Pour une théorie du concept
Cet essai est le doigt qui montre la théorie du concept.
Ne regardez pas le doigt et ses imperfections,
mais essayez de voir la théorie du concept.
POUR UNE THEORIE DU CONCEPT
Préliminaire avant présentation: Le concept
La définition d’un mot ne peut être l’énoncé de toutes les phrases qui utilisent ce mot et qui sont considérées comme vraies, sinon il en faudrait une infinité. Cependant, elle doit en contenir suffisamment pour nous permettre de voir dans quelle mesure une phrase contenant ce mot est vraie ou fausse. Ainsi, je ne peux me contenter de dire: " La conception est l’action de concevoir, son résultat est le concept ".
Pour définir le mot " capital ", Marx a écrit un livre entier intitulé: " Le capital ". Pour définir le mot " spectacle ", Debord a écrit un livre entier intitulé: " La société du spectacle ". De même, pour m’approcher d’une définition correcte du mot " concept ", j’ai écrit un livre entier intitulé : " Pour une théorie du concept " (1).
Dire en seulement trois lignes ce qu’est le capital, dire en seulement trois lignes ce qu’est le spectacle, et de même, dire en seulement trois lignes ce qu’est le concept, c’est non seulement énormément réduire le sens de ces mots, mais c’est carrément mentir, ou se tromper, à leur sujet.
Cependant, un livre qui utilise constamment le mot " concept " et qui ne donne pas dès le début une idée de ce qu’est un concept, doit s’attendre à être rejeté par ceux, ou celles, qui ne savent pas de quoi il s’agit. Il doit s’attendre à être mal compris par celles, ou ceux, qui croient savoir de quoi il s’agit et qui en fait se trompent.
Pour toutes ces raisons, la fin de ce chapitre ne définira pas le mot " concept " mais essaiera de faire sentir de quoi il s’agit.
Pour commencer, il faut savoir ne pas confondre un mot et l’objet qu’il est censé désigner. Par exemple, si la lecture de ce livre vous donne mal à la tête, vous pouvez le jeter dans une poubelle. Mais vous ne pourrez en aucun cas le jeter dans le mot " poubelle ". Un mot est censé désigner un objet, mais, sauf quand il est censé se désigner lui-même, le mot ne peut en aucun cas remplacer l’objet. Il n’a pas la même fonction: la poubelle sert à se débarrasser de ce qu’on ne veut plus, tandis que le mot " poubelle " sert à parler des poubelles.
Cependant, bien qu’aujourd’hui cela semble difficile, puisque la nature est devenue une gigantesque poubelle, il peut vous arriver d’utiliser le mot " poubelle " en dehors de la présence d’une poubelle. Là, on s’aperçoit qu’en fait le mot " poubelle " ne désigne aucune poubelle, mais l’idée qu’on en a. Cette idée, cette image mentale, qu’on a de la poubelle n’est rien d’autre que le concept de poubelle.
La poubelle, le mot " poubelle ", et le concept de poubelle sont trois choses qui, tout en ayant des rapports entre elles, sont différentes: Le mot croit désigner l’objet mais signifie le concept.
Le concept est le contenu interprétatif attaché à l’objet par le mot. Il est la signification du mot. En quelque sorte il en est la... définition. Justement, ce chapitre destiné à vous faire concevoir le concept, a parlé de ce qu’est une définition.
Présentation: Notre esclavage aux concepts est la cause de nos malheurs.
Le texte que vous êtes en train de lire est l’ébauche (à critiquer) de la théorie du concept. C’est une invitation à participer à sa création. C’est aussi une liste non exhaustive des travaux qu’il est peut-être nécessaire d’accomplir pour construire cette théorie; et pour la mettre en œuvre, la pratiquer.
Cette théorie affirme qu’actuellement nous sommes esclaves des mots, des concepts, du langage. Elle affirme qu’actuellement ce n’est pas nous qui utilisons le langage pour penser ou communiquer, mais le langage qui pense pour nous, qui nous pense, et qui détermine nos rapports avec les autres et avec le monde. Cette théorie ne désire détruire ni les mots, ni les concepts, ni le langage. Elle veut que l’être humain cesse d’en être esclave. Elle prétend que cet esclavage est la cause la plus profonde du malheur des êtres humains, la cause de tous ses esclavages. Cette théorie est le mode d’emploi des mots, des concepts, du langage. Sans elle notre comportement ne peut pas sortir de cette prison qu’est la Culture; parce que, sans elle, notre pensée ne peut pas sortir de cet immense labyrinthe qu’est le langage, pas plus qu’une automobile ne peut sortir du réseau routier. Cette théorie dit que notre comportement est actuellement domestiqué par la kulture parce que notre pensée l’est par le langage. Elle est la théorie de la pensée et du comportement sauvages, de la pensée et du comportement libres. Elle est la théorie de la théorie.
Préliminaire 1 : Nature, Culture, culture et kulture.
Partons de l’axiome qui prétend que " tout ce que produit la nature fait partie de la nature ". La nature produit l’homme. Il fait donc partie de la nature. Ainsi ce que produit l’homme est produit par la nature et en fait partie, notamment la culture et les artifices. Les oppositions nature-culture et naturel-artificiel ont perdu leur sens. Finalement, il n’est rien qui ne fasse parti de la nature, rien qui s’y oppose.
Comme, dans ce texte, nous opposerons des concepts de culture, kulture et Culture à un concept de nature, il est bon d’aborder ce que recouvrent, ici, le concept de nature, et ceux de culture, kulture et Culture.
Dans ce texte, la nature sera le " monde sensible ", l’ensemble de ce qui est perceptible par au moins l’un de nos cinq sens, même les automobiles et les buildings.
La " kulture ", elle, sera le guide — en allemand on dit führer — de notre interprétation de cette " nature ", le guide de notre façon de la concevoir, de s’y comporter. La " kulture " ne sera pas notre savoir, mais son orientation, son mode d’emploi et de fabrication, nos préjugés, nos mœurs.
La " culture " sera notre savoir, quand il sera sans préjugés, quand il acceptera avec plaisir d’être remis en cause. La " culture " sera notre conception de la nature quand aucune kulture ne s’en sera mêlée.
La " Culture " sera notre savoir, quand il sera prisonnier des préjugés imposés par la kulture, quand il refusera autant qu’il peut d’être remis en cause, et qu’il ne finira par l’accepter qu’avec un déplaisir évident. La " Culture " sera notre conception de la nature quand cette conception aura été impulsée par une kulture.
Au fur et à mesure que nous avancerons, nous comprendrons que la kulture est produite par l’esclavage aux concepts. Elle est l’ensemble des ordres que nous recevons, sans nous en apercevoir, d’un maître qui n’existe pas. Nous obéissons sans nous en apercevoir. Notre maître n’existe pas puisque les ordres auxquels nous faisons allusion sont produits par notre esclavage aux concepts, concepts qui, n’ayant pas d’existence propre, n’ayant pas d’existence en dehors du cerveau qui les construit, ne peuvent désirer devenir nos maîtres.
Préliminaire 2 : concept, koncept et Concept.
Le concept d’une chose sera sa définition dans la culture. C’est le concept quand on n’en est pas esclave.
Le Concept d’une chose sera sa définition dans la Culture. C’est ce que devient le concept quand on en est esclave.
Le koncept d’une chose sera la fraction de kulture qui s’y rapporte. C’est l’ensemble des préjugés sur la chose. C’est le Concept auquel on enlève tout ce qui appartient au concept. C’est ce qui fait que le concept devient Concept.
Etre esclave du concept ou du Concept revient au même, puisque l’esclavage au concept transforme ce dernier en Concept.
Le concept restera Concept tant qu’il n’aura pas été réinventé.
Remarque : histoire et Histoire.
On pourrait écrire " Tête " ou " tête ", selon qu’on fasse allusion au Concept de tête, ou à son concept. De même pour chaque autre mot. Mais dans ce texte, j’écrirai toujours la première lettre des mots en minuscule ; sauf quand la grammaire classique ou les deux préliminaires qui précèdent imposeront le contraire.
Notons toutefois que certains auteurs ne parlent pas d’histoire, mais d’Histoire…
Remarque importante :
Pour l’œil, deux de ces mots — culture et Culture, ou, concept et Concept — ne diffèrent que par la présence ou non d’une majuscule à leur début. Mais la différence de sens qui les sépare n’est pas une nuance. Elle est d’une importance extrême. C’est une opposition essentielle sur laquelle repose cet essai théorique. Ainsi, le lecteur doit faire l’effort de bien la comprendre, et la retenir, car il y est fait référence tout au long de ce livre. Parfois cette référence sera explicite, mais pour éviter d’ennuyeuses répétitions, elle sera le plus souvent implicite.
Ne vous affolez pas, au fur et à mesure de votre lecture, les différences entre concept et Concept, entre culture et Culture, seront de plus en plus faciles à saisir. Ces notions s’approfondiront et se préciseront tout au long de cet essai. Il ne sera pas interdit de se demander si, par moments, je n’aurais pas dû mettre un " c " au lieu d’un " C ", ou l’inverse, et si cela aurait beaucoup changé le sens de la phrase, si elle en aurait encore eu un.
PREUVES DE L’ESCLAVAGE AUX CONCEPTS
Je vais montrer par quelques exemples précis que l’être humain est esclave du concept:
1°) Les archétypes de Platon forment, d’après lui, la trame de l’univers. Il conçoit les archétypes comme des concepts existant en dehors du cerveau humain, existant en soi et régissant l’univers. Ils sont, toujours d’après lui, immuables, indépendants du temps. Ils sont censés être la vraie réalité, la réalité commune n’en étant que la manifestation, la perception abusée qu’en a l’être humain.
En réalité, c’est Platon qui invente les archétypes. Mais partant du préjugé que les concepts existent en dehors de lui, il pense seulement les percevoir.
Les platoniciens sont tombés dans le piège qui a trompé Platon. Ils étaient esclaves du concept. Ils étaient tout de même faussement conscients d’être esclaves de certains concepts, les archétypes, puisqu’ils croyaient vivre au sein d’un univers où les archétypes étaient tout puissants.
La fausse-conscience de l’esclavage au concept était elle-même esclave du concept : elle croyait à l’autonomie du concept en dehors du cerveau. Elle ne pouvait donc s’en libérer, elle ne pensait qu’à s’arranger le mieux possible de cet esclavage.
2°) La " preuve " ontologique de l’existence de Dieu nous dit: " Si Dieu n’existait pas, il ne serait pas parfait. Or Dieu est parfait, donc il existe. "
Saint-Anselme — je me permets de dire " saint-Anselme ", puisque cela signifie " le simple d’esprit Anselme " —, l’inventeur de cette fausse preuve, a le préjugé que Dieu existe. D’ailleurs en disant " Dieu est parfait ", il dit avant tout " Dieu est ", c’est à dire " Dieu existe ". Prétendre " Dieu est parfait, donc il existe " revient à dire " Dieu existe donc il existe ". En disant cela, saint-Anselme s’est vanté d’avoir fait une grande trouvaille. Enfin... " Heureux les simples d’esprit car ils verront Dieu ": Anselme fut sanctifié !
Saint-Anselme conçoit Dieu comme étant parfait — Mais, disais-je dans une version antérieure de cet essai, le concevoir autrement aurait-il un sens? Ce à quoi il me fut répondu que saint-Anselme fut le premier à concevoir Dieu comme étant parfait. Je serais curieux de savoir ce qu’en pensent d’autres lecteurs. —, c’est pour cela, nous avoue-t-il dans sa fausse preuve, qu’il ne peut imaginer l’inexistence de Dieu. Il nous avoue donc aussi son manque d’imagination. Mais surtout, il lui faut confondre, identifier, un éventuel dieu avec le concept de dieu pour penser dire " je conçois Dieu comme étant parfait " en prétendant " Dieu est parfait ". Confondant l’objet et son concept, saint-Anselme et ceux qui le suivent dans sa fausse preuve ontologique sont donc esclaves du concept.
Finalement la " Preuve ontologique " de l’existence de Dieu prétend que " puisque le concept de Dieu existe, c’est que Dieu lui-même existe ". Ce raisonnement part du préjugé que les concepts existent en dehors du cerveau. En l’occurrence, Dieu s’identifierait à son concept: " Si le concept de Dieu existe, c’est donc que Dieu existe. Et si les conceptions de Dieu par les hommes sont diverses, c’est qu’ils perçoivent mal le concept de Dieu, chacun le déformant à sa façon. "
Partant du principe que les concepts existent en dehors de lui, l’homme croit sentir dieu. En réalité c’est l’homme qui invente Dieu à son image. C’est pourquoi chaque croyant a une conception bien à lui de ce qu’est Dieu.
3°) Notre époque identifie l’expression " faire un enfant " à l’expression " concevoir un enfant ". Elle identifie donc le mot " faire " au mot " concevoir ". Elle identifie l’objet à son concept.
Pour notre époque, la plus belle des expressions ci-dessus est la deuxième, d’ailleurs, elle l’utilise surtout dans le langage écrit. Ce n’est donc pas le concept qui est identifié à l’objet, remplacé par l’objet, mais bien l’objet qui est identifié au concept, remplacé par le concept.
Notre époque est esclave du concept.
4°) Faire de la publicité pour une marchandise, c’est lui attacher un contenu interprétatif favorable, lui faire correspondre un concept attractif.
Dans les années soixante-dix, 30% du prix d’une marchandise quelconque était destiné à rembourser la publicité faite à cette marchandise. Vers la fin des années quatre-vingt, le coût de la publicité entrait déjà à plus de 50% dans le prix d’une marchandise. Cela montre que plus de 50% du travail sert à produire ou à payer la publicité, la création des concepts destinés à nous faire désirer des marchandises; que le consommateur achetant une marchandise achète plus un concept - du vent? - qu’un objet; que vendre et arnaquer sont devenus synonymes.
Les publicitaires sont au service des créateurs de marchandises. Ils participent à la fabrication de celles-ci. Et ils y participent de plus en plus: la mesure étant le prix, ils y participent déjà à plus de 50%. Pour parler de leur travail, ils utilisent les mots : " créer un concept ". Ils savent donc que créer une marchandise, c’est avant tout créer un concept dont l’objet à vendre ne sera que le support.
La plupart des gens croient que la publicité ne les influence en rien. Ce n’est pas un signe qu’ils sont libérés de l’esclavage au concept, mais bien au contraire cela prouve qu’ils n’ont pas encore conscience d’être esclaves du concept.
L’augmentation constante de l’utilisation abusive du pouvoir de la publicité, du pouvoir des concepts, montre que la classe dominante prend de plus en plus conscience du phénomène d’esclavage au concept et de son importance ; montre qu’elle s’en sert de plus en plus consciemment comme de l’instrument de domination idéal. Par conséquent, cette augmentation constante de l’utilisation abusive du pouvoir de la publicité dénonce tous ces phénomènes à la population, qui finira par se rendre compte de son esclavage au concept, et qui, alors, créera ou s’appropriera la théorie du concept afin de se libérer.
Remarque :
Tout en vérifiant que l’homme est esclave du concept, nous avons aperçu en quoi consiste cet esclavage : prendre le concept pour l’objet qu’il essaie de représenter, voire croire, consciemment ou non, que le concept existe en soi, en dehors du cerveau, et qu’il est la réalité suprême.
Autre remarque :
Tout au long de l’énoncé de ces preuves, et dans la précédente remarque, j’ai toujours mis un " c " et non un " C " à concept. Certaines fois parce que cela n’empêchait pas de comprendre le sens profond des phrases, et d’autres fois parce qu’il s’agissait de la pensée de gens qui n’avaient aucune idée de cette différence, et que, pour exprimer eux-mêmes leurs idées, ils n’auraient jamais songé à mettre un " C " péjoratif. Pourtant, comme ils étaient esclaves du concept, ils n’avaient pas de concepts, seulement des Concepts.
Cela ne doit pas empêcher de se rendre compte que prendre le concept pour l’objet, ou croire qu’il existe en soi, c’est instantanément le transformer en Concept — dont on est esclave, donc —. Pour exprimer ces cas précis, il peut être inutile de mettre une majuscule.
PREUVE DE L'ESCLAVAGE A LA STRUCTURE DU LANGAGE
C’est le Concept que nous en avons qui produit la structure du langage. Etant esclave du concept, l'homme est forcément esclave de la structure de son langage.
Nietzsche nous montre que l’être humain est effectivement esclave de la structure du langage en démontant le " je pense donc je suis " de Descartes:
En disant cela, Descartes a prétendu déduire le " suis " depuis le " pense ", déduire l'existence de l'individu depuis l'existence de la pensée. En réalité, c'est seulement du "je" imposé par la structure du langage français qu'on peut déduire le " suis ", déduire l'existence de l'individu. En effet, l'hypothèse "je pense" se décompose en deux mots : "je" et "pense". Du mot "pense" on ne peut déduire que l'existence d'une pensée. Mais du mot "je" on déduit l'existence d'un je, d'un individu qui est, et qui pour l'exprimer dirait: "je suis".
Descartes aurait-il pu faire sa " déduction " en espagnol ou en italien?
Dans le brouillon de ce texte je me contentais de remarquer que non. Des amis m'ont dit que cette remarque était fausse parce que le français, l'espagnol et l'italien sont toutes les trois des langues latines; ou parce que Descartes ayant écrit en latin "cogito ergo sum", il a pensé en latin et aurait donc pu le penser en espagnol ou en italien. Il est vrai que jusqu'à Descartes tous les "philosophes" français écrivaient et pensaient en latin. Cependant, Descartes est considéré comme le premier philosophe à avoir écrit en français. Cependant, le "discours de la méthode", de Descartes, est le premier ouvrage " philosophique " écrit en français. Et c'est bien en français, dans le "discours de la méthode", que Descartes écrivit pour la première fois son "je pense donc je suis"; ce n'est que plus tard dans sa " première méditation ", écrite en latin, que Descartes écrivit: "cogito ergo sum". Il faut noter que c'est dans le premier ouvrage philosophique écrit en français, pas en latin ou en espagnol, qu'on rencontre pour la première fois le "je pense donc je suis"; cela n'est-il qu’une coïncidence?
Le français impose l'existence du sujet dès qu'il y a action; en l’occurrence de penser. La structure du langage français impose un sujet à la première personne du présent de l'indicatif du verbe "penser". On peut dire qu'en latin, en espagnol ou en italien, il existe aussi un sujet qui est exprimé par une modification des dernières lettres du verbe. Bien sûr. Mais justement, il faut remarquer d'une part qu’en conjuguant les verbes, le français écrit sépare le sujet de l'action, ce qui n'est pas le cas du latin, de l’espagnol ou de l'italien(2) ; et d'autre part que le français place le sujet avant l'action. J'insiste, contrairement aux autres langues latines, le français ne tolère aucune confusion entre l'action et le sujet, et il trouve le sujet plus important que l'action. Il est donc sûr que comparativement aux autres langues latines, le français est une langue qui pousse à l'individualisme.
