25 avril 2005
Nepal
Lettre ouverte d'Himalove à Alex Perry de Times Magazine
à propos de son article "Gunning
for Nepal"
Monsieur le journaliste yankee,
Vos amis britanniques, présents au Népal depuis la seconde moitié du XIXème siècle, et qui recrutent des gurkhas (mercenaires népalais) pour leurs régiments en Irak, ne vous ont pas beaucoup aidé dans la rédaction de votre article "Gunning for Nepal", paru le 18 avril 2005.
Votre regard sur le pays est celui d'un pilote de B-52, ignorant le relief, le climat et les nuages...
Droit sur l'objectif : les maoïstes !
De sanguinaires adolescents et adolescentes mettant à feu et à sang le royaume ; fanatisés par des maîtres-à-penser sans scrupule, utilisant les enfants comme bouclier.
À vous croire, les maopatis couperaient les têtes de leurs propres camarades morts sur le champs de bataille afin que nul ne puisse les reconnaitre...
Énivré par l'odeur du Rouge, vous en oubliez même de situer le Népal sur la carte.
Pas une fois, dans votre article, vous ne mentionnez les noms de la Chine avec laquelle le Népal partage le mont Everest et celui, combien important, de l'Inde !
1751 kilomètres de frontières ouvertes, 5 ou 6 religions, 7 à 9 millions de gorkhas* vivant et travaillant au Sikkhim, à Darjeeling, au Bihar, en Uttar Pradesh, Uttaranchal et Himachal Pradesh pour la plupart républicains vous indiffèrent. [NOTE (*) gorkhas : Népalais vivant en Inde, à ne pas confondre avec les Gurkhas qui sont, eux, des mercenaires népalais.]
Le Népal serait un pays imaginaire, coincé entre les barrières menacées de la Raison, représentée par l'empereur Gyanendra et celles de la Démocratie dont vous seriez l'illustre représentant.
La seule allusion à l'Union indienne, dans votre reportage, est à propos de "bordels à Bombay".
Je cite : "many have fled to brothels in Bombay, sweatshops in Southeast Asia and servants' quarters in the Gulf."
Voila le regard de l'homme blanc !
Quand le boy (bahi) n'est pas gurkha, il est sherpa ; la fille (bahini), servante (didi) ou putain (kooti) !
La location de mercenaires à l'Inde, l'Angleterre, et la rente des Himalayas, loués aux alpinistes milliardaires, devraient suffire à l'économie du Népal.
Au nom de cette vision coloniale dont le roi est le garant, on a réduit une nation par ailleurs très riche (deuxieme réserve en énergie hydro-électrique du monde après le Brésil) à être le royaume le plus misérable et le plus attardé de la Planète.
Une sorte de "son et lumière médiéval" où le vacancier et le diplomate viennent s'extasier ; et les humanitaires jouer à Mère Thérésa !
Dommage que les divisions maopatis viennent troubler le trek et la béatitude des ONG...
La culture de la violence que vous décriez, monsieur Alex Perry, ne date pas d'hier ; elle plonge ses racines dans l'extrême brutalité des rapports sociaux, imposée par les land-lords, les brahmines et les rajahs.
Il en a fallu de la violence pour conserver l'esclavage jusqu'à nos jour et continuer à alimenter les grandes boucheries mondiales de soldats gurkhas.
Savez-vous combien de jeunes de 15 à 18 ans ont fourni les maharajahs Jang Bahadur Rana, parrains de l'actuel roi du Népal, lors des 1ère et 2ème guerres mondiales et lors des expéditions coloniales ?
Pour la Grande Guerre, le général en titre de l'armée britannique, sir Chandra Shamsher Jang Bahadur Rana (grande croix de la Légion d'Honneur, entre autres...) mit à la disposition de Sa Majesté "l'ensemble des ressources du pays", soit 255 000 hommes !
Selon le ministere de la Défense britannique, un minimum de 20 000 gurkhas trouvèrent la mort dans les tranchées et les sables du moyen-orient.
Le 13 avril 1919 à Amristar, au Penjab, des gurkhas sous le commandement du brigadier-général Reginald Dyers tirèrent sur une foule de 20 000 personnes 400 morts !
