22 septembre 2000

 

Vive l'émeute !
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Ton analyse de l'émeute est superbe, mais pourquoi appelles-tu ça " Black Bloc " ?
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          Tu dis : ‹‹ Ces différents procédés, simples de réalisation, sont la manifestation d'un pouvoir émanant de la base, d'un pouvoir qui ne passe pas par les structures officielles pour s'exprimer, mais qui choisit une voix dissidente et par là même plus directe. Ces moyens simples, directs et à la portée de tou-te-s sont donc logiquement plus à même de toucher les milieux les plus défavorisés, les milieux les plus frappés par l'exclusion, ceux et celles que la politique a toujours délaissé et qui ont fini par délaisser la politique. En agissant concrètement sur les objets de leurs révoltes, les Black Blocs sont plus que quiconque à même de sensibiliser ces exclu-e-s qui en soupent quotidiennement, qui en ont marre et sont cependant souvent condamné-e-s à la résignation. L'exemple de Seattle est flagrant à ce sujet : alors que l'ensemble du mouvement de lutte contre l'OMC déplorait la faible participation de gens de couleurs et/ou des classes sociales les plus "basses" aux événements, les initiatives des Black Blocs ont attiré (et sont presque les seules à l'avoir fait) nombre de jeunes des quartiers noirs et pauvres. Si les Black Blocs peuvent effrayer et déclencher l'hostilité de certain-e-s, ils peuvent également rendre la politique et sa réalisation plus accessibles, et agir en facteur politisant et dynamisant dans la lutte contre le capitalisme. ››

          Qui attire qui ? Regarde les émeutes de Los angeles en 1966 et en 1992, dans les deux cas, il a fallu l'intervention de l'armée pendant plus de trois jours pour imposer le retour à l'ordre dominant ! C'était pas du Black bloc, ça ? Et c'était bien avant Seattle ou Washington. Souviens-toi aussi de Vault en Velin, en fRANCE. Le mot " Vault-en-Velin " était devenu un vocabulaire courant dans les banlieues. Par exemple, l'on pouvait s'adresser aux flics en leur disant : " Vous voulez du Vault-en-Velin ? Vous allez en avoir ! "

          Sincèrement, je crois que ce ne sont pas les anarchistes qui ont réussi à attirer dans leur " Black Bloc " les " gens de couleurs et/ou des classes sociales les plus " basses " ", c'est-à-dire les " voyous de banlieues ", mais bien plutôt les " voyous de banlieue" qui ont montré l'exemple aux anarchistes. Par contre, ce que je reconnais aux anarchistes, c'est que ce sont presque les seules " forces politiques " d'extrème gauche à avoir compris et accepté cet exemple.

           Mais, ce n'est pas la première fois que la population invente quelque chose qui est ensuite repris par la théorie et par des " forces organisées ". Karl Marx disait bien que le " conseil ouvrier " avait été inventé par les parisiens pendant la commune et que la théorie n'avait fait que le reprendre et l'analyser ! Ne pas reconnaître ce genre de fait, ne pas reconnaître que la population en révolte peut " inventer " bien des choses importantes avant les théoriciens ou avant " l'extrème gauche " (que la population soit si "inventive" est pourtant réjouissant et donne à espérer) réduirait les anarchistes à de simples récupérateurs ! En remplaçant le mot " émeute " par le mot " Black Bloc ", certains anarchistes n'ont inventé ni l'émeute ni le Black Bloc, ils ont seulement inventé un mot.

          Cette volonté d'une grande partie de l'extrème gauche de vouloir à tout prix avoir inventé les choses importantes avant la population relève du principe léniniste de l'avant-garde : Il faut pouvoir montrer qu'on est à l'avant-garde si l'on veut vendre des cartes syndicales ou des cartes de partis. Ceci dit, je suis très content de voir que le mode d'action préféré des " voyous de banlieux ", l'émeute, soit enfin reconnu par une partie de l'extrème gauche. Que des anarchistes reprennent à leur compte ce mode d'action naturel à la banlieue ne fera avancer les choses que s'ils ne prétendent pas l'avoir inventé sous prétexte qu'ils viennent de le découvrir, et d'inventer un nouveau mot pour désigner ce qui n'était nouveau que pour eux. Sinon les banlieusards, au lieu de se rapprocher de ces anarchistes, s'en éloigneront en rigolant.

           do

 

PS) A propos de " Certain-e-s membres des Black Blocs manifestent explicitement cette volonté d'égalitarisme, qui semble intégrer les critiques féministes, anti-classistes, anti-racistes, anti-âgistes voire antispécistes " que fait le mot " anti-classiste " au milieu de tout ça ? personnellement, je pratique la lutte des classes et je suis donc " classiste ", non ? Il me semblait, à te lire, que toi aussi tu pratiquais la lutte des classes. Tu dois certainement donner un sens que je ne comprends pas au mot " classiste ".
Quant aux antispécistes et autres végétariens, le jour où ils se rendront compte que les salades et les carottes sont des êtres vivants, il ne leur restera plus à manger que des caillous ! Je ne veux pas dire par là que je me fous qu'on maltraite les animaux. D'ailleurs, j'ai bien remarqué que pour que la viande soit bonne, il faut qu'elle ait vécu heureuse.

PPS) C'est pour au moins deux raisons que je conserverai le mot " émeute " :
premièrement, ça m'évitera d'oublier que de même qu'on entend parler de " descendre en bas " ou de " monter en haut ", on entend aussi parler des " émeutes de banlieue ".
Et deuxièmement, contrairement au mot " Black Bloc ", le mot " émeute " n'éprouve pas le besoin de porter des majuscules sacralisatrices. Voir ma thc (théorie du concept) pour comprendre l'importance que j'accorde à la présence ou à l'absence de majuscules.

 

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