Nietzsche n'a pensé à aucun moment prétendre à l'inexistence de Descartes. Il a seulement prouvé que ce dernier pouvait se tromper dans ses raisonnements à cause de la structure du langage qu'il utilise.
Ce n’est pas Descartes qui a pensé en français, mais le français qui a pensé en Descartes.
PREUVES DE NOTRE ESCLAVAGE AU LANGAGE
L'être humain étant esclave des concepts et de la structure du langage, il est donc esclave du langage. Je vais toutefois le montrer par quelques exemples:
1°) Quand Mao décida de censurer définitivement les anciens livres écrits avec quelques quatre vingt mille idéogrammes, il lui suffit de prétendre simplifier le langage à huit cents idéogrammes. Depuis, dans les écoles, les chinois n'ont droit qu'à ces huit cents idéogrammes. Ils ont perdu toute la subtilité du langage chinois et ne comprennent plus rien aux vieux livres. Bien sûr c'est uniquement avec les huit cents idéogrammes autorisés par Mao que sont écrits les ordres reçus par les chinois(3).
Celui qui contrôle le langage contrôle la pensée(4). C'est pourquoi il est intéressant d'étudier les apparitions ou disparitions de mots, ou bien l'évolution de leur définition à travers les diverses éditions des dictionnaires.
En français, par exemple, de nouveaux mots sont apparus dans le but d'en remplacer quelques anciens : les mots " vieillesse, sourd, aveugle, balayeuse, usine, patron, arabe ", sont respectivement remplacés par les mots " troisième-âge, non-entendant, non-voyant, technicienne de surface, entreprise, créateur d'emplois, maghrébin ". Les "choses" désignées restent les mêmes, cependant le contenu interprétatif qui leur est attaché par les mots chargés de les désigner a changé en même temps que ceux-ci : les mots " troisième-âge, non-entendant, non-voyant et technicienne de surface " sont plus doux, cachent plus la réalité du malheur des gens, que les mots " vieillesse, sourd, aveugle, balayeuse " ; les mots " entreprise " et " créateur d'emplois " sont à préjugés favorables, contrairement aux mots " usine " et " patron " ; quant à remplacer le mot " arabe " par le mot " maghrébin ", c'est accepter que le mot " arabe " soit devenu une injure, comme " bohémien, zoulou, apache ou canaque ".
Il y a une trentaine d'années, l'apparition dans le Larousse des mots " créativité " et " situationniste " a montré une semi-victoire de la contestation en reconnaissant l'existence de ces concepts pour tenter d'en changer le sens. C'est quelques années avant, que, pour tenter de brouiller le discours situationniste qui utilisait largement le mot "consommer", le Larousse remplaça la vieille définition facilement utilisable — détruire par l'usage — par une définition moins claire et moins facile à utiliser — Faire usage de quelque chose pour sa subsistance (Larousse de 68) —.
Le pouvoir actuel utilisant, comme le fit Néron à son époque et dans les mêmes buts répressifs, le terrorisme d'état et l'urbanisme, cette technique de maîtrise du champ de bataille social ; il est intéressant de regarder l'évolution de l'article "Néron" dans diverses éditions du Larousse.
Le petit Larousse de 1966 nous dit: "empereur romain, fils de Domitius Ahenobarbus et d'Agrippine, né à Antium (37 - 68). Adopté par l'empereur Claude, il lui succéda et régna de 54 à 68, d'abord avec douceur suivant les conseils de son maître, le philosophe Sénèque. Mais, bientôt, il fit mourir Britannicus, Agrippine, sa mère, Octavie, sa femme, persécuta les chrétiens et se déshonora par ses cruautés. Il fut accusé d'avoir incendié Rome, afin de construire la somptueuse résidence de la Maison d'or. Une révolte militaire obligea au suicide celui qui se croyait un grand artiste."
En 1966, la maison Larousse ne soupçonne donc pas Néron de ne pas être coupable de terrorisme d'état. Tandis que la grande encyclopédie Larousse de 1980 prétend: "..., la rumeur publique accuse l'empereur d'avoir mis le feu à la cité. L'hypothèse est peu vraisemblable,...". Et dans une édition encore plus récente du petit Larousse on oublie carrément de dire que Néron fut accusé de l'incendie qui brûla les vieux quartiers de Rome, ceux où habitaient les chrétiens. Néron accusa les chrétiens d'avoir incendié les quartiers qu'ils habitaient et qui étaient psychogéographiquement favorables à la communication et à la lutte contre l'esclavage — "Tous égaux devant Dieu" disaient les chrétiens — afin d'avoir une excuse pour les "persécuter". Puis, à la place des vieux quartiers qu'il avait lui-même fait brûler, Néron fit construire des quartiers rénovés, peu favorables à la communication et à la lutte, ainsi que le symbole de sa victoire momentanée sur les chrétiens: la somptueuse résidence de la Maison d'or.
Depuis 1966, les temps ont changé, les thèses sur Néron de la maison Larousse aussi. Cela prouve bien que le pouvoir actuel prend des leçons à l'école de Néron, puisqu'il cherche à empêcher le prolétariat d'en faire autant. Ce n'est en effet pas en lisant les derniers articles sur Néron publiés par la maison Larousse que les esclaves actuels pourront soupçonner le pouvoir actuel de lutter contre eux en essayant de s'y prendre comme ce célèbre empereur — terrorisme commis par un état qui en accuse, entre autres, ses ennemis ; destruction et rénovation des quartiers où l’ambiance est trop propice à la communication et donc à la lutte des classes —. C'est une révolte militaire qui obligea Néron au suicide, mais aujourd'hui c'est au prolétariat d'obliger le pouvoir à disparaître.
Bien d'autres études du genre de celles dont on vient de donner des exemples devront être accomplies.
2°) Je ne sais si elles l’avaient vu avant, mais il est sûr qu’au moins dès le début des années 70, les féministes savaient que le langage est important. Je ne suis pas sûr qu’elles savaient à quel point elles avaient raison.
Elles avaient noté que les mots croyant désigner certaines professions ne possédaient pas de féminin. Elles se sont battues aussi sur ce thème et ont relativement gagné ce combat. A tel point que les féminins de ces mots sont souvent passés dans le langage courant. Et le fait même que j’ai du mal à trouver des exemples sûrs de féminins qu’elles ont créés, et fait passer dans le langage courant, prouve cette victoire. J’ai en effet du mal, aujourd’hui, à être sûr que tel féminin a bien été créé par elles, n’existait pas avant elles. Je crois que le mot " doctoresse " est un de ceux-là. En tout cas, admettons le pour le raisonnement. Tant que le mot " docteur " n’existe qu’au masculin, dans le Concept même de docteur est inclus le fait qu’un vrai docteur ne peut être que de sexe masculin.
Les féministes avaient noté qu’une règle de grammaire dit : " Au pluriel, c’est le masculin qui l’emporte. "
Elles avaient noté, aussi, que les mots " homme " et " mari " ont le même féminin : " femme ". Ce qui signifie que le Concept de femme contient le fait d’être mariée, que pour le langage, une femme n’existe vraiment qu’à travers son mari, comme dans une célèbre chanson : " Comme les rois mages, en Galilée, suivaient des yeux l’étoile du berger, où tu iras j’irai, fidèle comme une ombre… ". Pour le langage, une femme n’est que l’ombre d’un mari. L’existence des mots " époux " et " épouse " n’atténue qu’à peine cette remarque, puisqu’ils ne sont pas très employés dans le langage courant.
Je ne sais pas s’il est important de remarquer que le mot " féminin " est un masculin.
Les féministes avaient bien montré que le langage français pousse à la phallocratie.
3°) Brassens, dans une de ses chansons, pensait qu’il est bien dommage que le mot " con " serve d’injure, alors qu’il désigne pourtant le sexe de la femme.
On peut dire aussi que l’utilisation, comme injure, des mots " couillon ", " PD " ou " guouine " est nuisible.
Le langage courant est antisexe primaire.
Le langage courant pousse à l’ostracisme antihomosexuel.
4°) Pour décrire la sensation visuelle, on a le relief, la couleur, etc. Mais pour décrire la sensation orgasmique, de quoi dispose-t-on ? Le langage français n'autorise pas la description d'un orgasme(5). Les mots n'existent pas. On a ou n'a pas d'orgasme. A la rigueur on peut préciser dans quelle mesure il est bien ou fort. C'est tout. Le langage français impose à celui qui le parle de se désintéresser de ses orgasmes, puisqu'il lui interdit d'en communiquer les diversités, les diverses qualités ou défauts; puisqu'il lui interdit d'y réfléchir. C'est une bonne méthode de castration. Est-elle sans douleur? En tout cas elle a l’avantage, pour le pouvoir, de castrer tout un peuple sans qu'il s'en rende compte. Elle a aussi l'avantage de conserver la reproduction de la force de travail et de la chair à canon.
Il devient urgent de parler de nos orgasmes, d'inventer les mots pour ça. Sans en tomber esclave, bien sûr. Il nous faudra avoir, et le plus tôt possible, autant de mots servant à décrire un orgasme qu'on en a pour décrire une personne, ou Dieu.
Il devient urgent de répertorier les sujets de conversation censurés par le langage et d'inventer les mots permettant d'en parler. Sans tomber esclave de ces nouveaux mots signifiant de nouveaux concepts. Par exemple, cet essai théorique tente d’étudier le concept. Pour cela, il a dû inventer un nouveau vocabulaire et la grammaire qui va avec.
LANGUE ET CULTURE
Benjamin Lee Whorf consacra des années à l'étude de la langue des indiens hopis. Il en comprit une partie des difficultés lorsqu'il commença à saisir que dans le langage des hopis il n'y a pas de mot "temps", que dans leur monde (dans leur Culture) le temps et l'espace ne sont pas séparés.
Il est notoire que plus on comprend une Culture et plus on en comprend la langue. Que plus on parle une langue étrangère et plus on est esclave de la Culture qui lui correspond — sauf quand on profite consciemment des connaissances de plusieurs Cultures et des langues qui leur correspondent pour effectuer des comparaisons entre elles afin de se libérer le plus possible de ses prisons Culturelles, la connaissance de plusieurs langues entraîne un état schizophrénique où le moi passe d'une prison Culturelle à une autre au fur et à mesure qu'on change de mode de pensée afin de changer de langue: il est très connu qu'au moment où l'on parle une langue étrangère il faut penser dans cette langue. Le plus souvent, l'individu parlant plusieurs langues finit par avoir un comportement et des expressions corporelles qui sont un combiné de certain(e)s de ceux (celles) qui correspondent aux Cultures des langues qu'il parle —. Avez-vous remarqué qu'avec un peu d’entraînement on peut discerner, rien qu'en les regardant, un professeur d'anglais d'un professeur d'allemand ou d'italien?
Décidément oui, le langage et la Culture sont dialectiquement liés(6). Autant que l'infrastructure et la superstructure de Marx. Là, c'est le langage qui sert d'infrastructure et la Culture de superstructure.
Le problème c'est que c'est nous qui sommes structurés par ces "machins". Ils nous dominent depuis longtemps. Il est urgent de détruire leur pouvoir, le pouvoir. C'est en ça que consiste la révolution.
LA NATURE EST RELATION
La nature est constituée des relations entre ses parties, et de ses parties (les objets qui sont dans la nature). Chacune de celles-ci est constituée des relations entre ses parties, et de ses parties (les objets qui la constituent). On peut facilement imaginer devoir aller ainsi jusqu’à l’infini. On peut même le faire en une seule phrase où chaque fois que serait rencontré le mot " parties ", il serait remplacé par l’expression " relations entre ses parties et de ses parties ". Evidemment, dans l’expression de remplacement elle-même il faudrait remplacer le mot " parties ". Et continuer ainsi jusqu’à l’infini. Cela donnerait une phrase du style : " la nature est constituée de relations, elles-mêmes constituées de relations, elles-mêmes constituées de relations, etc. jusqu’à l’infini. " Le mot objet n’est à aucun endroit de la phrase infinie décrivant la nature. La nature n’est pas constituée d’objets, mais de relations.
On peut avoir envie de dire que la nature est constituée d’objets et de relations entre eux, mais on peut dire plus profondément qu’elle est constituée de relations entre objets, et plus profondément encore qu’elle est constituée de relations.
La phrase " Gilou chante une chanson. " est composée de deux noms (" Gilou " et " chanson ") et d’un verbe (" chanter "). Les deux noms indiquent chacun un " objet " et le verbe nous dit quelle relation les relie. Le langage discerne entre le nom et le verbe, c’est pourquoi l’esclavage au langage nous fait discerner entre les objets et leurs relations.
La Culture décompose la nature en objets bien séparés les uns des autres. Et quand elle aperçoit des relations entre " objets ", elle le signale. Quand les Cultures disparaîtront pour laisser la place à la culture, il n’y aura plus d’objets, seulement des relations. Autant commencer tout de suite :
Cet essai utilisera le mot " relation " pour parler d’un objet ou d’une relation entre objets. Par exemple, je n’écrirai pas " les objets de la nature ", mais " les relations de la nature " ; je n’écrirai pas non plus " les relations entre objets ", mais " les relations " ; au lieu de " les relations entre objets de la nature ", vous rencontrerez " les relations de la nature ". Cependant, quand le contexte sera non pas culturel, mais Culturel, j’utiliserai parfois le mot " objet ".
Le maitre et l’esclave
L’esclave trouve son maître beau. Il en remarque les traits caractéristiques et les trouve splendides. Il imite le maître dans tous ces traits en les accentuant le plus possible.
L’esclave est une caricature du maître.
L’esclave crée une statue de son maître, qu’il pourra conserver et admirer jusqu’à la fin des temps.
L’esclave du concept transforme le concept en Concept et la culture en Culture.
Le Concept est la caricature statufiée du concept.
La Culture est la caricature statufiée de la culture.
FIXITE DU CONCEPT
Un côté essentiel au concept est sa fixité: dans un même texte, le mot "godoglub" doit toujours désigner rigoureusement la même chose. Sinon, on n'y comprend rien. Qui peut comprendre la phrase " j'aime pas le godoglub, je préfère le godoglub "? Sinon celui qui sait que, pour moi, la première occurrence de "godoglub" désigne le chaud et la seconde le froid. Mais qui peut le deviner ? Dans un même texte, le mot "godoglub" n'a donc pas le droit de se déplacer d'un sens à l'autre, il est sédentaire.
Le concept doit être momentanément fixe.
Le Concept veut rester définitivement fixe.
Notre imitation du Concept, et plus particulièrement de sa fixité, nous interdit de changer. Danger.
Le Concept nie l’histoire.
conjecture
Peut-on déduire de la fixité du concept que c'est au néolithique, époque de sédentarisation de l'homme, que celui-ci commença à être plus dominé par le Concept que par la nature ?
Avez-vous remarqué que pour parler vraiment, les promeneurs ralentissent leur marche, et parfois jusqu'à s’arrêter ? La révolution du néolithique a-t-elle été produite par le désir de communiquer, de se parler ?
Le désir de communication, essence de l'être humain, existait forcément bien avant le néolithique. Mais à l’époque du nomadisme, les concepts devaient être plus ou moins nomades, le langage ne devait encore permettre qu’une communication imprécise et peu profonde. La nature nous dominait, alors, plus que lui. L'amélioration progressive de la qualité du langage, impulsée par le désir de communication, consista probablement à mieux fixer les Concepts, à les inventer vraiment. Dès qu'il permit une communication profonde, le langage nous domina plus que la nature, il s'imposa comme moyen privilégié de communication. C'est peut-être pour cela que l'homme, ce grand singe, en esclave, imita son maître le Concept: il se sédentarisa.
Nous admettrons cette conjecture pour toute la suite de l’ouvrage. Elle ne servira pas souvent et sera surtout utile pour fixer une date. Ne pas l’admettre ne changerait rien d’essentiel.
L’avant-néolithique est la préhistoire du concept. Son histoire commence au néolithique.
Le néolithique est l’invention du concept. Mais il est déjà Concept.
origine de la culture
C’est mon étude de la logique qui m’a fait remarquer tout d’abord que le concept doit être momentanément fixe, alors que dans la nature tout bouge. Qui m’a, à partir de là, permis de voir qu’en fait, un langage ne parle que d’un autre langage. Le premier langage étant les mots, et le deuxième les concepts qu’ils signifient(7). C’est-à-dire qu’un univers dont peut parler un langage est forcément constitué de matériaux fixes.
L’être humain a inventé le langage pour parler de la nature. Cependant, la fixité nécessaire de ce dont parlent les mots interdit au langage de pouvoir parler d’une nature où tout bouge, tout change sans arrêt. Il a donc fallu inventer la culture — ce deuxième langage constitué de concepts, cette fausse nature — pour que le premier langage puisse servir à quelque chose, puisse parler de quelques choses.
Chaque fois que l’être humain inventa un nouveau mot dans le but illusoire de désigner une relation de la nature, il dut inventer le nouveau concept effectivement signifié par ce mot.
C’est en structurant son langage, en inventant et perfectionnant la grammaire, que l’être humain structura la culture, créa des possibilités de relations entre les concepts. Celles-ci n’étant rien d’autre que des concepts correspondant à une infime partie des relations de la nature.
Ce processus d’invention de la langue et de la culture fut très long. Mais sa caractéristique la plus profonde est que l’être humain ne voulut pas inventer le langage pour parler de la culture: il voulait parler de la nature. C’est pourquoi l’invention et la mise au point de la culture se produisent inconsciemment : le concept se cache derrière le mot et la culture derrière le langage pour que l’être humain puisse croire qu’il parle de la nature alors qu’il parle de la culture. Ainsi la culture devient Culture au fur et à mesure de sa production. L’utilisation du langage pour parler, ou penser, sépare l’être humain de la nature et le transporte dans la Culture, sans qu’il s’en rende compte.
En réalité, comme le disait Nietzsche: " l’individu n’est pas, il devient ". Cependant, quand l’individu se désigne comme un " être humain ", il fait un lapsus révélateur. Il révèle que, sans en avoir conscience, il se prend pour un Concept — fixe — placé dans la Culture: l’individu ne vit plus dans la nature; il est dans la Culture, Concept parmi les Concepts. Si la mort choque l’individu, c’est parce qu’ayant cessé de vivre pour être, il ne peut mourir. Ce choc, comme bien d’autres, le ramène vers la nature.
La Culture, c’est l’inversion de la vie.
Tout en expliquant l’origine de la Culture, ce chapitre montre en quoi consiste l’esclavage au langage, montre que c’est l’esclavage à notre langage qui produit notre Culture. Supprimons cet esclavage, sans pour autant supprimer le langage, et la prison Culturelle s’écroulera d’elle-même. C’est nécessaire car nous ne vivons malheureusement pas dans la nature mais nous sommes dans la Culture. Nature et Culture se livrent un combat sans merci; chacune voulant nous attirer dans son monde. Mais dans ce combat entre nature et Culture, comme dans le combat entre les Cultures, ce sont les hommes qui crèvent.
