4 mars 2006
MAI 68
99% de reçus aux examens !
En mai 68, il y eut 99% de reçus aux examens ; par conséquent, les étudiants et les lycéens ne doivent jamais avoir peur de faire de vraies grèves, même quand la période des examens s'approche. C'est un bon argument à utiliser en AG étudiante ou lycéenne pour faire voter la grève parce qu'il est parfaitement véridique. Et l'article ci-dessous vous montrera à quel point les examens obtenus en 1968 ont profité à l'ensemble des contestataires de cette heureuse époque et à leur descendance. Celles et ceux qui ont fait mai 68 ont eu des avantages énormes ! Faisons comme eux !
http://mai68.org/ag/797.htm
http://kalachnikov.org/ag/797.htm
http://www.chez.com/vlr/ag/797.htm
http://www.monhebergement.fr/do/ag/797.htm
Lien originel : http://bellaciao.org/fr/article.php3?id_article=13579
Le destin inespéré des "miraculés" de Mai 68
Luc Bronner
On savait que Mai 68 avait durablement marqué la vie politique et intellectuelle nationale. On savait quil avait fait évoluer en profondeur la société française. Mais on ne savait pas quil avait permis à une génération de jeunes, candidats au baccalauréat cette année-là, daccéder assez miraculeusement à lUniversité et de profiter dune ascension sociale exceptionnelle. On imaginait encore moins que cet épisode de lhistoire conduirait leurs enfants à mieux réussir à lécole.
Une note rédigée par les économistes Eric Maurin et Sandra McNally sur "les bénéfices de long terme de 1968" démontre que la simplification et la désorganisation des examens après la crise ont permis à un nombre important de jeunes dintégrer lUniversité, alors quils ny seraient jamais parvenus dans des conditions normales. Ces miraculés de Mai ont eu une carrière professionnelle et des revenus largement supérieurs à ce quils pouvaient attendre. Et, près de quarante ans plus tard, il apparaît que leurs enfants ont moins redoublé à lécole.
"EXPÉRIENCE DE LABORATOIRE"
La note, qui doit être publiée début avril par La République des idées (www.repid.com), un club de pensée présidé par Pierre Rosanvallon et Olivier Mongin, traite une thématique rarement abordée à propos de Mai 68. Une des conséquences immédiates de la crise fut, en effet, lorganisation dexamens "allégés", beaucoup moins sélectifs. À la demande des lycéens, inquiets à lidée dêtre pénalisés par leur engagement, le baccalauréat fut réduit à de simples épreuves orales. La conséquence est connue : le "bac 68" sest caractérisé par un taux de réussite supérieur de 30% aux sessions précédentes et à celles qui ont suivi.
Cet épisode de lhistoire peut apparaître anecdotique. Mais il fournit aux économistes le cadre dune expérience "grandeur nature" sur un sujet éminemment politique : quels sont les effets sur la société de louverture, en loccurrence accidentelle, de lenseignement supérieur ?
"La désorganisation des examens en Mai 1968 sapparente à une expérience de laboratoire permettant dévaluer les effets dune formation universitaire pour les personnes qui, en temps ordinaire, seraient restées aux portes de lUniversité", expliquent les économistes Eric Maurin, de lÉcole des hautes études en sciences sociales (EHESS), et Sandra McNally, de la London School of Economics.
À travers une analyse économétrique très détaillée, les deux chercheurs constatent que le "relâchement" des procédures dexamen après Mai 68 a surtout bénéficié à des élèves issus des classes moyennes. À lépoque, ceux-ci navaient statistiquement que peu de chances dobtenir un diplôme largement réservé aux classes favorisées et pratiquement interdit aux jeunes issus de milieux populaires. Lassouplissement des conditions dexamen leur a permis daccéder à lUniversité.
Ces chanceux du mois de mai ont ensuite obtenu des diplômes de lenseignement supérieur. "Lorsquon suit ces élus dans le temps, on saperçoit que cette opportunité sest traduite, des années plus tard, par un surcroît de salaire et de réussite professionnelle par rapport aux étudiants qui, nés un an plus tôt ou un an plus tard, navaient pas eu la chance de se trouver au bon endroit du système éducatif au bon moment de son histoire", écrivent les deux auteurs.