Le massacre de Jallianwala Bagh fut le cri de ralliement des nationalistes indiens.
Beaucoup de Népalais désertaient et rejoignaient, plus tard, les rangs de l'Indian National Army de Subrash Chandra Bose ou le mouvement non-violent de Mohanda Karamchad Gandhi tels Ganesh Mansingh, Davendra Upadhyaya, KOIRALA (dont vous taisez les noms !) Fondateurs du Congrès népalais.
Pendant la Seconde guerre mondiale, sir Mohan Shamsher Jang Bahadur ne livrait que 160 000 hommes à l'armée des Indes.
En 1947, le maharadjah prêtait 10 bataillons à Jawaharal Nehru pour éponger le sang de la Partition (1 million de morts) et escorter les populations déplacées (10 millions de réfugiés).
Le traité de juillet 1950, signé entre Nehru et les Rana, accorde la quasi-citoyenneté aux Népalais résidant en Inde ; mais laisse en l'état, au Népal, le système féodal, les traités coloniaux et les camps de recrutement de mercenaires tenus par les officiers britanniques.
Sur 250 ans d'existence, le royaume n'a connu que 20 années d'absence de dictature : entre 1951 et 1960 et entre 1990 et 2001.
Curieusement, les régiments gurkhas qui ont éradiqué tant de guérillas communistes en Asie sont incapables d'éliminer les maopatis. Pourquoi ?
Parce que les communistes népalais, surtout dans leur version maoïste, sont des nationalistes ; et accordent une dignité aux soldats que leur statut de mercenaire à la solde de l'anglais ou de l'indien n'autorise pas.
Les maopatis ont repris à leur compte le programme de l'Indian National Army : chasser l'imperialisme ; provoquer une assemblée constituante et en finir avec l'intouchabilité !
Prachandad, le leader maopati, ne s'inspire pas de Pol Pot, monsieur Alex Perry, mais du docteur Ambedkar : « I would prefer that hinduism dies than untouchability lives » [Je préfère que l'indouisme meurt plutôt que l'intouchabilité survive].
Pressentant le danger, le roi Birendra (1972-2001) a toujours refusé d'envoyer la Royal Nepalese Army contre les maopatis ; et provoquer une "difficile" guerre civile...
Peut-être ce refus lui a-t-il coûté la vie ?
"All Progress begins with a crime" [tout progrès commence par un crime], écrit un auteur anglais dont je vous laisse deviner le nom...
Il a fallu le 11 Septembre pour que votre président, monsieur George W. Bush écrive une nouvelle page d'histoire.
De même un obscur Gyanendra et les généraux inconnus Pyar Jung Thapa, Bharat Kesari Simha, leader du Vishwa Hindu Parishad, eurent besoin du 1er Juin 2001 : Le massacre du roi Birendra, la reine Aishwarya, leurs enfants et familles, assassinés par le prince "fou d'amour" Deependra.
L'empereur Gyanendra, couronné à New York, en décembre 2003, est très mal placé, aujourd'hui, pour dénoncer la violence maopati lui qui doit son pouvoir à une paire de fusil et un colt 45, aux mains d'un déséquilibré, bourré de whisky et de haschisch.
Deux ou trois choses à propos de ce drame familial que vous évoquez tres peu :
1. Il n'y eut jamais d'enquête sérieuse ; les victimes ont été brulées rapidement sans examen post mortem !
2. "Gyani" et son fils délinquant Paras, meurtrier notoire et impuni du chanteur populaire Praveen Gurung, ont été bien rapides à s'accaparer les biens, terres et fortune de la famille Birendra...
3. Il n'y a pas beaucoup de tireurs d'élite, même chez les marines, capables de tuer net 9 personnes libres de leurs mouvements dans un palais rempli de gardes, surtout en étant complètement saoul !
Bah, au diable la vérité !
Vous écrivez un scénario pour la Maison Blanche destiné à préparer une éventuelle intervention, n'est-ce pas ? !
BREAKING NEW : 30 avril 2005, Kathmandou. Gyanendra choisit le jour du 30ème anniversaire de la chute de Saïgon pour lever partiellement l'état d'urgence.
Himalove
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