Détruisons toutes les kultures.
Essence de l’esclavage au concept : le Concept remplace la relation.
L’esclavage au concept ne consiste plus essentiellement à croire que les concepts existent en eux-mêmes, en dehors du cerveau humain. Car l'occident, le dominant, n'y croit plus(8).
Quand je regarde une table, que vois-je? Une table. Eh bien non! En réalité je vois la table, c'est-à-dire le Concept de table. La table appelle le Concept de table. Puis celui-ci, dominant, remplace celle-là. C'est lui que je vois à la place de la table. Ou si vous préférez, la table, je la vois, mais elle n'est pas nue: elle est habillée par le Concept de table — Est-ce pour ressembler au Concept, notre maître, que nous éprouvons le besoin d'être habillés, de vêtements ou de rôles? —. Autrement dit: je regarde l'univers à travers des lunettes de soleil déformantes. Ces lunettes sont la Culture. Ou encore: la table est une page blanche, ma Culture vient peindre sur celle-ci le Concept de table. Ainsi, au lieu de voir la table, je ne vois que son Concept. C’est pourquoi je prends le Concept pour la relation. C'est pourquoi au lieu de vivre dans la nature je suis dans la Culture. Ainsi, le très vieux poème zen "L'arbre n'est plus un arbre, c'est pourquoi il est vraiment un arbre" peut se comprendre, c'est-à-dire, pour moi, se traduire dans mon langage personnel: "L'arbre n'est plus caché par le Concept d’arbre. C’est pourquoi je vois vraiment l'arbre".
Quand il remplace la relation, le concept devient Concept.
Le concept sait qu’il n’est pas la relation.
Le Concept se prend pour la relation.
La culture représente les relations par des concepts, mais la Culture remplace les relations par des Concepts.
Le Concept cache la relation.
La culture (est séparation).
Un concept de relation, est une grossière photographie instantanée d’une infime partie de la nature. Infime partie qui est alors artificiellement séparée du reste de la nature, abstraite de son contexte et de la plupart de ses relations avec lui. Et dès qu’il s’agit du Concept, sur la photographie apparaissent en surimpression quelques préjugés moraux, ou esthétiques, ou relatifs au mode d’emploi, ou autres.
Même s’ils ont des points communs, les concepts sont nécessairement séparés les uns des autres; car conceptualiser c’est diviser: un chapeau n’est pas une chaussure. Chaque concept est séparé de la nature par la grossièreté et l’instantanéité de la photographie, par la séparation entre l’infime partie photographiée et le reste de la nature. Et par le fait qu’il n’est qu’un concept. De plus, chaque Concept est séparé de la nature par la surimpression des préjugés et surtout parce qu’il se prend pour la relation.
La culture est le monde des concepts, le monde de l’abstraction, de la séparation. La Culture cherche à Concevoir les relations comme des objets séparés. La Culture produit l’isolement de l’individu, la division des tâches, la spécialisation du savoir; et toutes les frontières: entre les pays, entre la ville et la campagne, entre le travail et les loisirs, entre vie privée et vie publique, entre la théorie et la pratique, etc.
Fixite de la culture
La Culture se caractérise par la domination du concept, qui par là devient Concept.
La culture, c’est l’ensemble des concepts.
La culture est momentanément fixe, par nécessité.
La Culture se veut définitivement fixe.
Le Concept est un flic.
Le Concept se veut fixe. Inconsciemment, afin de conserver la correspondance entre la relation et son Concept, l’homme est amené à ralentir ou à supprimer, à contrôler l’évolution de la relation que le Concept remplace.
Le Concept contrôle la relation.
Le Concept se cache derrière le mot comme le flic derrière l’arbre.
La Culture, c’est le pouvoir.
C’est inconsciemment que l’humanité construit la culture. Elle ne peut donc savoir ce qu’est la culture.
Afin de croire que le langage parle de la nature, l’humanité refuse de savoir qu’il parle de la culture, qui par là devient Culture; l’humanité refuse de savoir que la Culture remplace la nature. Dire qu’un Concept remplace une relation revient à dire qu’il est le Concept de cette relation. La Culture est le Concept de nature. La culture est le concept de nature. Mais l’humanité ne veut pas le savoir. Ainsi le concept de nature devient Concept, la culture devient Culture.
La Culture est le Concept qui se cache derrière le mot " nature ": le mot " nature " croit désigner la nature mais signifie la Culture: le concept de nature, c’est la culture.
La Culture contrôle la nature.
La Culture est le flic de la nature.
La Culture fiche la nature.
((L’individu qui n’est pas esclave du concept peut inventer de nouveaux concepts, mais ne cherche pas à tout conceptualiser, sinon, d’ailleurs, il Conceptualiserait. Etant libre, il est pour la liberté contre la Conceptualisation.))
Pour contrôler la nature, la Culture fiche toute relation rencontrée: elle décide d’un mot qui sera le nom de la relation, et qui sera le titre, la clef, le numéro matricule servant à classer la fiche, et à la retrouver. Elle la remplit en construisant le Concept de la relation, en notant les caractéristiques qu’elle reconnaît, ou veut reconnaître, à la relation.
Le concept est une fiche.
Pour contrôler toute la nature, la Culture cherche à compléter son fichier: elle cherche sans arrêt à rencontrer de nouvelles relations pour les ficher.
La Culture déchiffre ses fiches pour défricher la nature.
Coupure et généralisation du concept.
La Culture veut contrôler chaque relation de la nature. Elle veut aussi la contrôler dans ses parties. C’est pourquoi chaque Concept se coupe en deux. Par exemple, le Concept de corps se coupe en deux: le Concept de chef – de tête – et le Concept de corps – de reste du corps —. Puis, le Concept de reste du corps se coupe lui-même en deux : le Concept de sexe et le Concept de reste du corps. Etc.…
On pourrait dire que chaque Concept se coupe en plusieurs Concepts: le Concept de corps se coupe en Concepts de chef, de sexe, de bras, de jambe, de tronc. Mais pour couper un concept, il faut commencer à le couper quelque part, à l’endroit qui nous semble le plus important : le Concept se coupe en deux.
Quand un premier Concept se coupe, il donne naissance à deux autres Concepts que nous appellerons ses Coupures ( on mettrait une minuscule au c de coupure si elle n’était pas un Concept, mais un concept ). Nous appellerons sous-Coupure une Coupure d’une Coupure… d’une Coupure. Le Concept initial et ses deux Coupures sont trois Concepts séparés les uns des autres. Chacun est à côté des deux autres. Malgré cela, nous dirons quand même que chaque Coupure est contenue dans le Concept. Par exemple : le chef est contenu dans le corps.
L’homme invente le Concept de chef pour ficher la partie du corps qui commande le reste du corps. Pour lui, la caractéristique fondamentale du chef est le commandement. Aussi en vient-il à utiliser le mot " chef " et le Concept de chef pour contrôler aussi tout ce qui concerne le commandement. C’est ainsi que: le Concept se généralise.
La coupure du Concept amène sa généralisation.
Quand le Concept de chef s’est généralisé, il faut inventer un nouveau mot dans le but de désigner ce que le mot " chef " croyait désigner au départ. C’est ainsi que le Concept généralisé de chef est amené à se couper en deux : le Concept de tête et le Concept concernant les autres chefs(9).
La généralisation du Concept amène sa coupure.
Coupure et généralisation du Concept s’amènent l’une l’autre.
Nom propre et nom commun
Chacun des premiers mots prononcés par l’enfant, " maman " et " papa ", désigne un objet unique. Quand l’enfance de l’humanité invente les premiers mots, et donc, inconsciemment, les premiers Concepts, il est probable que chaque mot soit censé désigner un objet unique, que chaque mot soit un nom propre.
Mais comme le Concept n’est qu’une grossière photographie de cet objet, unique au départ, il peut correspondre à plusieurs objets se ressemblant suffisamment. L’homme est amené à s’apercevoir que plusieurs objets semblables peuvent correspondre au même mot. Il y voit un avantage: un mot unique peut être utilisé dans le but de désigner plusieurs objets ayant des caractères communs. C’est probablement ainsi que l’homme a inventé le nom commun.
Le Concept qui se cache derrière le nom propre contrôle un unique objet, celui qui se cache derrière le nom commun en contrôle plusieurs.
HIERARCHIE CONCEPTUELLE
Le concept de germe est contenu dans le concept de pomme, lui-même contenu dans le concept de fruit, lui-même contenu dans le concept d’arbre, lui-même contenu dans le concept de forêt, lui-même contenu dans le concept de nature, c’est-à-dire dans la culture.
Il existe donc une hiérarchie conceptuelle. Nous dirons qu’un concept contenu dans un autre concept est un concept inférieur à un concept supérieur. Le sommet de la hiérarchie est occupé par la culture.
Comme le Concept a tendance à se couper en deux, le bas de la hiérarchie Conceptuelle a tendance à s’étendre.
Un concept peut avoir plusieurs supérieurs directs. Par exemple, le concept de fruit, qui est contenu dans le concept d’arbre, est aussi contenu dans le concept de nourriture.
LE CONCEPT EST UN FICHIER
Un concept contient tous les concepts qui lui sont inférieurs. Chaque concept est une fiche. Chaque fiche contient les fiches qui lui sont inférieures. Chaque fiche est un fichier. Chaque concept est un fichier. La culture est un concept. La culture est un fichier.
LE CONCEPT EST UN POINT DE VUE CULTUREL
Parler de fruit n’est pas seulement dire sa composition, c’est aussi dire qu’il est nourriture et qu’il est partie de l’arbre.
Pour être complet, le fichier doit avoir tous les supérieurs hiérarchique du concept, et donc aussi tous leurs subordonnés. Le fichier du concept est donc l’ensemble du fichier culturel vu depuis le concept.
Fiche principale
Un concept est un fichier. Tous les concepts sont des fichiers. Ces fichiers sont tous identiques. Ce qui change, d’un concept à l’autre, c’est la fiche à partir de laquelle il regarde le reste du fichier, celle qui est son point de vue ( culturel ), celle qui indique les caractéristiques globales de la relation qu’il représente et qui indique aussi les noms de ses supérieurs directs et de ses inférieurs directs, celle qu’il considère comme sa fiche principale; et que nous appellerons sa fiche.
Pour un Concept, rester fixe signifie ne pas changer sa fiche principale.
Pour dire qu’un Concept n’y parvient pas, nous dirons qu’il change, ou que sa Fiche change, ou qu’il ( ou elle ) subit une révolution.
Le concept élémentaire
La vie de l’homme, en tant qu’individu comme en tant qu’humanité, n’a pas une durée infinie. A un instant donné, l’homme n’a donc pas eu le temps d’inventer un nombre infini de concepts. Le nombre de concepts de chaque branche de la hiérarchie conceptuelle n’est donc pas infini. Elle s’arrête donc forcément vers le bas comme vers le haut. Nous avons vu que le concept au sommet est la culture. Le concept tout à fait en bas est forcément non coupé, sinon il aurait deux inférieurs et ne serait pas tout à fait en bas. Nous dirons que c’est un concept élémentaire.
Révolution du concept élémentaire
Le concept élémentaire, comme tous les concepts, représente dans la culture une relation de la nature. Dans la nature, la relation évolue sans arrêt, elle a une histoire, elle est histoire(10). Mais, pour rester fixe, le Concept élémentaire essaie de bloquer cette histoire. S’il n’y parvient pas, et même s’il a réussi à la freiner, alors, et toujours pour rester fixe, il ferme les yeux afin de ne pas voir ce changement.
Cependant, au bout d’un moment, il est obligé de s’apercevoir que la relation a évolué, trop évolué pour qu’il puisse continuer à la remplacer. Alors, il essaie de la détruire pour la recréer à son image. Mais la relation lui résiste. Quand elle gagne, le Concept élémentaire est obligé de changer brusquement : la relation, l’histoire, a fait une révolution.
Quand le concept en réfère à son supérieur (11)
Ce n’est évidemment pas le Concept qui agit en homme; mais l’homme actuel qui cherche à ce que les Concepts restent définitivement fixes. Il le fait parce qu’il est esclave du concept. C’est l’esclave qui imite le maître, et non l’inverse. Puisque l’homme imite le Concept, il ne faut pas s’étonner que le comportement du Concept ressemble à celui de l’homme actuel. Les paragraphes suivants de ce chapitre ne font pas d’anthropomorphisme.
Les choses ne se passent comme dans le chapitre "Révolution du Concept élémentaire" que si ce dernier ne fait pas de rapport à son supérieur hiérarchique; et ce, quelle qu’en soit la raison: il a oublié, ou il est trop tard, ou il a peur d’avouer qu’il ne parvient pas seul à remplir sa mission.
Mais supposons, pour ce chapitre, que tous les Concepts fassent leurs rapports, et à temps.
Si un Concept ne parvient pas à bloquer ou à freiner suffisamment son histoire ¾ l’histoire de la relation de la nature qu’il remplace dans la Culture ¾ , il prévient son supérieur. Celui-ci se dit qu’il pourra peut-être rester fixe en fermant les yeux sur un changement de sa Coupure. Il regarde s’il pourra rester fixe quel que soit le changement de sa Coupure; ou bien si celle-ci pourra contrôler, détourner l’évolution de sa relation de façon à ce que son changement ne le force pas, lui, le supérieur, à changer; ou bien s’il devra changer quel que soit le changement de sa Coupure.
Dans le premier cas, il laisse sa Coupure se débrouiller toute seule. Dans le deuxième cas, il lui donne l’ordre de contrôler, détourner l’évolution de sa relation, il lui indique dans quelle direction, et il lui dit comment le faire. Dans le dernier cas, ou si sa Coupure ne parvient pas à respecter les ordres du deuxième cas, il essaie de bloquer ou de freiner sa propre histoire, qui, bien sûr, contient l’histoire de sa Coupure. S’il n’y parvient pas, il en réfère à son supérieur direct; etc.… . Et s’il le faut, ce sera la Culture qui essaiera de bloquer ou de freiner l’histoire, totale, de la nature. Si celle-ci n’y parvient pas, dans un premier temps, pour rester fixe, elle fermera les yeux sur l’évolution de la nature; et ses inférieurs en feront autant.
Quand un premier Concept est obligé d’ouvrir les yeux et de s’apercevoir qu’il ne peut plus rester fixe sans détruire sa relation pour la recréer à son image, et s’il n’y parvient pas, le message remonte la hiérarchie jusqu’à ce qu’un Concept arrive à remplir sa mission. Et si aucun n’y parvient, alors, sur cette branche de la hiérarchie, tous les Concepts changent. Dans ce cas, c’est une révolution Culturelle ¾ la Culture ayant changé ¾ qu’a réussi la relation d’un Concept élémentaire, avec la solidarité de toute la nature.
Révolution du concept
Nous venons de voir comment un Concept non-élémentaire peut être indirectement révolutionné à partir de la révolution d’une de ses sous-Coupures élémentaires.
L’évolution globale d’une relation commence toujours par une évolution partielle. Une révolution de sous-Coupure élémentaire précède forcément la révolution du Concept.
La révolution d’un Concept non-élémentaire est toujours indirecte: elle suit toujours le schéma indiqué au chapitre précédent.
La révolution du Concept suit la voie hiérarchique.
Evolution du concept
A un instant donné tous les fichiers sont identiques. Quand un Concept change, sa fiche, celle qu’il considère comme principale, change dans tous les fichiers ; ils évoluent tous. Cependant, quand un autre Concept ne doit pas pour autant changer sa fiche principale, il considère qu’il est resté fixe alors que pourtant il a évolué. Il en va de même pour la Culture.
Complétons la hierarchie
De même que la révolution de la Coupure peut provoquer la révolution du Concept, l’évolution de la relation peut provoquer la révolution du Concept élémentaire.
De même que le Concept essaie de contrôler la révolution de sa Coupure, le Concept élémentaire essaie de contrôler l’évolution de sa relation.
Cela fait deux raisons pour considérer, momentanément, que les relations remplacées par des Concepts élémentaires sont la base d’une hiérarchie dont les autres membres sont les concepts, et que j’appellerai la hiérarchie.
Dans la hiérarchie, au-dessous d’un concept non élémentaire, il y a ses deux coupures, et au-dessous d’un concept élémentaire, il y a la relation qu’il représente, et qu’il essaie de suivre dans son évolution afin de la représenter le mieux possible.
Extension du fichier
La nature est relation. L’évolution d’une relation, même non fichée, fait évoluer toutes les autres ; elle peut donc, par l’intermédiaire d’une relation contrôlée, provoquer une révolution Conceptuelle. C’est pourquoi le Fichier cherche à s’étendre ; cherche des relations non encore contrôlées, et les fiche. Pour la même raison, il cherche d’abord à ficher les relations qui ont le plus tendance à faire évoluer celles de la hiérarchie. La suite de ce chapitre est difficile à suivre, mais elle n’est pas essentielle : ne faisant qu’expliciter ce paragraphe dans le détail, on peut la sauter sans inconvénient (sauf peut-être si on cherche à améliorer la théorie). C’est pourquoi je l’ai mise en annexe. Je vous conseille de ne la regarder qu’après avoir lu tout le reste de ce livre.
Hierarchie
Comme on vient de le voir, la nature non fichée peut provoquer indirectement des révolutions Conceptuelles ; à travers la nature fichée. Et la Culture, à cause de cela, cherche à la " découvrir " pour la ficher, cherche en fait à la couvrir de Concepts pour la contrôler.
C’est pourquoi je rajoute la nature non fichée dans la Hiérarchie, et au-dessous de la nature fichée.
Maintenant, la Hiérarchie est complète.
Hiérarchie et hiérarchie
J’utiliserai le mot " Hiérarchie " pour désigner la Hiérarchie Conceptuelle, et " hiérarchie " pour " hiérarchie conceptuelle ". Entre Hiérarchie et hiérarchie, il y a plus de différence qu’entre Concept et concept. En effet : le concept et le Concept correspondent au même " objet " exactement, tandis que la Hiérarchie contient la nature non fichée alors que la hiérarchie ne la contient pas.
L’Homme(12) étant esclave du Concept, il est esclave aussi de la Hiérarchie. Imitant son maître, les relations qu’il entretient avec les autres sont forcément Hiérarchisées.
Conscient et inconscient
Le Concept remplace la relation.
Le Concept se veut fixe.
Pour savoir par quoi remplacer la relation, le Concept est
obligé de voir sa révolution.
Pour se croire fixe, le Concept est obligé de ne pas voir son évolution(13).
Cette différence d'attitude crée chez le Concept
une séparation entre conscient et inconscient.
La révolution du Concept est consciente.
L’évolution du Concept est inconsciente.
La révolution du Concept est le changement de sa fiche
principale.
L’évolution du Concept est le changement d’une ou plusieurs de ses autres
fiches.
Pour en voir le changement, le Concept est obligé de
voir sa fiche principale.
