27 janvier 2005
LES ÉLECTIONS EN IRAK
"Des élections, ça ? !" Pas de vote pour la moitié des Irakiens. Des candidats... anonymes. La moitié des partis qui boycottent, une force occupante qui bafoue les conventions de Genève et de La Haye tout en mettant sur pied des escadrons de la mort comme en Amérique latine... Auteurs de L'Irak face à l'occupation, Mohamed Hassan & David Pestieau montrent pourquoi la résistance s'est renforcée...
Contact : ali.mohamed@pandora.be & david.pestieau@solidaire.org
Plus de la moitié des Irakiens n'iront pas voter
« Les élections du 30 janvier en Irak seront-elles démocratiques ? Devant l'insécurité et les risques de guerre civile, l'occupation américaine n'est-elle pas un moindre mal ? » nous demande-t-on ces derniers jours. Réponses.
DAVID PESTIEAU ET MOHAMMED HASSAN
          Démocratiques 
  ces élections ? On peut en douter fortement. D'abord, une majorité 
  d'Irakiens n'iront pas voter. Même le général en chef des 
  troupes américaines US en Irak, Thomas Metz, l'a admis. « Des 
  parties significatives de 4 provinces irakiennes sur 18 ne sont pas assez 
  sécurisées pour que le vote ait lieu ». Ces 4 provinces 
  composent le cur de l'Irak. La moitié de la population y vit.
  
            Il s'agit des provinces 
  de Bagdad et Anbar (comprenant Fallujah et Ramadi) à l'Ouest. De celle 
  de Nineveh comprenant Mossoul, la deuxième ville du pays. Enfin de celle 
  de Salahadin (comprenant Tikrit). L'exclusion de ces provinces du scrutin lui 
  enlève déjà toute représentativité.
Ensuite, si 75 partis et 9 coalitions électorales participent au scrutin , plus de 70 partis le boycottent. Les figures les plus connues qui se présentent sont mises en avant depuis des mois par les médias pro-occupation contrôlés par les États-Unis. Et ces partis sont largement financés par des ONG américaines.
          Et 
  comble du comble, la plupart des candidats seront anonymes. Oui, vous avez bien 
  lu : la plupart des 275 candidats qui composent chaque liste sont représentés 
  sur le bulletin de vote par... rien du tout. Et l'immense majorité des 
  affiches électorales aux murs des villes sont celles de personnes qui 
  ne présentent pas. Celle du grand ayotallah Ali al-Sistani. Mais aussi 
  celle de Qassem, président d'Irak de 1958 à 1963. Tandis que la 
  « fédération générale de la jeunesse 
  irakienne » qui se présente aux élections a pour tête 
  d'affiche... Ronaldinho, le célèbre joueur de football brésilien !
  
            Quant aux observateurs 
  internationaux, obligatoires au Venezuela ou en Ukraine, ils seront absents 
  d'Irak. Un organisme contrôlera le déroulement des élections 
  depuis... Amman en Jordanie.
Enfin, last but not least, ces élections se déroulent après une modification profonde de toutes les lois irakiennes par l'occupant américain. Or « suivant les conventions de Genève et de La Haye, la force occupante n'a pas l'autorité de changer les lois d'un pays occupé ».
          Entre-temps, 
  le Pentagone a mis sur pied des escadrons de la mort, dans une opération 
  connue sous le nom de code « Option salvadorienne », en 
  référence à ce qui s'est passé dans ce pays d'Amérique 
  centrale dans les années 80. C'est-à-dire l'assassinat systématique 
  de milliers d'opposants connus ou supposés du régime en place. 
  Ces élections démontrent ainsi ce qu'est la démocratie 
  impérialiste américaine : le libre choix entre les différents 
  partis pro-US, même si c'est par une petite minorité de la population, 
  même si c'est par la terreur contre tous ceux qui s'opposent à 
  l'occupation.
  
