17 mai 2005
Référendum - trafiqueront-ils les résultats ?
JAMAIS
ILS NE SONT TOMBÉS AUSSI BAS DEPUIS 60 ANS,
JUSQU'OU S'ABAISSERONT-ILS ENCORE ?
Raoul Marc JENNAR 17 mai 2005
La campagne des défenseurs du traité constitutionnel européen connaît des développements qui éloignent de plus en plus du débat citoyen. On pensait que la démocratie participe d'un progrès continu et que des procédés, décrits dans les manuels d'histoire comme de détestables pratiques heureusement révolues, telles que Jaurès les subissait, telles qu'on les a connues entre les deux guerres mondiales, telles qu'on les a connues pendant les heures noires de l'Occupation avaient à jamais disparu. Que du contraire ! Les partisans du oui, depuis huit mois, ne reculent devant rien.
Ils trompent. Ils ont commencé par présenter une interprétation fausse du texte. Deux exemples qui se répètent chaque jour. Strauss-Khann déclare que le traité offre une base légale pour des services publics qui n'existent pas dans le texte, celui-ci traitant des « services d'intérêt économique général » lesquels sont soumis aux règles de la concurrence et ne peuvent exister que lorsque le marché est défaillant. Lang répète à satiété que tous les droits sociaux sont inscrits dans le traité, alors que rien ne vient consacrer les droits au travail, au logement, à la santé, au minimum d'existence, au salaire minimum garanti, à l'allocation de chômage, à la pension de retraite. Si on compare les droits consacrés dans les Constitutions et législations nationales de la majorité des pays de l'UE, un seul constat s'impose : régression. Mais ils nous disent tout le temps le contraire.
Ils trichent et dissimulent. Constatant que plus les gens connaissent le traité, plus ils le rejettent, les défenseurs du « oui » ont alors entrepris de cacher ce qu'il y a de plus repoussant dans le texte. Ainsi, à l'instar de Valéry Giscard d'Estaing qui considère qu'on ne doit pas parler de la troisième partie du traité, le social-démocrate Olivier Duhamel, professeur de droit qui sévit tous les matins, grâce à nos deniers, sur France Culture, publie sous le titre « Constitution européenne », un petit livre dans lequel manquent 325 des 448 articles du traité ! Et il fait école ; plusieurs versions incomplètes circulent maintenant en France. « Quand les hommes ne peuvent changer les choses, ils changent les mots » disait Jaurès.
Ils sabotent. Lors des dernières élections régionales, les Français ont voulu sanctionner la majorité la plus conservatrice que la France ait eu depuis Vichy. Cette sanction a eu pour effet d'amener des sociaux-démocrates à la direction de 20 Régions sur 21 et d'un grand nombre de Conseils généraux (assemblées départementales). Aujourd'hui, ces élus qui se prétendent encore de gauche refusent d'autoriser l'usage de salles à des opposants de gauche au traité constitutionnel. Ou bien, plus sophistiqué, ils retirent l'autorisation à la dernière minute pour rendre la réunion impossible. Procédés de droite ? Assurément. Pratiqués avec la même hargne par les libéraux de gauche.
Ils effraient. À entendre certains membres de la direction du PS et de la direction des Verts, le rejet de ce texte sur l'Europe d'où sont absentes les valeurs nées en l'Europe (laïcité, souveraineté populaire, séparation des pouvoirs, contrôle de l'Exécutif par le législatif, droits sociaux, services publics.) provoquerait une « crise dramatique » , voire « le chaos », la « disparition de l'euro », la « fin de l'Europe » au point que ce choc s'apparenterait à une « déflagration atomique qui vitrifierait tous les Français. » Un des grands prêtres de la pensée unique qui sévit sur les ondes de France Culture, une station publique de radio, n'hésitait pas à annoncer la « situation chaotique de 1789 » et à « espérer que la Terreur ne reviendrait pas » ! Procédés de droite ? Sans nul doute. Qui signent ce que sont devenus ceux qui se disent de gauche et qui y ont recours.