Pour ne pas en voir le changement, le Concept est obligé de ne pas voir
ses autres fiches.
Le conscient du Concept est sa fiche principale.
L’inconscient du Concept est le reste du fichier.
L’Homme ne voit du Concept que sa fiche principale. Il ne voit donc pas que pour savoir ce qu’est une chaise, il faut savoir aussi ce qu’est un trou noir ( la fiche " trou noir " est dans chaque fichier ).
Remarque :
Non seulement le concept a conscience de son évolution, mais il la recherche afin de se perfectionner, ou tout simplement pour suivre l'évolution de la nature.
Dans la Hiérarchie, les ordres descendent.
Dans la hiérarchie, les ordres montent.
Revolution et evolution
Quand l’évolution est empêchée (par le pouvoir), elle lutte pour se produire quand même. Il y a combat, violence, tentative de révolution.
La notion de révolution contient la notion de combat, de violence. C’est pourquoi l’on parle de violence révolutionnaire. C’est pour interdire la révolution que le pouvoir veut interdire la violence à ses ennemis, quitte à se l’interdire à lui-même s’il le faut et quand il peut !
Quand l’évolution est empêchée, elle prend du retard. Elle en prend d’autant plus qu’elle est empêchée longtemps. Quand une révolution lui permet enfin de se réaliser par l’usage de la violence, elle rattrape d’un seul coup tout le retard accumulé. C’est pourquoi l’on confond souvent révolution et évolution brusque. Cependant, l’essence de la révolution n’est pas dans la rapidité du changement, mais dans le combat contre ce qui empêche l’évolution.
Revolution
Le Concept se voulant fixe, l’évolution est interdite par l’esclavage au concept. Le changement ne peut se produire que par le biais de révolutions. L’abolition de cet esclavage permettra le changement par l’évolution.
Faire la révolution, c’est faire la dernière révolution, celle qui nous permettra enfin de changer sans révolution, en évoluant (sans combat et sans violence, donc).
Une révolution, c’est une révolution Culturelle, un changement de Culture.
La révolution, c’est l’abolition de la Culture, la suppression de l’esclavage au concept.
Avec cet essai théorique, la culture et les concepts commencent à s’inventer.
La nature unie vaincra !
Chassez la nature, elle revient au galop.
Depuis le néolithique, l’histoire de l’homme est celle de la lutte entre nature et Culture. La culture, pour être, a besoin de l’homme ; tandis que la nature n’en a pas besoin. La nature est donc plus forte que la Culture : elle vaincra ; et au besoin, elle fera disparaître l’homme pour faire disparaître la Culture
Ou plutôt : la Culture perdra, et au besoin nous perdra.
Il faut trahir à temps !
Saint-Just : " Faire une révolution à moitié, c’est se creuser un tombeau ". il est lui-même tombé dans le piège qu’il avait dénoncé.
Au néolithique, l’homme a fait une révolution : il a inventé le concept. Mais il ne sait pas s’en servir : c’est le Concept qui se sert de lui . C’est la contre-révolution du néolithique. L’invention du concept est une moitié de la révolution : l’homme a creusé son tombeau. S’il ne veut pas y être enterré, il lui faut faire la deuxième moitié de la révolution : il lui faut apprendre à se servir du concept.
Après le 10 août 1792, Saint-Just dit à l’assemblée : " il nous faut tuer le roi nous même, ou sinon le peuple nous tuera afin de pouvoir le tuer lui-même ".
Si nous ne tuons pas la Culture nous-mêmes, la nature nous tuera pour la tuer.
Depuis que l’homme s’est mis au service du Concept, de la Culture, depuis le néolithique, donc, il se bat contre la nature. Le résultat en est, non seulement la domination de l’individu sur l’individu et l’exploitation de l’individu par l’individu, qui ne sont que le résultat de notre imitation du maître ; mais la destruction progressive, aujourd’hui de plus en plus accélérée, du milieu naturel qui permet la vie de l’homme ; et donc la promesse d’une disparition très prochaine de l’homme.
La Culture nous a trahi, trahissons-là !
Le rôle
Pierre a un Concept de lui-même. Etant esclave du concept, il est esclave, notamment, du Concept qu’il a de lui-même. Il se voit à travers ce Concept. Il s’y conforme en permanence. Pierre a cessé de vivre pour être un Concept. Le Concept se voulant fixe, il interdit à Pierre de changer, d’évoluer ; de vivre ! C’est pourquoi Pierre a peur de vieillir et de mourir ; de vivre ! Le Concept que Pierre a de lui-même est son rôle.
En fait, Pierre a plusieurs Concepts de lui-même : un en tant que Pierre, un en tant que Pierre en relation avec untel, un en tant que Pierre en relation avec tel objet, etc.…, d’où ses fréquents changements de rôles, sa conscience schizophrénique.
Pierre est un Concept(14). Il a donc un conscient et un inconscient. C’est sa schizophrénie principale. Il évolue inconsciemment, et, rarement, il fait une révolution intérieure, en changeant le (les) Concept(s) qu’il a de lui-même.
Remarque sur Descartes
Il n’a pas dit : " je coupe du bois donc je suis ". Il a préféré : " je pense donc je suis ". Le choix inconsciemment (ou consciemment ?) fait par Descartes révèle ¾ comme un lapsus ¾ que le Concept qu’il avait de lui-même était celui du penseur.
Orgueil
Le Concept se veut fixe. Pour refuser de changer, il refuse aussi d’avoir tort : il est fier.
Plus Pierre est esclave du Concept qu’il a de lui-même, et plus il est ce Concept, et plus il est fier. Plus il est esclave et plus il est fier : on dit qu’il a une forte personnalité. Et je rajouterais : tellement forte qu’elle l’emprisonne.
La fierté ¾ et aussi l’orgueil, la dignité (la dignité d’être humain est la dignité d’être un Concept), l’amour-propre, etc. ¾ n’est rien d’autre que l’expression, dans la conscience, de la démission de l’individu face à son esclavage au concept qu’il a de lui-même : " Je suis Pierre et j’en suis fier, parce que de toute façon je serai Pierre quand même ".
Puissance de l’esclavage au concept
La différence entre le concept de chaise et le concept de fauteuil, c’est le concept de confort (en faveur du fauteuil, bien entendu). Pourtant, il peut arriver qu’une certaine chaise soit plus confortable qu’un certain fauteuil. Mais celui qui est trop esclave du concept ne s’en apercevra jamais, même en les essayant.
C’est quelque chose de très banal, que le sel de cuisine. Mais vous avez sans doute remarqué à quel point est merveilleux le chlorure de sodium. Ce dernier est quasi magique, alchimique. Pourtant, il n’est que la formule chimique du sel de cuisine. " Sel de cuisine " et " chlorure de sodium " sont censés désigner la même relation. C’est parce que ces expressions attachent des Concepts différents à la même relation qu’on la ressent différemment en utilisant l’un ou l’autre de ces Concepts. De la même façon, parler de buildings ou de gratte-ciel ne fait pas ressentir la même chose — le premier fait industriel et le deuxième poétique —, pourtant on parle de la même chose.
Je faisais la grasse matinée chez des amis. Ils vinrent me réveiller pour le repas de midi. C’était très bon et très copieux. L’un d’eux dit qu’il était très agréable, … ce petit déjeuner ! Ce que je ressentais changea d’un seul coup. Je vis que la situation où je me trouvais pouvait être Conceptualisée comme un petit déjeuner à l’anglaise.
Un autre jour, en été, dans mon auto, encore avec des amis, je revenais d’un lieu où l’on venait d’écouter des chants grégoriens. Il faisait très beau et très chaud. Le soleil resplendissait. Pas un seul nuage n’obscurcissait le bleu du ciel. Bref, un splendide été. Mon discours intérieur en était là quand l’un de mes amis fit remarquer qu’il faisait très beau, … cet hiver ! Soudain tout mon environnement se transforma. Je remarquai brusquement que les arbres n’avaient pas de feuilles, que si j’avais chaud c’était parce que le chauffage de l’auto était allumé. Ce jour là, je suis passé en une fraction de seconde d’été en hiver.
Vous avez certainement déjà vécu des chocs émotionnels semblables à ceux que je viens de décrire, où votre façon de ressentir une situation — ou un objet — a brusquement énormément changé alors que la situation elle-même n’avait que très peu évolué. L’explication de ce genre de phénomène est très simple : le Concept à travers lequel vous ressentiez la situation a changé d’un seul coup pour une raison quelconque n’ayant presque rien changé à la situation elle-même.
Et bien sachez pourtant que passer du Concept cachant la relation à la relation elle-même, provoque, dans la façon de ressentir, un changement bien plus grand que le passage d’un Concept à l’autre (cachant le même " objet ").
Preuve de la possibilité de supprimer l’esclavage au concept
Mais est-il possible de faire en sorte que l’arbre soit vraiment l’arbre? Une ancienne pratique zen menant au satori, état dans lequel tout mouvement du cerveau s'est éteint, prouve que oui. D'ailleurs, cette ancienne pratique était réservée à quelques initiés japonais: les maîtres ; maîtres du zen, maîtres du Japon(15).
En quoi consiste cette pratique? On s'installe confortablement, isolé du bruit, les yeux fermés. On regarde défiler ses pensées. On regarde surtout ce qu'il y a entre deux pensées qui défilent. On s'aperçoit que ça ralentit le défilé des pensées. Mais à ça, on n'y fait pas attention. Cependant, les pensées défilent si lentement qu'on les voit naître, grandir et mourir. C'est amusant, mais ce n'est pas à ça qu'il faut faire attention. On fait attention à ce qu'il y a entre la mort d'une pensée et la naissance de la suivante. Le défilé ralentit de plus en plus. A tel point qu'on finit par discerner un espace entre la mort d'une pensée et la naissance de la suivante. On ne regarde que l’intérieur de cet espace. Mais une pensée apparaît bientôt, évolue et meurt. On la laisse passer sans y faire aucunement attention. Tellement que les pensées s’arrêtent. On vit dans cet espace aussi longtemps qu'on y prête vraiment attention.
D’après les zenistes, cet espace est la "pensée originelle" ou le "satori". I1 faut s’entraîner pour y parvenir, mais ça marche. Plus tard ça marche même en se promenant. Alors on ne se promène plus dans la Culture, mais dans le satori, qui est une région particulière de la nature: "l’arbre n'est plus un Arbre, c'est pourquoi il est vraiment l’arbre". Tout mouvement du cerveau étant arrêté, les Concepts ne peuvent plus remplacer les relations. C'est fantastique à vivre. Quand cet état est parfait, on ne s'en aperçoit pas mais le temps a disparu. Par contre dès qu'on revient un peu à la réalité, pardon à la Culture — en fait, dans l'état actuel des choses, il suffit que réapparaissent les mouvements du cerveau pour retourner à la Culture. Mon but est de faire en sorte qu’on puisse rester dans la nature même quand i1 y a certains mouvements dans notre cerveau, même quand il y a des mots, des concepts, des pensées qui y apparaissent, même en dehors du satori, donc. Je veux pouvoir vivre dans la nature en conservant l'usage du langage —, on s'aperçoit que le temps s'était arrêté à un instant devenu durée infinie. On avait saisi l'instant. Puis, "saisir l'instant" devient en soit une technique pour revenir au satori. Une fois saisi l'instant, une fois toute pensée évacuée, une fois la Culture évacuée, le temps disparaît avec elle. Cela fait du bien. A force de quitter la Culture pour se promener dans le satori, donc dans une région particulière de la nature, même composée de buildings ou de gratte-ciel, on ne revient jamais à la " réalité " en étant autant esclave de la Culture qu’auparavant. I1 faut remarquer qu'en état de satori, si quelqu'un parle, on entend seulement une musique. Si on veut comprendre il faut redescendre quelque temps "sur terre". C'est normal... cerveau arrêté. Non, on ne se fait pas pour autant écraser par les voitures.
rémarque sur la mystique
Pour que la théorie du concept ne soit pas seulement une philosophie inapplicable, pour qu’elle soit une théorie révolutionnaire praticable, il faut qu’existe la possiblité de se libérer de l’esclavage au concept.
Pour le moment, cette théorie possède une seule preuve de la possiblité de se libérer de cet esclavage. Cette preuve repose sur le satori.
L’inconvénient de cette preuve est que certains lecteurs pourraient croire que la théorie du concept est mystique. La meilleure façon de montrer le contraire, c’est encore de détruire la mystique, et, de préférence, mieux que ne l’ont fait les théories révolutionnaires précédentes.
C’est ce qu’entre autres choses les chapitres suivants essaient de faire jusqu’au titre " suppression et réalisation de la mystique ".
La sensation
Des rayons lumineux sont émis depuis ce papier. Certains parviennent jusqu’à ma rétine. Celle-ci est constituée de cellules visuelles qui, en recevant de la lumière, réagissent en envoyant un signal au cerveau. A partir de toutes les informations que mon cerveau reçoit depuis la rétine, il forme une image mentale visuelle de la réalité qui m’entoure. L’image mentale visuelle est une sensation visuelle
Ensuite, mon inconscient va décomposer cette image mentale et remplacer chacun des éléments par un Concept.
La sensation est l’image mentale produite par la rencontre de la réalité et de nos sens.
La réalité est inaccessible
Je crois voir ce papier alors que je ne fais qu’interpréter la sensation produite par la rencontre de certains des photons — particules de lumière — qu’il émet et de certaines de mes cellules visuelles. Ce n’est pas le papier que je vois, mais la sensation visuelle qu’il me procure.
Ce que nous venons de dire pour la vue reste essentiellement valable pour les autres sens.
Nous ne percevons pas la réalité, mais la sensation.
La réalité est définitivement inaccessible. Du moins, elle n’est pas directement accessible.
Ce n’est pas la relation que le Concept remplace, que le Concept nous cache, mais la sensation de la relation.
Erreurs d’interprétation
J’ai déjà grossièrement décrit, dans le chapitre intitulé " preuve de la possibilité de supprimer l’esclavage aux concepts ", une méthode permettant de se rapprocher, puis d’arriver au satori.
Jusqu’à présent, certains des individus ayant vécu cette expérience ont cru être touchés par la grâce divine, les autres ont cru être devenus Dieu, l’absolu, le vide. Parmi les premiers, quelques-uns fondèrent des religions et les autres interprétèrent leur expérience à l’intérieur de religions préexistantes. Parmi les seconds, certains créèrent des mystiques — des philosophies interprétant leur expérience et des techniques permettant de la vivre ou de la revivre —, les autres se référèrent à des mystiques ayant déjà cours.
Il ne me semble pas nécessaire de parler plus en détail des religions. Le lecteur en sait probablement assez sur elles. Je vais par contre tenter d’expliquer un peu les philosophies mystiques ; ou plutôt leur part commune.
La mystique
La mystique part du principe que si la réalité est inaccessible, c’est parce qu’elle n’existe pas. Elle prétend que la réalité n’est qu’une illusion constituée de l’ensemble de nos sensations, qui à son tour est illusoire, imaginaire, en quelque sorte. Elle prétend que l’extinction de l’illusion est possible puisque ces sensations elles-mêmes n’existent pas, sont une illusion. Ainsi, pour atteindre le satori, le nirvana, l’absolu, le vide, la vérité, il suffirait d’éteindre nos sens, comme pendant le sommeil, et d’éteindre les mouvements de notre cerveau, tout en conservant la conscience. Alors, le voile illusoire, trompeur, de nos sensations se déchire et, derrière lui, apparaît, paraît-il, la vérité absolue, la béatitude ; la vraie réalité : le vide.
La mystique prétend que le vide, l’absence de réalité, c’est-à-dire la réalité — ce que la mystique prend pour la réalité — est accessible. Elle prétend que la sensation cache la réalité.
Pouvoirs magiques
Partant du principe que la réalité de tous les jours est purement imaginaire, la mystique prétend que l’on peut avoir des pouvoirs magiques, que pour les obtenir il suffit d’imaginer qu’on les a. Aussi, la mystique nous dit qu’à condition de s’approcher suffisamment près du satori, c’est-à-dire, pour elle, de vivre suffisamment la réalité comme étant imaginaire, l’on acquiert des pouvoirs magiques. Et que plus on s’approche du nirvana, et plus nos pouvoirs sont puissants, jusqu’à avoir le pouvoir absolu quand on est en pleine béatitude : le pouvoir de ne pas avoir besoin de se servir de ses pouvoirs. Sourire.
Télépathie
Il suffit d’imaginer avoir les expressions de visage et les expressions corporelles de l’individu à côté de nous pour que notre état d’esprit se rapproche du sien. Et plus cette imagination est forte et précise, et plus notre état d’esprit correspond au sien. Ainsi, en " se mettant à la place de l’autre ", on devine son état d’esprit.
Si de plus on connaît suffisamment la personne en question, on peut même parfois deviner exactement ce qu’elle pense ; et, certaines fois, jusqu’à énoncer avant elle le mot qu’elle cherche pour exprimer sa pensée.
Le phénomène que je viens de décrire est réel. Il peut passer pour de la télépathie au sens mystique, magique, du terme. Cependant, c’est par ironie que j’appellerai cela de la télépathie, car ce phénomène a une explication matérialiste assez simple que je vais donner.
Depuis notre petite enfance, notre subconscient engrange, sans que nous nous en rendions compte, des expressions de visage et des expressions corporelles. Souvent, elles correspondent à des conversations, des discours ou des comportements qui lui indiquent les états d’esprit qui les produisent. Notre subconscient les engrange aussi. Il établit des correspondances, fait des statistiques, des corrections. Finalement, quand on a suffisamment vécu, les corrélations statistiquement établies par notre subconscient entre un état d’esprit et une expression du visage, ou du corps, deviennent suffisamment fortes, et nombreuses, pour qu’imaginer avoir une certaine expression faciale ou corporelle amène en nous l’état d’esprit correspondant (le cerveau fonctionne par association). Comme ce mécanisme n’est pas conscient et fonctionne bien, certains peuvent croire avoir un pouvoir magique.
Subconscient et inconscient
Notre inconscient, c’est tout ce qui se passe dans notre cerveau sans que nous en ayons conscience. Le subconscient en est la partie accessible, non volontairement cachée par la Culture. Il affleure juste sous la conscience. Il existe seulement parce qu’il n’est pas possible d’être parfaitement conscient de trente six mille choses à la fois. Nos souvenirs sont engrangés dans notre subconscient. Un effort peut les faire émerger dans la conscience. Par exemple, le fonctionnement de la télépathie matérialiste m’a été accessible.