            200 000 
  insurgés, affirme le chef de l'espionnage irakien
« Une minorité de terroristes sunnites veut empêcher la victoire de la majorité chiite » affirment les grands médias à l'approche des élections irakiennes du 30 janvier. « Peut-on ainsi résumer la situation ? » nous demandait récemment un journaliste de France-Info (chaîne d'info en continu).
          La 
  division en Irak ne se situe pas entre sunnites et chiites. Les 4 provinces 
  qui ne participeront pas aux élections sont des régions multi-ethniques. 
  La résistance opère aussi dans le Sud irakien, à majorité 
  chiite. L'expert militaire américain Anthony Cordesman admet qu'il y 
  a jusqu'à 7 attaques majeures par semaine à Bassorah, la 
  principale ville du Sud.
  
            Et des mouvements 
  chiites importants s'opposent aux élections. Le 16 janvier, des milliers 
  de manifestants, partisans du leader chiite Moqtada Al-Sadr, se sont rassemblés 
  devant le Ministère du pétrole. Parmi eux des ouvriers du secteur 
  pétrolier, qui protestent contre les pénuries d'électricité 
  et de... pétrole. « Il est vraiment dérangeant de voir 
  tous ces politiciens uniquement intéressés par les élections. 
  Ils devraient plutôt rencontrer les besoins de base des gens » 
  affirmaient les manifestants.
  
            Le célèbre 
  journaliste britannique Robert Fisk affirme que ce sont les élections 
  organisées par l'occupant qui peuvent développer des divisions 
  religieuses. « Le véritable problème, ce n'est pas 
  tellement la violence. La plus grande menace pour la démocratie est qu'avec 
  quatre provinces contenant la moitié de la population de l'Irak en état 
  d'urgence et la plupart de ces villes dans les mains des rebelles, ces élections 
  aggraveront les différences entre sunnites, chiites et kurdes comme jamais 
  auparavant. » Car les Américains ont déjà prévu 
  de désigner eux-mêmes des représentants sunnites comme « députés » 
  de ces provinces.
Ces élections n'offrent pas d'espoir à la majorité des Irakiens qui se tournent toujours davantage vers la résistance. Le général Mohammed Shahwani, chef de l'espionnage irakien pro-US, a dû l'avouer : « Je pense que la résistance est plus importante que l'armée américaine. Je pense que la résistance est composée de plus de 200 000 hommes... » Interrogé sur les raisons de l'ampleur de cette résistance, il a admis : « Les gens en ont marre après deux ans sans amélioration. Ils en ont marre de l'insécurité, du manque d'électricité, ils sentent qu'ils doivent faire quelque chose. Et je dirai qu'ils ne sont pas en train de perdre. »
Les États-Unis ne sont pas en Irak pour résoudre l'insécurité et arrêter les dangers de guerre civile. Au contraire. Ce sont eux qui développent depuis deux ans les contradictions ethniques et religieuses. Ce sont eux qui sont la première cause d'insécurité et les principaux responsables des 100 000 morts Irakiens jusqu'à aujourd'hui.
« Armée US hors d'Irak », diront dès lors les manifestants qui protesteront contre la venue de George Bush en Belgique les 21 et 22 février prochains.
Voir aussi : 
  La vietnamisation de l'Irak :
  http://www.michelcollon.info/articles.php?dateaccess=2005-01-25%2023:13:04&log=invites
Irak : la 
  dévastation
  http://www.michelcollon.info/articles.php?dateaccess=2005-01-17%2010:19:40&log=invites
Michel Collon : michel.collon@skynet.be
Pour voir un joli dessin, cliquer ici :
http://www.michelcollon.info/display.php?image=img/matiz/LADEMOCRACYARRIVEAFALLUJAH.jpg
Vive la révolution : http://www.mai68.org
                    
      ou : http://perso.cs3i.fr/do
             ou : 
  http://vlr.da.ru
                ou : 
  http://hlv.cjb.net