en AG

Vive la révolution : http://www.mai68.org
                                         ou : http://www.monhebergement.fr/do
           ou : http://vlr.da.ru
              ou : http://hlv.cjb.net