Précédemment, nous avons parlé de l’inconscient du Concept. Il s’agissait de la partie obligatoirement inconsciente du Concept. Qui est, contrairement au subconscient, séparée du conscient. Un simple effort ne suffit pas pour y avoir accès. Nous l’appellerons inconscient séparé. Au chapitre " Le rôle ", nous avons vu que l’Homme est un Concept. Il a donc un inconscient séparé. Il existe une autre façon de voir chez l’esclave la séparation entre conscient et inconscient :
Chez l’Homme, le mot croit désigner l’objet mais signifie le Concept. Il y a donc chez lui une séparation entre conscient et inconscient : dans son conscient l’esclave croit que le mot désigne l’objet mais dans son inconscient il signifie le Concept. Le chapitre " origine de la culture " peut donc se lire aussi comme " origine de la séparation entre conscient et inconscient ". Le malheur subi par l’être humain a tendance à approfondir cette séparation. D’ailleurs, si elle n’existait pas encore, il la créerait. Mais comme le malheur est directement ou indirectement produit ou accentué par l’esclavage au concept, on peut dire que ce dernier est l’origine essentielle de la séparation entre conscient et inconscient.
Bien sûr, chez l’esclave, sa Culture peut faire glisser certaines parties du subconscient vers l’inconscient séparé. Bien sûr, quand la Culture disparaîtra, le subconscient restera. D’ailleurs, il est fonctionnel, utile et non séparé du conscient. Par contre, l’origine de la séparation entre conscient et inconscient étant essentiellement dans l’esclavage aux concepts, l’inconscient séparé disparaîtra avec la Culture.
Sur la route du satori ou du paradis
La plupart du temps, la personne qui cherche le satori a lu des livres mystiques où il a cru apprendre que le chemin le conduira vers des pouvoirs magiques de plus en plus puissants, que ces pouvoirs magiques sont un piège, que si l’on s’y attache on ne va pas plus loin et qu’ainsi on n’atteindra jamais le nirvana. Cependant, c’est souvent dans le but d’atteindre ces pouvoirs qu’il prendra la route, de même que celui qui pratique une religion le fait pour que Dieu exauce ses prières.
S’il a la chance de tomber sur des livres qui lui indiquent un chemin efficace, ou si à force de chercher et d’expérimenter il trouve ce chemin, il va effectivement progresser vers le nirvana. Il sera heureux et croira en bloc à toutes les sornettes qu’on lui aura racontées ou qu’il aura lues dans les livres mystiques ou religieux. Evidemment, un jour où il aura réussi à regarder quelqu’un sans trop mettre de concepts entre lui et l’autre, il croira commencer à devenir télépathe. Ce qui le confirmera dans toutes ses croyances. Il risque de s’attacher à cette télépathie, de chercher à deviner ce sur quoi l’autre essaie de se concentrer exprès pour voir s’il devine. Bien sûr, il trouvera rarement, mais se débrouillera d’une façon ou d’une autre pour croire s’être rapproché de l’objet auquel l’autre pensait. Il oubliera toutes les fois où il s’est complètement trompé, pour ne se souvenir que de celles où, d’après lui, il ne s’est pas trop trompé. S’il continue comme ça, il n’ira jamais plus loin. Mais s’il se souvient que " les pouvoirs magiques sont un piège, qu’il ne faut pas s’y attacher ", alors il continuera le chemin, se rapprochera de plus en plus du nirvana. Mais comme il n’obtiendra plus jamais de pouvoirs magiques, il croira n’avoir pas beaucoup progressé, s’être trompé de chemin. Cependant, s’il se laisse guider par le bien-être de plus en plus profond que procure la voie au fur et à mesure qu’on avance, il progressera et finira par atteindre le bien-être total, le nirvana, le satori. Puis, après en être redescendu, il se dira peut-être que le monde n’avait pas disparu, qu’il n’a pratiquement aucun pouvoir magique, qu’il n’était pas au satori. Il se souviendra que les " grands maîtres " disaient : " Quand tu te demandes si tu es au satori, c’est que tu n’y es pas ". Il oubliera peut-être qu’il ne s’est posé cette question qu’après être un peu redescendu, ou que c’est précisément cette question qui l’a fait redescendre, et cherchera ailleurs. Puis, s’il y retourne tout de même plusieurs fois, alors, un jour, après être redescendu, il se dira que le bien-être était total, comme dans le satori, qu’il n’éprouvait pas le besoin d’avoir des pouvoirs magiques, comme dans le satori ; que, ne se posant alors aucune question, il ne se demandait notamment pas s’il y était ou non. Il comprendra alors que le satori, il connaît. Puis, réfléchissant un peu, il se dira que les pouvoirs magiques, c’est un bluff ayant pour but d’attirer les novices, auquel ne peut plus croire celui qui a trouvé. Il verra que, contrairement à ce que dit la mystique, dans le satori le monde ne disparaît pas, le vide n’est que le vide de la pensée. Il comprendra que la mystique n’est qu’un (beau ?) mensonge, mais que le satori, même s’il ne procure aucun pouvoir magique, est un bien incomparablement plus précieux que tous les pouvoirs magiques, que toutes les illusions mystiques ou religieuses.
Le mystique qui prétend atteindre le satori quand il veut, est un menteur : soit il ne l’a jamais atteint, soit il l’a atteint mais ne le sait pas, soit il fait semblant d’être mystique pour attirer les autres sur le chemin, etc.
La longue duree de vie de l’interpretation mystique
Il est probable aussi que le mystique se mente à lui-même. Comme nous l’avons vu, dès qu’il prend conscience qu’il a expérimenté le satori, le mystique devrait cesser de croire à l’interprétation mystique du satori. Il devrait changer son concept de satori. Malheureusement, avant la théorie que nous sommes en train d’étudier, le mystique était esclave du concept. Il n’avait pas de concepts, seulement des Concepts. Dès qu’il revenait du satori, s’il y pensait ou en parlait, c’était au travers de son Concept de satori. Concept qui, datant d’avant son expérience satorique, interprétait la chose de façon mystique. Comme le Concept se veut fixe, le mystique ne pouvait pas facilement changer son Concept de satori.
De plus, l’ambiance ne s’y prêtait pas. Parmi ceux qui recherchaient le nirvana, rares étaient ceux qui l’atteignaient. Le plus grand nombre de ceux qui en parlaient ne l’ayant jamais atteint, mais s’en étant seulement rapprochés, ne voyaient aucune raison d’échanger leur interprétation mystique du satori contre une autre. Ils en parlaient donc de façon mystique, et, prisonniers du concept, ils étaient convaincus d’avoir raison.
C’est ce qui explique pourquoi l’interprétation mystique du nirvana a survécu jusqu’à nos jours.
Quand ignorance et idealisme se rencontrent
L’ignorance du fonctionnement physiologique de l’être humain et de ses sens prend la sensation pour la réalité.
L’idéalisme voit plutôt des objets que des relations. Mais surtout, il prend l’objet pour une manifestation, un durcissement, une automatérialisation du Concept. Pour lui : " La vraie réalité, c’est le concept, qui existe en soi, en dehors du cerveau. " Il croit percevoir directement le Concept, et donc l’objet. Il croit accéder à la réalité par cette " perception directe " qu’il prend pour la vraie sensation. En se dirigeant vers le satori, il s’aperçoit que les Concepts sont produits, imaginés par l’homme. Il pense alors que la réalité est imaginaire, et que la sensation est une illusion qui nous voile cette vérité. A partir de maintenant, pour lui, la vraie réalité, c’est le néant, le vide.
L’ignorance prenant la sensation pour la réalité, et l’idéalisme sa " perception directe " du Concept pour la sensation, quand le Concept a tendance à s’effacer et cache moins la sensation que d’habitude, l’idéalisme ignare croit que le " voile de la sensation " se déchire et laisse un peu apparaître la réalité, le " vide "(16).
Quand ignorance et idéalisme se rencontrent pour expliquer le satori, l’illumination, ils se trompent d’interprétation : ils créent la mystique, la religion.
Mystique et religion
Pour la religion, c’est l’intervention divine qui procure l’illumination. Pour la mystique, l’accession au satori ne dépend que de l’individu. Le religieux fait ses prières. Le mystique s'exerce à un ensemble de pratiques, de techniques, qui lui permettent de trouver et de parcourir son chemin. Mais, à bien y réfléchir, la foi et la prière sont aussi des techniques ; d’ailleurs reconnues par la mystique.
Les religieux disent : " Avant la création de l’univers par Dieu, c’est le chaos, il n’y a rien ". Les mystiques expliquent cette création : " La réalité est imaginaire. Elle est le durcissement des concepts(17) produits par mon cerveau. C’est moi qui crée la réalité. Je suis Dieu. Chacun de nous est Dieu. Chacun de nous se croit un individu séparé des autres parce qu’il ne sait pas que chacun est Dieu vu à travers un concept différent. Dieu a joué à être un concept et s’est pris à son propre jeu. Il s’est pris pour un concept qui a fini par se durcir, s’automatérialiser. Il a la sensation d’être ce concept durci. Il doit maintenant se rendre compte qu’il est Dieu pour atteindre le satori. Finalement, c’est moi, Dieu, qui crée l’univers. Le vide devient Dieu créant l’univers. Dieu, au fond, n’existe qu’à partir du moment où il crée l’univers. Le vide se sépare en deux : Dieu et l’univers. Dieu imagine l’univers dans son ensemble, puis élément par élément. Tout élément de l’univers est Dieu s’imaginant être cet élément au point d’y croire (c’est ça, le durcissement). Le vide, Dieu, l’univers et l’élément existent simultanément. Le vide est représenté par zéro. Dieu, c’est un. Dieu et l’univers, c’est deux. Le vide, Dieu et l’univers, c’est trois. Le vide, Dieu, l’univers et l’élément, c’est quatre. Puis en comptant les éléments, on obtient les nombres. Quand l’individu prend conscience qu’il est Dieu, l’individu et Dieu ne font plus qu’un, qui redevient instantanément zéro, le satori, le néant ".
La religion n’est qu’une partie de la mystique. Mais comme en religion c’est l’intervention divine qui procure l’illumination, en plus de prier Dieu, on demande à ceux qui sont plus près de lui, plus près du satori, d’intervenir en notre faveur. C’est ainsi que la religion justifie une hiérarchie religieuse. Hiérarchie qui ne se gênera pas pour demander des biens matériels au bon peuple en échange de ses intercessions auprès de Dieu ; et qui profitera le plus possible de son pouvoir. Le mystique, qui indique gratuitement le chemin, mais qui dit ne pas pouvoir le parcourir à la place du " disciple ", est plus honnête que les membres d’une hiérarchie religieuse. Entre les deux, tous les intermédiaires, et donc toutes les croyances, sont possibles. Il peut y avoir plusieurs degrés de connaissances autorisées au disciple, qui les gravira à une vitesse dépendant de ses capacités financières et de ses capacités de compréhension ; compréhension du mystère, mais aussi et peut-être surtout, compréhension du but matériel de l’organisation et de la nécessité de ne pas le trahir : au peuple l’exotérisme religieux, et à l’élite l’ésotérisme mystique et financier ; entre les deux, tous les degrés sont possibles.
La mystique et le pouvoir sont les fondements secrets de la religion.
La théorie du concept est antimystique
La mystique prétend accéder à la réalité, prétend que la réalité n’est qu’une illusion, qu’habituellement, la sensation cache la réalité.
La théorie du concept sait que la réalité est inaccessible, que la réalité n’est pas une illusion, qu’habituellement, le Concept cache la sensation.
Suppression et réalisation de la mystique
Les situationnistes ont dit que les dadaïstes avaient échoué parce qu’ils avaient voulu supprimer l’art sans le réaliser ; que les surréalistes avaient échoué parce qu’ils avaient voulu réaliser l’art sans le supprimer ; que pour réussir, il faudrait supprimer l’art tout en le réalisant ; c’est-à-dire supprimer l’art en tant que spécialité réservée avant tout à des experts, et le réaliser au sens où chacun chercherait à réussir sa vie aussi bien qu’un artiste cherchait à réussir une œuvre d’art.
Les religions ont cherché à réaliser la mystique sans la supprimer. Elles ont échoué, elles s’effondrent partout(18). Les anciens révolutionnaires on cherché à supprimer la mystique sans la réaliser. Ils ont échoué et s’effondrent partout eux aussi. Il faut maintenant supprimer la mystique tout en la réalisant.
Supprimer la mystique signifie supprimer l’interprétation mystique et religieuse du satori, de l’illumination. Réaliser la mystique signifie reconnaître que le satori, l’expérience fondamentale qui guide le mystique, n’est pas un leurre, peut effectivement se réaliser ; et en tirer toutes les conséquences possibles.
En effet, dans le discours du mystique, du religieux, tout n’est pas faux ; l’expérience satorique est réelle, seule l’interprétation est fausse. Aussi, quand le révolutionnaire, gêné à juste titre par l’idéalisme et l’ignorance sous-jacents à la mystique et à la religion, nie tout en bloc, le mystique qui s’est déjà plus ou moins approché du satori, qui sait expérimentalement que ce dernier existe, rejette lui-même en bloc le discours qui lui est fait. C’est pourquoi la révolution a tué Dieu sans jamais réussir à l’enterrer.
La théorie du concept accepte l’expérience satorique, et y a recours. Elle en donne une interprétation matérialiste (la sensation n’est plus remplacée par les Concepts). Elle en tire des conclusions essentielles à la révolution (la preuve de la possibilité de supprimer l’esclavage aux concepts). Sa pratique est, en particulier, simultanément la suppression et la réalisation de la mystique. Conservant le satori tout en le démystifiant, la théorie du concept enterre Dieu.
IDEOLOGIE, THEORIE ET PRATIQUE
L’essence de l’idéologie est dans la séparation, notamment dans la coupure entre théorie et pratique, dans le refus de l’expérience pratique, dans le refus de se comparer à la réalité : l’idéologie est faite de préjugés.
Une idéologie se prend pour la Vérité. Elle est une partie de la vérité qui se prend pour toute la vérité. Elle croit aussi que la vérité est immuable, alors que, pourtant, tout change sans arrêt: l'idéologie nie l'histoire.
La théorie n'est que pour être pratiquée. Elle sait qu'elle n'est pas la vérité. Elle cherche cependant à s'en rapprocher. Elle sait que la réalité change sans arrêt. Elle désire s'en apercevoir et changer en même temps, la suivre dans ses mouvements. Elle recherche sa pratique pour se vérifier, pour voir en quoi elle se trompe, et se modifier en conséquence. L'orgueil n'admettant pas de se tromper, elle en rejette toutes les formes: l'humilité, la modestie — on joue à celui qui est le plus modeste? es-tu orgueilleux de ta modestie? —, le complexe d'infériorité, le complexe de supériorité, la fierté, l'orgueil et la dignité. D'ailleurs celui qui est digne est un dignitaire, parfois un haut dignitaire et pourquoi pas? un haut dignitaire d'Etat. La théorie recherche sa pratique. Elle se désire pratique. C'est tout.
La pratique recherche sa théorie afin de mieux se diriger vers un minimum de souffrance et vers un maximum de plaisir, à brève, moyenne et longue échéance. Le bon équilibre entre ces trois termes étant une question de stratégie dont s'occupera, en particulier, la théorie.
La théorie et la pratique sont les deux moments d'une dialectique, qui s’appelle praxis, et qui est dominée par la pratique.
Idéologisation
L’idéalisme croit que les concepts — les idées — existent en eux-mêmes, en dehors du cerveau(19). Il croit non pas les inventer par la réflexion, mais les percevoir par la contemplation. Il croit que les relations, la nature, ne sont qu’une manifestation de ces immuables, de ces éternels Concepts. Il ne pense donc même pas à vérifier ses idées par la pratique. Si par hasard il s’aperçoit que des relations contredisent ses idées, loin d’en conclure qu’il doit changer d’idées, il pensera seulement que ces relations sont des manifestations imparfaites des Idées, et ce sont ces manifestations qu’il croira condamnées à disparaître. Il ne peut donc produire que des idéologies.
La culture étant le monde du séparé, la Culture coupe la théorie de la pratique. Elle empêche la première de se vérifier par la seconde. Elle lui fait croire qu’elle peut naître et évoluer de façon autonome, par la réflexion pure. Mais c’est toujours l’idéologie qui se développe ainsi.
La Culture est un monde séparé(20). Elle est séparée de la nature, du seul lieu où la théorie peut se pratiquer, se vérifier. Au sein de la Culture, la réflexion est toujours idéologique.
Nous venons de voir que la Culture a deux techniques pour couper la théorie de la pratique : une méthode interne puisqu’elle sépare tout ce qui est séparable, et une méthode externe puisqu’elle est elle-même séparée de la nature. Elle a deux façons d’idéologiser. L’idéalisme n’est qu’un exemple de la deuxième, puisque la Culture y est séparée de la nature au point d’en être complètement indépendante, puisque d’après lui c’est la nature qui dépend, qui n’est, même, qu’une manifestation(21) de la Culture.
C’est l’esclavage au langage qui produit la Culture. Ce qui ne l’empêche pas d’idéologiser directement. Mais contrairement à la Culture, il attend qu’apparaisse une théorie pour la transformer en idéologie : il entraîne l’esclavage au texte théorique, il fixe le texte en un dogme, il tue la théorie, dont le cadavre est l’idéologie.
C’est l’esclavage au concept qui produit l’esclavage au langage. Mais lui aussi peut idéologiser directement.
Dans le chapitre " La culture (est séparation) ", nous avons vu que le Concept et le concept sont caractérisés par la séparation, et que le Concept l’est plus que le concept.
Le Concept se sert de l’Homme, qui en est esclave, et lui impose son puissant aspect séparé. Les murs sont infranchissables. De plus, le Concept se voulant fixe, il nie l’histoire. Nous savons aussi que le Concept remplace la relation.
L’homme utilise le concept. Il n’en est pas esclave. Il n’est pas esclave non plus de son aspect séparé. Les murs sont franchissables. Le concept cherche à voir l’histoire de sa relation pour la suivre dans son évolution. Le concept représente la relation.
Le Concept est une idéologie.
Le concept est une théorie.
La théorie du concept est le concept de concept.
Tout texte théorique s’écrit forcément avec des mots. Ils signifient, ils expriment, toujours des concepts. Le théoricien désire que son lecteur remplace chaque concept par la relation qui lui correspond. Seul l’individu qui n’est pas esclave du concept — qui ne confond pas la relation et son concept ; qui ne parle pas de Concepts (en croyant parler d’objets) avec des mots, mais de relations avec des concepts ; qui sait que ce qui exprime des Concepts avec des mots est idéologique, que même si le texte théorique s’écrit avec des mots la théorie doit exprimer des relations avec des concepts — seul un tel individu peut produire une théorie. Sinon, en reliant des petites idéologies, les Concepts, il ne peut créer qu’une grosse idéologie, que de la Culture.
Alors que le théoricien parle de relations avec des concepts, c’est avec des mots qu’avant sa libération la société entend un discours sur des Concepts, qu’elle prend d’ailleurs pour des objets. Ainsi, avant la compréhension sociale de la théorie du concept, toute théorie, même digne de ce nom, est condamnée à être perçue idéologiquement, condamnée à l’idéologisation.
L’idéologie crée la Culture en pensant décrire la nature.