Ils méprisent, discréditent et diabolisent. Tous les média, le quotidien L'Humanité, l'hebdomadaire Politis et le mensuel Monde diplomatique et quelques revues exceptés, sont favorables au traité, conformément à l'attente de leurs propriétaires et des annonceurs. Les stations de radio comme les chaînes de télévision manifestent une partialité qu'ils condamnent avec véhémence lorsqu'elle est pratiquée à l'étranger. Les collectifs pour un « non de gauche » ont organisé plus de 2 300 réunions publiques qui ont pratiquement toutes été boycottées par les média alors que, dans une immense majorité de cas, elles faisaient salle comble. La plupart des journalistes affichent un parti pris qui étouffe le droit à l'information des auditeurs, téléspectateurs et lecteurs. Jamais, depuis les heures les plus sombres de l'histoire de France contemporaine, la presse ne s'est alignée de la sorte. Non seulement l'information est biaisée, mais un ton convenu s'est généralisé pour disqualifier les adversaires du traité constitutionnel. Ces gens des média qui ont abandonné toute éthique professionnelle, avec arrogance et mépris, laissent entendre que tout adversaire du texte proposé à ratification ne peut être qu'un inculte, voire un idiot.
Ils insultent. Tous ne se limitent pas au sous-entendu. Certains, ne reculent plus devant l'insulte. Ceux qui osent critiquer les orientations néolibérales du traité sont qualifiés d'« idéologues », de « ringards », de « néo-communistes », de « néo-cons » ; ceux qui soulignent l'absence de droits sociaux et la subordination de l'harmonisation sociale aux lois du marché sont traités de « corporatistes » « populistes », de « poujadistes » ou encore de « péronistes ». Les opposants au traité appartiennent, selon les mots d'un dirigeant socialiste, à « la faune ». Une affiche n'hésite pas à assimiler tout partisan du « non » à un adepte de Le Pen ! Olivier Besancenot, Marie-Georges Buffet, Henri Emmanuelli, Jean-Luc Mélanchon rangés à l'extrême droite ! Un des directeurs de conscience de la gauche caviar n'hésite pas, dans cet hebdomadaire pour sociaux libéraux bien pensants qu'est Le Nouvel Observateur, à nous traiter de « socialistes nationaux ». Ils osent se réclamer de Jaurès, mais ils utilisent les mêmes procédés que ceux qui le combattaient.
La pression patronale est discrète, mais intense. Le MEDEF au niveau français, l'UNICE au niveau européen ont obtenu ce qu'ils exigeaient dans cette Constitution. Et on n'y trouve pas ce qu'ils rejetaient. Il s'agit maintenant de figer durablement le démantèlement d'un modèle de société que les patrons européens avaient dû progressivement concéder suite aux luttes sociales des XIXe et XXe siècle et après le discrédit subi par leur collaboration avec le nazisme. Il s'agit d'enregistrer dans un traité constitutionnel contraignant les reculs démocratiques et sociaux imposés depuis 25 ans avec la complicité active des libéraux de gauche.
Avec l'assentiment de la direction du PS et de la direction des Verts, qui ne protestent pas contre la violation massive du droit à une information complète et honnête et s'en font même les complices, les Bouygues (TF1), Dassault (Le Figaro), Lagardère (Europe n°1, Paris-Match), Minc (Le Monde), Rothschild (Libération) s'assurent du travail de propagande des média qu'ils possèdent et des média publics désormais à la merci des annonceurs qu'ils contrôlent. Ils ont acheté le Quatrième Pouvoir ; ils en ont fait une officine de propagande.
Ils se sont tout permis ; ils ont affiché le plus total mépris pour ceux qui vont voter autrement qu'exigé par les libéraux de droite et de gauche. Ne doit-on pas craindre que le 29 mai, ces gens qui n'ont reculé devant rien, n'hésiteront pas à trafiquer les résultats ?
Raoul Marc JENNAR chercheur militant, signataire de l'Appel des 200
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