Étudiant en particulier le devenir des générations nées en 1948 et 1949, cest-à-dire les élèves qui avaient 20 ans et 19 ans en 1968, Eric Maurin et Sandra McNally chiffrent précisément le gain obtenu. Ils constatent, en sappuyant sur les enquêtes emploi réalisées par lInsee dans les années 1990, que "chaque année supplémentaire passée à lUniversité a eu pour effet causal daugmenter le salaire denviron 14%". Dans le même temps, la probabilité de devenir cadre sest accrue de 10% par année détudes validée. Les deux auteurs parlent de "destin économique et social inespéré" pour ces jeunes passés à travers les mailles de la sélection habituelle.
"COBAYES HEUREUX"
Plus étonnant, la note montre que le bénéfice acquis a été transmis aux enfants. Les auteurs se sont penchés sur le niveau scolaire des élèves dont les pères ont passé leur baccalauréat en 1968 et lont comparé avec celui des enfants des générations précédentes et suivantes. Conclusion : les fils et filles des bacheliers de Mai 68 ont beaucoup moins redoublé que leurs camarades des autres années.
Ils estiment que chaque année de formation supérieure suivie par les pères se traduit mécaniquement par une diminution de 30% du risque de redoublement pour les enfants, un résultat bien supérieur à des études antérieures. Cette constatation autorise les auteurs à parler de transmission du "capital humain" entre les générations.
Les économistes tirent de leur étude une analyse plus générale. "Le fait que cet impact soit aussi particulièrement élevé et persistant à travers les générations est un argument de poids pour ceux qui aujourdhui militent pour une expansion nouvelle de notre enseignement supérieur", affirment Eric Maurin et Sandra McNally. "Au fond, une des leçons les moins repérées de Mai 68 se trouverait dans la réussite aussi formidable quaccidentelle dune émancipation par la formation supérieure", ajoute Thierry Pech, secrétaire général de La République des idées, qui commence, avec cette note, la publication gratuite de documents sur Internet et sapprête à lancer, sur abonnement, une revue mensuelle dinformation sur les débats intellectuels internationaux (La Vie des idées).
Quarante ans plus tard, on en revient aux sources du mouvement de Mai 68, qui portait dabord sur la place de lUniversité dans la société.
"Lhistoire sociale des élus de Mai donnerait ainsi raison à tous ceux qui, révolutionnaires alors, pensaient que lUniversité ne devait pas sadapter à la société, mais la transformer. Ceux-là auront été, pour une part, les cobayes heureux de leurs propres idées", ajoute M. Pech, pour qui lanalyse démontre lefficacité dun "supplément de formation" du point de vue de la "justice sociale" et de la "performance économique". Vive la révolution !
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Eric
Maurin, 42 ans, est directeur détudes à lÉcole
des hautes études en sciences sociales (EHESS). Élève à
Polytechnique et à lÉcole nationale de la statistique et
de ladministration économique (Ensae), il a fait lessentiel
de sa carrière à lInsee, jusquà son arrivée,
en 2004, à lEHESS. Economiste, il aborde les questions de
société à partir de statistiques inédites. Son dernier
ouvrage, Le Ghetto français (La République des idées/Le
Seuil, 2004, 96 p., 10,50 euros), décrit les mécanismes
de ségrégation en France.
Sandra McNally, 32 ans, est économiste au Centre for Economic Performance à la London School of Economics (Londres) et coordonnatrice du Centre for the Economics of Education. Elle est lauteur de nombreux articles, dont plusieurs sur les politiques éducatives de Tony Blair.
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Dans
leur note sur "les bénéfices de long terme de 1968",
Eric Maurin et Sandra McNally utilisent une méthode scientifique
originale. Dans les sciences sociales, en effet, il est impossible de procéder
à des expériences, comme le font les chercheurs en "sciences
dures". Pour dépasser cette difficulté, les économistes
cherchent des "expériences naturelles" qui permettent détudier
leffet dune variable sur la société.
Eric Maurin
et Sandra McNally se sont intéressés aux conséquences
dune plus grande ouverture de lUniversité du fait de lallégement
des examens après Mai 68. Pour cela, ils ont étudié
le parcours des personnes ayant passé le baccalauréat en 1968
à travers les enquêtes emploi de lInsee réalisées
entre 1990 et 1999. La réussite scolaire de leurs enfants
à lâge de 15 ans a été étudiée
à partir des enquêtes emploi entre 1990 et 2001.
Vive la révolution : http://www.mai68.org
ou : http://kalachnikov.org
ou :
http://vlr.da.ru
ou :
http://hlv.cjb.net