La théorie montre la nature en la regardant.
Une anecdote
L’anecdote qui suit est tirée du livre de jean-marc lévy-leblond intitulé " L’esprit de sel " :
Tard dans la nuit, un passant voit un homme scruter fébrilement le trottoir sous un réverbère.
" Pardon , monsieur, vous semblez chercher quelque chose ?
— En effet, j’ai perdu ma clé et ne peux rentrer chez moi.
— Puis-je vous aider ?
— Avec plaisir, je vous remercie. "
Les deux hommes fouillent recoins et aspérités, sans résultat. Finalement, le passant :
" Mais êtes-vous bien certain d’avoir égaré votre clé ici ?
— Oh non, monsieur, pas du tout ! Je l’ai perdue dans un endroit complètement obscur où il n’y a aucun moyen de la trouver. Ici, au moins, on a de la lumière pour chercher. "
Quand on est prisonnier du rond de lumière produit par une théorie, c’est qu’elle est devenue idéologie. Même si on lui donne le nom de " théorie du concept ".
Il me serait possible de vouloir à tout prix réécrire cet opuscule à la lumière de mon concept de dialectique, en disant : " Le Concept est la contradiction entre le concept et le koncept. Pour le moment, le koncept domine. Mais en le combattant consciemment, volontairement, on pourrait etc. "
C’est seulement quand il fut presque terminé que je vis cette possibilité de " dialectiser " mon ouvrage. Comme ce ne fut pas le mouvement naturel de sa construction, le forcer à rentrer dans le cadre de mon concept de dialectique risquerait fort d’en réduire le sens. Mon concept de dialectique forcerait à regarder avant tout l’opposition dialectique concept-koncept, alors que l’important, c’est l’opposition Concept-concept, puisque le but est la transmutation du Concept en concept. Ainsi, j’ai décidé de ne pas être esclave de mon concept de dialectique, de laisser sa liberté à cet essai.
Matérialisation du concept
L’inventeur conçoit une machine, qui, utilisée selon un mode d’emploi prévu à l’avance, aura telle ou telle fonction. Puis il la fabrique.
Au départ, la machine n’est qu’un concept — ou un Concept si l’inventeur est prisonnier du concept —dans la tête de l’inventeur. En réalisant la machine, il matérialise le concept.
Une relation construite par l’homme est un concept matérialisé(22).
Le Concept se veut fixe. Il ne veut aucun changement. Il veut ne pas être né, ne jamais mourir. Il se veut éternel. L’homme naît et meurt. Le Concept se veut donc autonome, indépendant, et en dehors du cerveau humain . Le Concept se veut inhumain. Il est idéaliste.
L’esclave du concept est idéaliste ; même s’il n’en a pas conscience.
L’idéalisme croit que les " manifestations imparfaites " de ses idées sont condamnées à disparaître. Comme, évidemment, elles ne disparaissent pas d’elles mêmes, l’idéalisme, c’est à dire ceux qui sont idéalistes, détruit lui-même ces " manifestations " ; et il en construit qui correspondent mieux à ses idées, ou plutôt à ses idéologies.
L’idéalisme matérialise les idéologies.
L’idéalisme se matérialise.
Citons nino ferrer pour illustrer la dernière phrase : " La maison près de la fontaine a fait place à l’usine et au supermarché. Les arbres ont disparu mais ça sent l’hydrogène sulfuré, l’essence, la guerre, la société. C’est pas si mal, et c’est normal, c’est le progrès. "
Pour que, dans la Culture, l’existence d’un Concept ait un sens, il lui faut remplacer une relation de la nature. Aussi, quand cette relation n’existe pas, le Concept cherche à la créer à son image : Le Concept veut se matérialiser. Par exemple, si un crétin invente le principe de la bombe atomique, alors celle-ci finit par être construite. Et pour savoir si le Concept de bombe atomique a été matérialisé correctement, pour savoir si la bombe fonctionne, il faut bien l’essayer, cette bombe. Tant que nous serons esclaves du concept, les chercheurs scientifiques seront des dangers publics : tout ce qui est réalisable sera réalisé.
Le Concept se matérialise.
Le concept de concept n’est pas un Concept. Il ne se matérialisera pas de lui-même. C’est nous qui devrons le matérialiser. C’est-à-dire remplacer les Concepts par des concepts, la Culture par la culture.
Streap tease
On a vu ce qu’était la matérialisation du concept dans la nature. Il existe aussi une matérialisation du concept dans le langage.
Quand le désir de parler de certains sujets apparaît, la nécessité d’utiliser de nouveaux concepts peut apparaître aussi. Dans un premier temps, ils seront flous et mal séparés les uns des autres dans la conscience de celui qui est en train de les inventer parfois (souvent ? toujours ?) sans s’en rendre compte. Ces concepts se précisent ensuite et se séparent les uns des autres. Ils finissent par apparaître clairement dans la conscience de l’individu qui invente alors des mots qui leur correspondent, qui en sont la matérialisation dans le langage. A ce stade, l’inventeur de cette nouvelle fraction du langage peut enfin utiliser ces mots et ces concepts pour réfléchir et parler sur les thèmes qui ont motivé cette création. A partir de ce moment, les concepts se précisent encore plus et apparaît une fraction de grammaire permettant d’utiliser correctement les mots nouveaux. Parfois (souvent ? toujours ?) l’utilisation de ces nouveaux mots et de ces nouveaux concepts se révèle d’une puissance que l’on n’avait pas soupçonnée au moment de l’invention même de ces mots.
C ‘est ce qui s’est passé pour moi à propos des notions de concept et Concept, de culture et Culture. Il est à noter qu’une version antérieure de cet essai ne possédait pas ce vocabulaire nouveau et la grammaire qui va avec. Cette version n’a été comprise par presque personne. Je me suis demandé pourquoi. Ça m’a pris du temps, mais j’ai fini par me rendre compte qu’il y avait, dans cette ancienne version, un manque de cohérence : j’utilisais le mot " culture " tantôt dans un sens (culture) tantôt dans un autre (Culture). J’ai pris conscience que cela empêchait toute compréhension correcte de ce que je voulais dire. Et au départ, si j’ai inventé les concepts (et les mots) culture et Culture, concept et Concept, par coupure de mes ancien concepts de culture et de concept, c’était seulement pour enlever ce manque de cohérence. Je pensais qu’il suffirait de remplacer par moment un " c " par un " C " pour que mon ouvrage soit achevé. Mais, alors que j’effectuais ce travail, me relisant pour voir ce que ça donnait, je pris conscience que l’opposition Concept-concept était l’essence de la théorie du concept, que cette dernière devait être la pierre philosophale qui permettrait la transmutation du Concept en concept.
Ce qui, au départ, n’était qu’une " subtilité de langage " destinée seulement à rendre lisible une version antérieure de cet essai est devenue l’essence de la version, finalement entièrement repensée, que vous en avez.
L’Homme
Précédemment, nous avons vu que l’Homme est un Concept. Nous pouvons maintenant être un peu plus précis :
Dans son inconscient séparé, l’Homme est le Concept qu’il a de lui-même.
Dans la nature, l’Homme est la matérialisation du Concept qu’il a de lui-même.
" Dieu créa l’homme à son image ". L’Homme est la matérialisation du Concept de dieu : le Concept d’homme, c’est Dieu. L’Homme se prend pour Dieu.
Société et antisociété
Qui dit société, dit social. Qui dit social, dit relation sociale. Qui dit relation, dit évolution.
La société est relation et évolution.
L’antisociété est séparation et fixité.
Quand les Concepts se matérialisent, la Culture se matérialise. Comme la Culture est séparation et fixité, elle se matérialise en antisociété.
L’antisociété est la Culture matérialisée.
Il est naturel d’être révolutionaire
L’esclave prend l’antisociété pour une société ; et il se dit social. Il est antisocial et ne s’en rend pas compte.
Seul le révolutionnaire est social, et il le sait.
Ce n’est pas le révolté qui est antisocial, mais l’antisociété qui est inhumaine. Le révolté doit seulement acquérir la conscience pour devenir révolutionnaire.
L’esclave prend l’antisociété où il est, pour une société où il vit. L’antisociété est donc la matérialisation du Concept de société. Avec le résultat du dernier chapitre (l’antisociété est la matérialisation de la Culture), on en déduit que : le Concept de société, c’est la Culture(23).
Dans le chapitre " La Culture, c’est le pouvoir ", nous avons vu que la Culture, c’est le Concept de nature. Donc l’esclave a deux mots pour signifier la Culture : " société " et " nature "(24). C’est pourquoi il ne devine pas qu’ils signifient la même chose : que le social est naturel, et non pas éduqué, forcé ; qu’il est naturel d’être social, c’est-à-dire, aujourd’hui, révolutionnaire. Celui qui n’est pas révolutionnaire n’est pas naturel, celui qui n’est pas naturel n’est pas révolutionnaire.
Seul le révolutionnaire est naturel et il le sait.
La révolution détruira l’antisociété et la Culture, pour que la société puisse se créer naturellement.
Quel est le plus gros risque ?
Ramasser un coup de matraque dans une manif,
ou mourir radioactif ?
Mourir de mort violente en faisant la révolution,
ou crever lentement de la pollution ?
Crever d’un accident du travail sur un chantier,
ou mourir en combattant avec le che ?
Que préférez-vous ?
Vivre toujours à genou,
ou mourir debout ?
Et après la révolution ? comment sera la societe ?
Tout d’abord, la société ne sera pas ; ou sinon, si plus tard la société est, c’est qu’elle est un Concept matérialisé, c’est qu’on est encore esclave du concept. Et le mot " société " désignera une antisociété qui ne sera que la défaite de la révolution.
La société ne sera pas, elle deviendra.
Ensuite, parler de la société du futur, c’est la supposer unique, uniforme sur toute la terre. Cela me semble, au moins dans un premier temps, improbable — à moins qu’une dictature, à la Staline, n’ait réussi à nous imposer une uniformisation totale. Il est sûr que la révolution ne peut vaincre que si elle peut éliminer les chefs —. Il y aura certainement ici un type de comportements que certaines personnes voudront essayer, là-bas un autre type de comportements, plus loin encore un, etc.
Bien sûr, les divers groupes de gens se communiqueront les avantages et les inconvénients de leurs types de comportements. Certaines personnes passeront d’un lieu à un autre, d’un groupe à un autre, pour essayer divers types de comportements. Ainsi les types de comportements évolueront.
Si les hommes ont tous le même soleil, alors, il est probable qu’au bout d’un certain temps, et de façon naturelle, les hommes réussissent à découvrir le comportement naturel de l’homme. Et il sera peut-être adopté par toute la planète. Peut-être se perfectionnera-t-il sans arrêt, ce qui en produira l’évolution.
Je me méfie toujours quand on parle de " après la révolution ". Parce que cela suppose que la révolution est finie. Que c’est le retour aux institutions, c’est-à-dire à ce qui bloque l’évolution, à la prison Conceptuelle.
Il n’y aura pas d’institutions.
J’ai envie de dire que c’est dès la victoire militaire de la révolution que celle-ci commencera vraiment, et qu’elle ne sera rien d’autre que l’évolution enfin libre, évolution vers un maximum de bonheur. J’ai envie de dire que la révolution, l’évolution libre, ne s’arrêtera jamais ; sauf si, au cours de son évolution, la société découvre un autre écueil qui la bloque. Mais alors, ce sera la fin momentanée de la révolution, ce sera une défaite momentanée.
Je viens de prouver que du point de vue de la révolution, la question du titre de ce chapitre est fausse. Cela n’empêche pas de dire que la société deviendra, ne sera pas, et ne sera pas antisociété : pas de flics, pas de chefs, pas de hiérarchie, pas d’interdits, pas d’écoles, pas de prisons, pas de domination de l’individu sur l’individu, pas de phallocratie, pas de racisme ; pas de marchandises, pas de troc, pas d’échanges, pas de fric, pas d’exploitation de l’individu par l’individu ; pas de propriété, pas de vol, pas de viol, pas de séparations — ni entre pays, ni entre travail et loisir, ni entre conscient et inconscient, ni entre individus, ni entre hommes et femmes, ni entre vie publique et vie privée, etc.… —, etc.… Tout ce qu’on peut reprocher à l’antisociété aura disparu.
Dire quelque chose de plus, c’est risquer de se tromper. Car tant que la révolution n’a pas commencé, les individus, et moi aussi, sont encore prisonniers du concept, de leur Culture — par exemple, Joseph Desjacque, dans son utopie, dans sa description d’une société du futur, reste, en tout cas du point de vue du sexe et de l’amour, prisonnier de son dix-neuvième siècle — ; et donc ils ne peuvent imaginer une société du futur, une société libre. Cette imagination ne serait qu’une merveilleuse fiction. Mais je ne me fais pas de soucis, la réalité dépasse la fiction .
Danger
Créer un concept de société du futur, de société révolutionnaire, c’est, avant la destruction de l’esclavage au concept, s’assurer de le voir reçu comme un Concept qui risque fort de se matérialiser, un jour, en dictature cachée sous le masque de la révolution.
C’est pourquoi l’utopie, la merveilleuse fiction, est dangereuse.
ESTHETIQUE ET MORALE
Dans la tête des esclaves, il y a aussi des Concepts correspondant à des formes d’esthétique, de morale, de mœurs. Ils se matérialisent en types de goûts et de comportements obligatoires : celle ou celui qui ne les respecte pas se heurte à tout le contexte antisocial, comme à un mur bien matériel.
Carreification
Le concept est une grossière photographie, une caricature. Pour conceptualiser les courbes, il les décompose en fragments qu’il peut représenter par des courbes très simples, tel le cercle, et, le plus souvent, des droites et des angles. Le concept est géométrique.
C’est pourquoi la matérialisation du Concept, après avoir détruit la nature, la reconstruit tout au carré. Elle carréïfie la nature : regardez nos maisons, nos immeubles, nos villes, nos nouvelles forêts, etc. regardez… tout !
Le Concept géométrise.
La marchandise
Chez les esclaves que nous sommes, un dialogue est un échange de Concepts (que nous prenons pour un échange de concepts). Le dialogue est remplacé dans la Culture par le Concept de dialogue. Le Concept de dialogue contient le Concept d’échange et le Concept de concept(25).
Comme sans concepts il ne peut y avoir d’échange de concepts, la matérialisation du Concept de dialogue commence par la matérialisation du Concept de concept. Les concepts, ce que la Culture prend pour des concepts alors que ce sont des Concepts, sont donc transformés de façon à convenir au Concept de dialogue, de façon à correspondre à son Concept de concept. Ils deviennent des Concepts-destinés-à-l’échange. Puis ils se matérialisent comme objets destinés au troc.
Ensuite, le Concept d’échange se matérialise lui-même sous la forme d’un objet destiné à faciliter le troc. L’argent est la matérialisation du Concept d’échange. Quand l’argent apparaît, l’objet de troc devient marchandise. Le Concept d’un objet destiné à être échangé contre de l’argent est un Concept marchand. La marchandise est la matérialisation du Concept marchand. Le Concept marchand reste attaché à la marchandise, il en est la publicité.
La matérialisation du Concept d’échange pousse le Concept, déjà transformé en Concept-destiné-à-l’échange, à devenir Concept marchand (et " l'objet " à devenir marchandise).
Quand le Concept de temps devient Concept marchand, le temps devient une marchandise.
Quand le Concept de prêt devient Concept marchand, le prêt devient prêt avec taux d’usure.
Quand le Concept d’être humain devient Concept marchand, l’être humain devient marchandise.
Ainsi vient le capitalisme, matérialisation du Concept de dialogue.
Le capitalisme
La marchandise possède un prix, que karl marx appelle " valeur d’échange ".
La valeur d’échange d’une marchandise est fixée par le temps(26) de travail social nécessaire à sa production. Ce temps de travail social contient celui qui est nécessaire à la production des usines, à la production des outils, à la production des matières premières et à leur transport, ainsi que celui qui est nécessaire à leur transformation en marchandises. Le temps ainsi obtenu correspond à un prix. Divisons ce prix par le nombre de marchandises produites, et nous obtenons la valeur d’échange, le prix, de l’une d’entre elles.
Le travailleur intervient dans la transformation, à l’usine, des matières premières en marchandises. Il est lui-même une marchandise. Sa valeur d’échange correspond au temps de travail social nécessaire à sa production (et donc aussi, à sa reproduction), c’est-à-dire, à la somme d’argent nécessaire à entretenir sa famille pendant deux ans, s’il travaille deux ans à l’usine.
Le capitaliste — celui qui achète l’usine, les outils, les matières premières et les travailleurs — empoche la valeur monétaire de la différence entre le temps que les travailleurs passent dans son usine, et le temps de travail social nécessaire à la production de ces travailleurs. Cette valeur s’appelle la plus-value.
Le capital est la somme d’argent que le capitaliste investit dans le but d’empocher la plus-value.
Bien sûr, ce chapitre n’est qu’un résumé, une toute petite vulgarisation, d’une partie du livre écrit par karl marx et qui s’appelle " Le capital ". Il n’est pas interdit de lire ce livre. A moins que, pour vous donner l’envie de le lire, je ne doive vous dire, au contraire : il est interdit de lire karl marx !
Le spectacle
Avant même de l’avoir achetée, le consommateur espère bien que la marchandise lui servira à quelque chose, qu’il en aura l’usage ; pour lui, la marchandise a une " valeur d’usage ", pour parler comme karl marx.
La valeur d’usage de la marchandise correspond à " l’objet ", à ce qu’on peut bien en faire. Mais c’est le Concept marchand attaché à cet " objet ", qui a poussé le consommateur à l’acheter. Car ce Concept marchand est aussi l’apparence que prend la marchandise dans la tête du client potentiel. Il en est le spectacle, comme diraient guy debord et les situationnistes. La marchandise a beau avoir un prix, sans le spectacle elle ne se vendrait pas.
Le spectacle est donc essentiel au monde de la marchandise. C'est pourquoi il a fini par le dominer. Pour le dire comme guy debord : " Le spectacle est le capital à un tel degré d’accumulation qu’il devient image ". Désormais, nous survivons dans la société du spectacle.
Ceci se comprend très bien dans la théorie du concept : elle explique comment et pourquoi nous sommes esclaves du concept, comment le Concept devient Concept marchand, c’est-à-dire spectacle ; esclaves du concept, nous sommes esclaves du spectacle.
Petit Resume de " la societe du spectacle "
Le spectacle étant un Concept particulier — le Concept marchand — on peut dire que sa théorie fait partie de celle du concept. Il faut donc la connaître. Le livre de guy debord, " la société du spectacle ", est une analyse extrêmement bien faite. Je ne la recommencerai donc pas. Je me contenterai de livrer ici un résumé du livre de guy debord. Ce résumé est une petite partie d’un texte écrit en 1992 par bernadette soubirou.
