2 avril 2006
GUERRE CIVILE À BORDEAUX
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Lien originel : http://paris.indymedia.org/article.php3?id_article=56963
Soirée bordelaise. Récit.
Bonjour,
J'ignore si cette information sera par vous diffusée, transformée, ou quoi, mais comme j'ai été témoin de la scène, je ressens le besoin de vous en faire part.
La nuit dernière, vers 2h30, je rentrais chez moi à vélo. La soirée à ma future pizzeria avait été terrible. Pour ceux qui connnaissent Bordeaux, je suis passé par la rue Leyteire pour traverser le cours de la Marne. Il y avait une file indienne de cars de CRS des deux côtés du cours. Ca faisait beaucoup de cars.
Je passe chez moi prendre une bouteille de vodka, et repars pour finir la (longue) soirée chez un ami batteur et frisé. Cette courbure capillaire n'a eu guère d'influence sur la suite de l'histoire, cependant. Là, je repars vers la Victoire, le long des rails du tram, cours de l'Argonne. À pied, cette fois. Mais la place de la Victoire est bloquée par un cordon de CRS.
Il est près de 3 heures du matin, j'entends quelques cris, des insultes vers les flics, ça sent un peu la lacrymo. Un CRS est soigné au visage près d'un camion SAMU par un type avec un blouson en cuir. Cet habit me trouble. Flic en civil ? Médecin en blouson ? Curieux.
Comme j'ai envie de retrouver les amis, mon état d'ébriété très avancé me fait agir de façon un peu, euh, comment dire, euh. Particulière. Je tends mon passeport à bout de bras, et je dis "commissaire Jutteau". Et ces cons de CRS me laissent passer.
Et là... C'est Brazil, c'est Paris en 44, Sarajevo, je ne sais pas. Et en même temps, c'est Carnaval dans ma tête. Un cordon compact de CRS fait tout le tour de la place, y compris devant les immeubles. La Place de la Victoire est dévastée. Des vitres brisées aux cafés. Le peu de mobilier urbain est cassé.
Il y a un attroupement important au milieu de la place, un ou deux milliers de personnes peut-être. Un gros brouhaha, des bouteilles qui volent de temps à autre. Le vide entre ce groupe au milieu et ces rangs de CRS armés, tout autour, est flippant, me prend aux tripes. J'ai peur. Je longe le café des Sports, le Plana, et vais vers le Cours Aristide Briand.
Cette fois-ci, face aux boucliers, je ne me sens plus du tout le courage de faire le coup du commissaire. Je suis isolé, et j'ai l'impression d'avoir désaoûlé d'un coup. Je demande très poliment avec une petite voix aux CRS si je peux passer. Pas de réponse. Cinquante mètres plus loin, je redemande, on me fait passer assez virilement, on me fouille, je m'explique près d'un camion avec un type. Il semble se demander s'il va garder ma bouteille ou pas. Un silence se fait sur la place, comme si on attendait un discours.
Là, tout se passe très vite, comme si tout le monde avait bien répété sa partition. Le gars me dit de me casser, ce que je commence à faire. Un cri du milieu de la place, du genre "chargez, bande d'enculés !", et le brouhaha monte, les CRS commencent à taper en rythme sur leurs boucliers avec les matraques. Et c'est le groupe du milieu qui charge en direction du cours Aristide Briand. Une bagarre énorme, difficile à décrire, entre Astérix et le Seigneur des Anneaux. La guerre civile.
Ceux du centre sont encerclés, mais sont plus nombreux. Une volée d'objets de toutes sortes, de la lacrymo. Je n'assiste qu'au début de la scène, sans doute, car je m'éloigne, le spectacle m'écoeure, et j'ai l'impression d'être "du côté" des CRS, ce qui ne me plaît pas. Le bruit est terrible. Je m'arrête pour vomir.
Vingt mètres plus loin, une voiture du journal Sud-Ouest, et un journaliste en compagnie d'un type à galons, du genre général. Le type à galons dit, au moment ou je passe : « il faut éviter l'effet boule de neige, vous avez d'autres infos plus positives, c'est important... » etc...
Et ce matin, dans Sud-Ouest, pas un mot. L'information a été étouffée impeccablement. La place de la Victoire est elle aussi impeccable, il manque juste les lettres sur certaines vitres qui ont été remplacées.
À
bientôt,
Paul
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