Ce texte est une analyse utilisant la théorie du spectacle. Non seulement il illustre assez bien cette théorie, qui est dorénavant une partie de la théorie du concept, mais il est encore d’actualité. C’est pourquoi vous le trouverez au complet, en annexe, sous le titre " Que faire ?"
Le spectacle, c’est le Concept marchand. On peut dire qu’il est composé de deux parties dialectiquements liées: d’un côté l’apparence, la publicité ; et de l’autre, l’idée de l’objet et son prix, la valeur d’usage et la valeur d’échange. Le moment dominant est l’apparence, caractère fondamental de la société du spectacle
Le petit résumé qui suit est partiel, il s’attache surtout à l’aspect apparence du spectacle :
" Le spectacle est le discours du pouvoir. Il est l’image du monde que le pouvoir cherche à nous imposer avec l’aide des médias, qui sont tous au service de ceux qui les financent (les gens du pouvoir). Il est le mensonge destiné à nous faire réagir selon des façons calculées par le pouvoir. Afin qu’on accepte de prendre le spectacle pour la réalité, le pouvoir va jusqu’à reconstruire la réalité selon le spectacle (ex : faux-terrorisme, faux gangsters, fausse-guerre, etc…). Le spectacle reconstruit la réalité : il est le maître du monde : il est le pouvoir. Il commande aux chefs, même les plus haut placés. "
Recette de cuisine
Ce chapitre ne prétend pas être absolu. Il pense seulement vous aider à déjouer le spectacle, et, à partir du spectacle lui-même, vous aider à reconstituer une image moins trompeuse de la réalité. Le principe est que " Dans le monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux ", comme le disait guy debord dans son livre " La société du spectacle ". Ce qui signifie, en gros, que le spectacle est obtenu en renversant la réalité, et le faux, fabriqué à partir du vrai. Par conséquent, à partir du faux, on peut, dans une certaine mesure, reconstituer le vrai en renversant le spectacle lui-même.
Il faut, tout d’abord, reconnaître le spectacle essentiel du moment. Avec un peu d’habitude, cela se fait tout seul. Le spectacle essentiel, c’est ce sur quoi insistent lourdement les médias, en particulier la télé. C’est ce sur quoi ils reviennent souvent.
Pour déjouer le spectacle, on peut se servir d’une info entendue (ou lue) une seule fois et qui ne revient plus jamais. Pour voir la nécessité de se souvenir d’une telle info, encore faut-il en discerner l’importance. Avec un peu d’habitude, cela devient facile. Si une info semble avoir une certaine importance et ne revient plus, c’est qu’elle est ensuite censurée. Elle est donc bien une clé permettant de deviner ce qui se passe. Une telle info arrive parfois, au début du lancement d’un spectacle, quand celui-ci n’est pas encore au point, ou pas encore connu de tous les journalistes, et qu’ils ne savent pas encore tous ce qu’il faut dire ou ne pas dire. Elle peut arriver, aussi, juste avant le lancement d’un nouveau spectacle auquel elle nuirait si elle était répétée.
Il est essentiel d’avoir de la mémoire, afin de se souvenir d’événements du passé, proche ou lointain, pour les relier entre eux et au présent.
Le plus important, et le plus difficile, pour déjouer un spectacle que l’on a reconnu, c’est encore de penser à se poser ce genre de questions : " Imaginons que ce spectacle ne soit pas un spectacle, comment est-ce que je réagirais ? Si la population prend ce spectacle pour la réalité, que pensera-t-elle consciemment ? que pensera-t-elle inconsciemment ? et finalement, comment réagira-t-elle ? " Les réponses à ces questions sont généralement assez faciles à trouver. Elles indiquent le but poursuivi par le pouvoir avec la mise en scène de ce spectacle particulier. Une fois connu ce but, le mensonge se démonte tout seul. Il reste seulement à comparer la réaction qu’aura la population si elle tombe dans le piège à celle qu’elle aura si elle n’y tombe pas.
Si un maximum de personnes finissaient par connaître cette recette, la divulguaient partout où elles peuvent, et l’appliquaient naturellement, sans même y penser vraiment, la société du spectacle approcherait de sa fin. Dans les annexes, vous trouverez des exemples d’application de cette recette.
Remarques
Il peut arriver que le seul but d’un spectacle soit de distraire les spectateurs de préoccupations dangereuses pour le pouvoir. Par exemple, le pouvoir préfère que la population s’occupe de sport plutôt que de grève. " Du pain et des jeux " disaient les Césars.
Le but peut être, aussi, de " diviser pour mieux régner. " Par exemple, dans un mouvement de contestation, le pouvoir cherchera par tous les moyens à diviser les plus radicaux (les plus révoltés) des moins radicaux (les moins révoltés), afin de pouvoir traiter les premiers à coup de matraques et d’attirer les seconds avec des carottes. Quand le pouvoir applique cette stratégie, il est indispensable de dénoncer le spectacle qui a pour but une telle division, et de rappeler à la population qu’il est normal que dans un mouvement il y ait des contestataires qui soient plus révoltés que d’autres ; tous sont révoltés contre les mêmes choses, c’est ça l’important. Il faut que les moins révoltés se sentent solidaires de ceux qui sont traités par le bâton.
Mais très souvent, le mensonge est tellement gros qu’il est indécelable pour le simple spectateur. C’est le cas du terrorisme spectaculaire (voir les annexes, et ne croyez surtout pas que l’Italie soit une exception : c’est partout pareil, puisque sur cette planète, il n’y a qu’une seule société !)
Le but peut être aussi de camoufler la division principale de la société (la division en classes : les maîtres d’un côté et les esclaves de l’autre) en la faisant apparaître comme inessentielle par rapport à d’autres divisions qui sont artificiellement et énormément renforcées (comme la division Est-Ouest à l’époque de la " guerre froide ", ou la division électorale droite-gauche) ou, même, qui sont créées de toute pièce (comme l’ancienne prétendue lutte commerciale entre le Japon et les U.S.A., alors que, depuis la victoire totale des U.S.A. sur le Japon à la fin de la " dernière guerre mondiale ", 99% des capitaux circulant au Japon sont américains ; ou bien la prétendue lutte entre l’occident et l’islamisme, alors que, dans les pays musulmans, l’islamisme est la main de l’occident : en particulier, l’islamisme doit y jouer le même rôle que le parti " communiste " et les syndicats chez nous : récupérer la lutte des classes et la détourner de ses objectifs premiers.)
spectacle de spectacle
En dénonçant le spectacle, guy debord a brisé ce miroir menteur. Il s’est divisé en deux parties liées l’une à l’autre : le spectacle et le spectacle de spectacle (le faux-spectacle).
Le spectacle de spectacle nous livre un mensonge sur un événement et le spectacle fait semblant de nous en dévoiler la vérité.
Par exemple :
Le spectacle de spectacle nous dit que " Si les Etats-Unis ont bombardé une usine pharmaceutique au Soudan et je ne sais plus quoi dans un autre pays islamique (iste), c’est pour se venger de l’assassinat de quelques américains (et de beaucoup d’africains) perpétré en Afrique, à Nairobi et à Dar Es-Salaam, par des bombes islamistes. "
Sous le sceau du secret, au même journal de 20h., le spectacle nous dit : " C’est pas vrai, Bill Clinton a seulement voulu détourner l’attention de ses histoires de cul avec Monica Gate ".
Mais la vérité est sûrement ailleurs. Pour la découvrir, il faudrait se demander à qui profite le crime, se demander qui a posé ces bombes soit disant islamistes. Il faudrait peut-être se souvenir que Bill Clinton annonçait il y a quelques mois qu’il allait reprendre les choses en main en Afrique, que ça coûte cher et qu’il faut justifier les finances auprès de certaines personnes. Il faudrait peut-être aussi se souvenir que depuis la défaite de l’Afrique du Sud, l’agent principal des U.S.A. dans cette partie du monde est la guérilla commandée par Jonas Savimbi (financée par la C.I.A.) qui a récemment subi des revers insupportables pour les U.S.A.
Peut-être découvrirait-on alors que les prétendues " bombes islamistes " ayant récemment assassiné des américains (et surtout beaucoup de noirs, mais pour les U.S.A. les noirs sont des nègres) ont été commanditées par les U.S.A. eux-mêmes, dans le but de justifier les finances dont il était question plus haut : " Là où l’on tue des américains, il faut du fric pour les défendre ."
Et dans ce cas, on conclurait peut-être que les récents bombardements américains au Soudan et ailleurs avaient pour but, entre autres choses, de faire croire que les " bombes islamistes " étaient vraiment islamistes : " Sinon les U.S.A. ne se vengeraient pas aussi horriblement ", se dira l’inconscient du gogo moyen. On conclurait peut-être aussi qu’un autre but était de nous faire croire que le théâtre des opérations U.S. n’est pas dans la zone d’intervention de Jonas Savimbi, mais ailleurs, contre un faux-ennemi(27) : l’islamisme. Qui d’ailleurs ne sort pas affaibli de cette histoire, mais renforcé, puisque les récents bombardements américains n’ont fait que souder un peu plus les simples musulmans autour de l’islamisme (et les chefs des U.S.A. le savaient d’avance…)
Necessite de la theorie du concept
La qualité de la théorie du spectacle s’est traduite dans la qualité de mai 68. Malgré tout, mai 68 n’ayant pas amené la révolution, la vraie, l’ultime, il fallait bien inventer une nouvelle théorie, encore plus profonde que la précédente, qui remonte plus haut dans la cause du malheur des gens. Si la théorie situationniste, celle de guy debord, déduit l’esclavage au spectacle depuis l’esclavage à la marchandise, cet essai théorique remonte jusqu’à l’esclavage au concept : la marchandise est la matérialisation du Concept marchand. La théorie situationniste se limitait à l’analyse du spectacle. La théorie du concept nous dit : " Le spectacle, c’est le Concept marchand. Le spectacle est un Concept particulier. "
La théorie du concept est plus générale que la théorie du spectacle.
On peut donc s’attendre à ce que la théorie du spectacle soit insuffisante pour effectuer correctement certaines analyses, alors que la théorie du concept y parviendra assez facilement. Vous en trouverez un exemple en annexe sous le titre " Italie : etat et mafia ".
Imaginons qu’on ait fait la révolution telle qu’elle est conçue par la théorie du spectacle. Momentanément, la marchandise, le Concept marchand, le spectacle et toutes leurs mauvaises conséquences sont supprimées. Cependant, il reste encore les Concepts, et l’esclavage au concept. Il suffit de relire le chapitre intitulé " La marchandise " pour être convaincu qu’à partir de ce " reste ", c’est toute la merde qui reviendra ; peut-être sous une forme légèrement différente, mais c’est tout.
La théorie du concept est d’autant plus nécessaire que la révolution repose, en particulier, sur la communication.
La réflexion (la communication entre soi et soi), la communication orale (à part les baisers ?) et la communication écrite reposaient jusque là sur les Concepts, elles étaient donc faussées, idéologisées. A travers elles le Concept nous gouvernait. Désormais elles devront essayer de se faire à l’aide de concepts.
Le concept
La théorie du concept est le concept de concept. Le concept en sera la matérialisation. Celle-ci a déjà commencé dans ce petit livre avec l’invention de certains concepts. Elle reste à terminer. La libération des esclaves sera l’œuvre des esclaves eux-mêmes.
Toute théorie est à critiquer, c’est-a-dire à construire : a suivre !.
7 sept. 98 à 17h. du matin,
do
Problemes ouverts
1°) J’ai assez peu tenu compte du fait que le concept de table est différent d’un individu à l’autre. En tenir sérieusement compte pourrait-il amener de nouvelles choses intéressantes ?
2°) Etudier l’évolution du sens de divers mots (comme pour " Néron "). Comment choisir ces mots ?
3°) Rechercher d’autres déductions ou expressions du style " Je pense donc je suis ", qui semblent vraies à un français à cause de son esclavage au langage, et uniquement à cause de lui. Les démonter. Faire la même chose dans d’autres langues.
4°) Se pencher sur les sujets que, par absence de vocabulaire, le langage nous interdit d'étudier sérieusement.
5°) Que penser de la conjecture du néolithique ?
6°) Abréger la durée de vie des principaux spectacles particuliers en les dénonçant au fur et à mesure qu’ils se présentent.
7°) Etudier divers Concepts, les démonter suffisamment pour pouvoir inventer des concepts qui prendront leur place. Créer ainsi suffisamment de concepts afin de pouvoir les utiliser, au lieu que ce soient les Concepts qui se servent de nous. C’est-à-dire, terminer la matérialisation du concept de concept.
8°) Une fraction (majoritaire ?) de la classe dominante peut-elle comprendre la théorie du concept ? Comprendre qu’elle aussi est esclave du concept ? Qu’elle aussi, comme la classe dominée, a intérêt à faire la révolution ? Du coup, la violence physique de la prochaine révolution pourrait-elle être réduite ? La révolution serait plus facile, mais si l’on attend que la classe dominante comprenne, il nous faudra attendre combien de temps ?
9°) Trouver d’autres problèmes ouverts.
Annexes
Suite du chapitre extension du fichier
L’évolution d’une relation fichée commence par l’évolution d’une relation fichée par un Concept élémentaire ; qui, elle-même, peut commencer par l’évolution d’une de ses parties. Dans ce cas, l’extension du Fichier a d’abord lieu par coupure du Concept élémentaire ; qui est donc révolutionné, puisqu’il cesse d’être élémentaire et doit inscrire deux inférieurs sur sa fiche principale.
L’Homme voit que cette évolution de la relation-qui-dorénavant-sera-contrôlée-par-une–Coupure-du-Concept-élémentaire, est provoquée par l’évolution d’une relation non encore fichée et qui n’est pas une partie de cette relation-qui-dorénavant… . Sinon il faut encore couper. Quand il a trouvé la relation qui le provoque et qui est extérieure à la hiérarchie, l’Homme la fiche. Puis, pour introduire ce nouveau Concept élémentaire dans son fichier, dans la hiérarchie, l’Homme invente un nouveau Concept qui contient, en les reliant, le nouveau Concept élémentaire et la sous-Coupure élémentaire qui lui a permis de le créer(28). Le nouveau Concept vient alors remplacer cette sous-Coupure élémentaire dans la hiérarchie.
Par exemple, on peut très grossièrement dire que pour trouver l’électricité, l’homme a dû couper le Concept d’atome en un Concept de protons et un Concept d’électrons afin de s’apercevoir que l’état de l’électron est modifié par quelque chose qu’il appela électricité ; puis il a relié l’électron à l’électricité en disant que l’électron est électrisé ; puis au lieu de dire que l’atome est composé de protons et d’électrons, il a dit que l’atome est composé de protons et d’électrons-électrisés. Puis, pour faire plus court, il a appelé électron l’électron-électrisé. Une Coupure du nouveau Concept d’électron est l’électricité.
HISTOIRE
DE LA CONCEPTION POLICIERE OU PROLETARIENNE DE L'HISTOIRE
POLICIERE OU PROLETARIENNE ?
Est-ce l'individu qui fait l'histoire ou l'histoire qui fait l'individu? La première hypothèse est totalement rejetée par Karl Marx, qui la nomme: " Conception policière de l'histoire ". Il adopte d'une façon absolue la deuxième qu'il appelle d'ailleurs: " Conception prolétarienne de l'histoire ". Cette attitude de Marx est surprenante. En effet, quand ce théoricien se trouve en face d'une opposition, au lieu d'accepter absolument 1'un des deux termes et de rejeter totalement 1'autre, il étudie habituellement cette contradiction d'une façon dialectique. A tel point que les expressions " contradiction ", " contradiction dialectique " et " dialectique " sont devenues synonymes dans le langage marxien.
La conception policière de l'histoire.
Elle prétend que c'est l'individu qui fait l'histoire. A un moment donné arrive un " homme providentiel ", et il change le cours de l'histoire. A lui tout seul. Certes, il lui a fallu pour ça convaincre des gens de se battre avec lui ou sous ses ordres pour faire ce qui lui semblait nécessaire; certes ces personnes l'ont aidé; mais sans lui, rien de ce qui est arrivé ne serait arrivé, ni aujourd'hui, ni plus tard. Ne serait-ce que parce qu'il était le seul à pouvoir avoir une telle idée. C'est normal: chaque individu est différent des autres, est unique; avant lui, personne ne fut comme lui, et après lui, plus personne ne sera exactement comme lui. Quelques exemples: sans le Christ, il n'y aurait jamais eu de christianisme; sans Hitler, il n'y aurait pas eu la deuxième guerre mondiale; sans Lénine il n'y aurait pas eu la révolution russe; etc.
Elle prétend que chaque renversement historique est dû à une conspiration montée par un homme providentiel. Par exemple, c'est grâce à une conjuration soigneusement montée contre son mari Pierre III, que Catherine II est devenue impératrice de Russie. Les ennemis de la conception " policière " de l'histoire pensent que voyant des conspirations partout, on peut l'appeler "conception paranoïaque de l'histoire".
Elle prétend que ce sont les rois de fRANCE qui ont fait l'histoire de la fRANCE jusqu'à la révolution, en faisant diverses guerres qu'ils ont gagnées ou perdues. Que le peuple n'est qu'une masse informe manipulée à sa guise par le roi. C'est justement parce que les rois pensaient ainsi que ses ennemis la nomment parfois " conception royaliste de l'histoire ".
Elle pense comme les policiers que les émeutes, les révoltes, les révolutions ne peuvent avoir pour origine cette masse informe qu'est le peuple, qu'elles sont forcément dues à une conspiration montée par quelqu'un. Par exemple, Pasqua disait que la révolte de décembre 86 n'était qu'une conspiration trotskiste. C'est pour cette raison, pensait Karl Marx, qu'on peut l'appeler " conception policière de l'histoire ".
La conception prolétarienne de l'histoire.
Elle affirme que c'est l'histoire qui fait l'individu. Dans une époque royaliste, chaque personne est éduquée dès sa naissance à respecter le roi, par ses parents et par l'ensemble des gens qu'elle est amenée à fréquenter, par la forme de cette " société " qui " récompense " I'individu qui pense et agit selon la logique du système, et le punit sinon. A notre époque où l'antidémocratie se voit obligée de prendre le visage de la démocratie, les gens sont éduqués à croire que la fRANCE est une démocratie, et se précipitent aux urnes dès qu'ils en ont l'occasion. Un individu vivant avant la maîtrise du feu ne peut avoir la même existence qu'un individu vivant avec le feu, il n'est pas le même.
Elle affirme que le moteur de l'histoire, c'est la lutte des classes; que l'humanité est divisée essentiellement en deux, la classe des maîtres d'un côté, et la classe des esclaves de l'autre; que quand la masse des esclaves est trop exploitée, elle se révolte; que les vrais changements historiques sont dus à cette lutte.
Elle affirme que nulle conspiration ne peut être à l'origine d'une révolution digne de ce nom; qu'il n'y a pas d'homme providentiel; que si Robespierre ou Saint-Just n'avaient pas existé, d'autres auraient joué leurs rôles, puisque si les conditions matérielles étaient historiquement réunis pour produire un Robespierre et un Saint-Just, elles en ont produit d'autres par la même occasion.
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Ne trouvez-vous pas que ma conception de la " conception prolétarienne de l'histoire " est un peu " policière "? que ma conception de la " conception policière de l'histoire " est très " prolétarienne "?
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SYNTHESE DIALECTIOUE
La dialectique étudie les choses dans leur mouvement. L'étude dialectique d'une chose permet d'en deviner l'évolution future et d'influer sur elle. Pour ca, elle se demande quelles sont les contradictions internes à la chose étudiée. Une contradiction étant un couple de tendances, l'une poussant l'évolution dans un sens et l'autre la poussant dans le sens opposé. Tantôt c'est une tendance qui domine, tantôt c'est l'autre, selon le moment; c'est pourquoi chaque tendance est appelée un " moment " de la contradiction. La dialectique regarde parmi toutes ces contradictions internes à l'objet ou à l'événement étudié laquelle est la " contradiction principale ", celle qui va compter le plus pour l'évolution de la chose. Elle étudie ensuite cette contradiction, c'est-à-dire qu'elle étudie chaque moment de la contradiction pour voir notamment s'il est utile de le décomposer en ses contradictions et d'en déterminer la contradiction principale, etc. Le but étant de déterminer, pour la contradiction principale initiale, si d'une façon naturelle l'un des moments dominera toujours sur l'autre quelques soient les circonstances, les conditions extérieures, ou si les conditions extérieures à l'objet peuvent faire dominer tantôt un moment tantôt l'autre et quelles sont ces conditions dans chacun des deux cas. Ainsi, la dialectique voit si un moment domine toujours, ou s'il domine plus souvent que l'autre, s'il faut que des circonstances extérieures particulièrement rares soient réunies pour que l'un des moments domine etc. Elle détermine le moment dominant. Partant de là, elle peut deviner comment la chose va évoluer, ou, quand c'est possible, quelles sont les circonstances qu'il faut créer pour la faire évoluer comme on le désire, et quand c'est impossible, lesquelles il faut réunir pour retarder ou favoriser l'évolution inéluctable.
Prenons l'exemple d'une étagère à bouquins. La contradiction principale, c'est que d'un côté la pesanteur à tendance à faire se casser la gueule à l’étagère, et de l'autre, la structure de l'étagère veut la tenir debout. L'on voit tout de suite, l'étagère s'usant, que la pesanteur dominera toujours, que l'étagère finira par se casser la gueule. Mais on devine aussi comment il faut s'y prendre pour retarder l'inéluctable: quand l'étagère commence à pencher d'un côté, il faut mettre une cale de ce côté afin de la remettre à la verticale.
Ne confondez pas histoire et conception de l'histoire, ne confondez pas contradiction principale de l'histoire et contradiction principale de la conception de l 'histoire.
Je vois la conception de l'histoire comme dialectique: la contradiction principale étant entre la conception " policière " et la conception " prolétarienne ", le moment dominant étant la conception "prolétarienne". La " prolétarienne " domine toujours, mais la " policière " n'est jamais inopérante.
Et si c'est bien l'histoire qui fait l'individu, il n’empêche que l'individu, même s'il ne fait pas l'histoire, lui donne le ton, un caractère particulier, une certaine marque de fabrique. Par exemple, s'il n'y avait pas eu Hitler, Machin l'aurait remplacé, mais il n'aurait pas été tout à fait pareil; et l'histoire, même si elle aurait globalement été identique, aurait différé selon certains détails correspondant aux différences entre Hitler et Machin.
La contradiction principale de l'histoire, celle qui en est le moteur, c'est la lutte des classes. Ses deux moments sont la bourgeoisie et le prolétariat. Même si la bourgeoisie est au pouvoir, le moment dominant est le prolétariat puisque si les ouvriers peuvent se passer des patrons, les patrons, eux, ne peuvent se passer d'ouvriers. Je pourrais, comme l'a fait Marx, en conclure " scientifiquement " que le prolétariat finira, quoiqu'il arrive, par gagner. Ce serait vrai si Marx avait raison de n'admettre que la conception " prolétarienne " de l'histoire. Cependant si, comme elle l'a très bien réussi jusqu'à présent, la bourgeoisie continue consciemment et volontairement à nous tromper avec divers subterfuges, avec des mensonges soutenus par des conspirations destinées à nous les faire passer pour des vérités, elle pourra retarder la révolution à l'infini, et la victoire finale ne viendra jamais. Ainsi, seul le côté conception " policière " de l'histoire permet de comprendre le retard de la révolution.
Il est sûr que pendant certaines périodes, quand les luttes prolétariennes sont puissantes au point de ne tomber dans aucun piège, alors la conception " policière " est presque négligeable. Mais quand ces luttes sont retombées, elle reprend toute son importance.
Marx s'est trompé parce qu'à son époque la théorie du concept n’avait pas encore été imaginée. Il devait confondre histoire et conception de l’histoire. Il a naturellement pensé à voir l'histoire d'une façon dialectique, mais, dès lors, il ne pouvait plus en faire autant pour la conception de l'histoire (dans sa tête, tout s’est passé comme si c’était déjà fait). Il ne pouvait donc admettre que l'un de ses deux termes, la conception " prolétarienne ". Mars 95, par le comité " Je n'ai pas fait 68, c'est 68 qui m'a fait ".
Que faire?
TCHERNOBYL SUR SEINE
Nogent sur Seine, vous connaissez? Une ville tranquille, sur la Seine avant Paris. A l'est de Paris. L'état a construit là une centrale nucléaire. Depuis lors, de Nogent à l'embouchure, l'eau du fleuve est radioactive, j'insiste: à Paris, l'eau du robinet est radioactive.
L'état a construit une centrale nucléaire près de Paris pour alimenter cette ville en électricité; admettons-le. Et sur la Seine puisqu'une centrale a besoin d’être refroidie. Mais pourquoi ne pas avoir mis cette foutue centrale après Paris? Au moins l'eau de Paris n'aurait pas été radioactive, n'est-ce pas?
Parce qu'une centrale sur la Seine après Paris est une centrale à l'ouest de Paris. Les vents dominants venant de l'ouest, l'air de Paris aurait été radioactif.
I1 y avait donc le choix entre avoir de l'air radioactif ou de l'eau radioactive. Pourquoi avoir choisi cette dernière solution? Nous y voilà. Eh bien seule la petite remarque anodine suivante permet de répondre: les riches et les pauvres respirent le même air, tandis que seuls les riches boivent de l'eau en bouteille!
Si l'air de Paris était radioactif, tous les parisiens seraient irradiés, mais puisque c'est l'eau qui est radioactive, seuls les riches buvant de l'eau en bouteille ne sont pas irradiés.
Et les pauvres? Ils sont juste là pour travailler à la place des riches, pas pour être mangés. Le riche n'est pas cannibale, tout de même. Alors, que le bétail, pardon, que le pauvre soit radioactif, qu'est-ce que ça peut bien lui faire, au riche, puisqu'il n'en mange pas?
I1 y a bien d'un côté les riches et de l'autre les pauvres. La division de la société en classes, et donc la lutte des classes, c'est bien la réalité. L'état, qui a décidé de placer la centrale nucléaire parisienne en se préoccupant seulement de la santé des riches, n'est donc pas au-dessus des classes en train de faire régner la justice: il est aux ordres des riches.
Cet exemple radioactif montre bien qu'il y a deux classes sociales et que l'état est l'arme de la bourgeoisie contre les pauvres.
QUE FAIRE?
Sachons d'abord où nous en sommes et la réponse à cette question tombera comme un fruit mûr. Cette décennie fut en gros marquée par quatre événements. Premièrement " le spectacle de l'effondrement du communisme ", deuxièmement " Le spectacle de la guerre Nord/Sud ", troisièmement le spectacle de la chute finale du communisme et quatrièmement la grève allemande et les émeutes d'Amérique du nord qui eurent lieu à peu près en même temps.
I.E SPECTACLE DE L'EFFONDREMENT DU COMMUNISME
Je vous présente un texte datant de Mai 90 (Avant que Boris Eltsine n'arrive au pouvoir) parlant de ce sujet::
Un soviet est une assemblée générale. Dans un pays sous-développé, la théorie révolutionnaire est sous-développée. C'est pourquoi, en octobre 1917, comme l'avait prévu Karl Marx la révolution Russe a perdu.
A l'est il n'y a jamais eu de communisme. Octobre rouge est la plus grosse défaite du prolétariat révolutionnaire. Les bolcheviques, Trotsky et Lénine, étaient des imposteurs. Ils ont fait croire au prolétariat qu'ils étaient communistes. C'est pourquoi les prolos les ont laissé réussir leur coup d'état, en pensant qu'ils donneraient ensuite "tout le pouvoir aux soviets". Mais ils ont gardé tout le pouvoir pour eux. Les membres du parti leur servirent d'hommes de mains. Ils profitèrent de la crédulité du parti et du prolétariat pour s'emparer de toutes les administrations, de toutes les terres, de toutes les usines.
A l'est règne le capitalisme. Le parti dit "communiste" des Trotsky, Lenine, Marchais, etc..., est communiste seulement pour les membres du parti: toute autre personne est un esclave qu'ils exploitent en commun. Comme à l'ouest, chaque entreprise des pays de l'est exploite ses ouvriers. La seule différence est qu'à l'est toutes les entreprises ont le même patron; ce qui n'est pas le cas à l'ouest. Ici, chaque patron dirige ses entreprises comme il l'entend; on parle de capitalisme libéral, de libéralisme. Tandis que là-bas, à l'est, avant de prendre une initiative, le dirigeant d'une entreprise doit demander son avis à l'état, c'est à dire au parti, ou plutôt à son chef. On parle de dirigisme, de communisme, mais c'est du capitalisme d'état. là-bas aussi l'argent règne en maître. là-bas aussi, c'est le capitalisme.
c'est le règne du "mensonge déconcertant". "L'espoir est la laisse de la soumission" et le désespoir celle de la démission. C'est pourquoi le capitalisme, qu'il soit dirigiste ou libéral, a fait croire au prolétariat qu'à l'est régnait le communisme. Ainsi ceux qui croyaient que l'est était le paradis, espérant sa victoire sur le monde entier, attendaient celle-ci passivement; c'est à dire dans la soumission. Tandis que ceux qui savaient qu'à "l'est c'est la merde", et qui croyaient que "le communisme c'est ça", que toute révolution menait à ça, furent gagnés par le désespoir, et démissionnèrent.
A l'est, ce qui s'effondre sous la pression des masses n'est pas le communisme, c'est le capitalisme d'état. Malheureusement les populations des pays de l'est confondent communisme et capitalisme d'état, libéralisme et liberté. Le capitalisme libéral est leur modèle. Elles ne comprendront pas leur erreur avant d'avoir expérimenté elles-mêmes le libéralisme. A moins qu'avant cela le prolétariat occidental ne se lève pour abattre le libéralisme et construire le vrai communisme, c'est à dire la liberté.
Afin de se maintenir plus longtemps, le capitalisme en train de s'effondrer nous donne à contempler le spectacle de l'effondrement du "communisme" pour nous faire désespérer de toute entreprise révolutionnaire.
Mais ne soyons pas dupes : le communisme n'a pas encore commencé. Si le pouvoir veut nous faire croire qu'il est déjà fini, que la révolution est un échec, c'est que, pour la première fois dans l'histoire, l'idée d'une nouvelle tentative de révolution suffit à affoler nos maîtres. Donc, pour la première fois, ils pensent ne pas avoir les moyens de nous empêcher de vaincre.
Pour réussir la révolution il nous suffit donc, aujourd’hui, d’oser la faire, d'oser vaincre.
N'attendons plus. Mettons nos écoles, nos usines et nos administrations en grève.
Donnons tout le pouvoir aux assemblées générales.
C'est à nous de décider de tout.
Fait en Mai 1990 par Yvette.
LE SPECTACLE DE LA GUERRE NORD/SUD.
Voici un tract sur ce sujet datant de sept 90, alors que le blocus contre l'Irak est commencé depuis plusieurs mois, mais pas les bombardements :
Ce monde est divisé en deux camps: les maîtres d'un côté, les esclaves de l'autre.
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George Bush et Saddam Hussein font semblant de se faire la guerre.
Une seule hypothèse permet d'expliquer bien des faits étranges concernant la drôle de guerre entre le nord et le sud, entre George Bush et Saddam Hussein: ils font semblant de se faire la guerre. Ils donnent à ce spectacle de guerre un grand retentissement afin que chacun se sente obligé de choisir son camp: soit avec George Bush soit avec Saddam Hussein. Mais accepter de choisir entre ces deux dictateurs, c'est choisir la dictature, la fascisation du monde. C'est le piège qui nous est tendu.
Les journalistes ont pu se balader librement en Irak sans être pris en otage parce qu'ils sont indispensables à la mise en scène de ce spectacle de guerre.
Pendant la deuxième guerre mondiale les américains n'ont pas hésité à bombarder des villes françaises. Ce n'est donc pas à cause des otages alliés qui y sont stockés qu'ils ne bombardent pas les sites stratégiques irakiens, mais parce qu'ils ne veulent pas faire la guerre : ils veulent juste faire semblant.
Le Bahreïn, le Qatar, les Emirats Arabes Unis et l'Arabie Saoudite n'étaient pas mieux défendus que le Koweit. Saddam Hussein aurait pu les prendre aussi facilement et aussi rapidement que le Koweit. I1 en aurait été beaucoup plus riche, et surtout les américains n'auraient eu aucune terre pour masser leurs troupes. Ils seraient restés le bec dans l'eau avec leurs navires de guerre. Ils n'auraient eu aucune chance de gagner la guerre. Ils ne l'auraient donc même pas faite. Saddam Hussein n'est pas débile; s'il s'est contenté de masser ses troupes le long de sa frontière commune avec l'Arabie Saoudite et d'attendre, c'était bien pour donner à George Bush le temps de mettre les siennes de l'autre côté de la même frontière; afin qu'il puisse y avoir un vrai spectacle de guerre, avec le plus important: un spectacle de front terrestre. Saddam Hussein et George Bush sont bien les meilleurs amis du monde
Les seuls morts de cette guerre sont dus à des accidents de véhicules: drôle de guerre!
Après avoir joué à la guerre pour nous rouler, après avoir fait semblant de se faire la guerre, si nous n'y croyons pas, si nous ne nous faisons pas avoir, nos maîtres se prendront-ils à leur propre jeu? Nous feront-ils vraiment faire la guerre? Le seul moyen de les en empêcher est encore et toujours la révolution qui supprime les maîtres.
Pour comprendre ce qui m'a donné l'idée que cette guerre est une fausse-guerre, un spectacle, il nous faut remonter dans le temps.
I1 y a une dizaine d'années environ, les mineurs anglais ont perdu leur très longue grève parce que la Pologne livrait à la reine d'Angleterre autant de charbon qu'elle en voulait. A un an d'intervalle ce furent les mineurs polonais qui perdirent leur grève. Et pour la même raison: la reine d'Angleterre livrait à la Pologne autant de charbon qu'elle en voulait.
Si les mineurs anglais et polonais s'étaient soutenus, si les uns voyant que les autres étaient en grève s'y étaient mis aussi, la Pologne n'aurait pu livrer de charbon à l'Angleterre, ni l'Angleterre à la Pologne; et les mineurs des deux pays auraient gagné.
Cet exemple, choisi parmi tant d'autres, montre bien que malgré la prétendue "guerre froide" les maîtres de l'est et de l'ouest étaient unis contre les révoltes de leurs esclaves. Pendant longtemps ils nous ont fait croire à la guerre froide entre l'est et l'ouest. Cette fausse guerre était censée être la contradiction principale en ce bas monde. Au lieu de s'unir aux prolétaires de l'est pour abattre la classe des maîtres de ce monde, les prolétaires de l'ouest étaient censés collaborer avec leurs patrons contre un prétendu ennemi commun: l'est, la Russie, le grand Satan qui venait du froid pour nous faire mal.
Mais le spectacle de l'effondrement du communisme est aussi, par contre coup, l'effondrement du spectacle de la guerre froide entre l'est et l'ouest. La lutte des classes risquait d'être perçue pour ce qu'elle est: le moteur de l'histoire, la contradiction principale, le seul combat qui peut libérer les esclaves, et dont la stratégie est l'union des prolétaires de tous les pays. C'est pourquoi les maîtres de ce monde devaient remplacer la fausse-guerre Est/Ouest par une autre division présentée à son tour comme la plus importante.
Nos chefs ont choisi de nous berner avec le spectacle de la guerre Nord/Sud. Ils veulent, par exemple, que les prolétaires occidentaux se disent que le grand Satan cause de tous nos malheurs continue d'exister, mais qu'il n'habite plus à l'Est, qu'il a déménagé au Sud, qu'il a échangé son nom slave contre un nom arabe.
Nos maîtres parlent du "nouvel ordre international" pour parler de ce spectacle récent parce qu'il est une nouvelle technique internationale de maintien de l'ordre: les maîtres au pouvoir et les esclaves au travail.
CHAQUE GREVE D'UN SECTEUR PARTICULIER EST UN APPEL A LA GREVE GENERALE DE TOUT LE PROLETARIAT.
SOYONS AUSSI DETERMINES QUE LES PAYSANS ET NOUS VAINCRONS AVEC EUX.
Septembre 90.
Bienaimée Lapalissade.
I1 y a quelques mois, j'ai appris une nouvelle qui confirme tout à fait ces thèses sur le spectacle de guerre nord/sud. Un ami allemand vivant en fRANCE possède une antenne parabolique afin de capter la télé allemande. Un soir, vers onze heures et demi, la 5° ou la 7° chaîne allemande fit parler un Irakien: "Saddam Hussein? Je le connais très bien, a-t-il dit, j'ai été son ami, du temps où nous faisions ensemble nos études dans la même université américaine. C'est depuis cette époque qu'il est membre de la CIA". Et le lendemain, sur la même chaîne, on nous apprenait que ce méchant cafteur avait été exécuté pendant la nuit.
LE SPECTACLE DE LA CHUTE FINALE DU COMMUNISME.
Une semaine après de grosses émeutes antiguerre aux USA, la guerre du Golfe prit fin. Avec elle, ce fut aussi la tentative de spectacle de guerre Nord/Sud qui fût stoppée net. Le pouvoir devant continuer à subjuguer les populations afin d'éviter de trop grosses révoltes, ce spectacle fut remplacé par celui de la chute finale du communisme. I1 ne fut qu'une copie de l'incendie du Reichstag. Pour éviter de trop longs développements, disons que ce ne sont pas les "communistes" qui ont échoué dans leur tentative de coup d'état, mais Boris Eltsine qui, par un coup d'état, réussit à établir le libéralisme pur et dur en Russie. I1 y parvint avec la bénédiction de George Bush. D'ailleurs, Eltsine aussi règne maintenant depuis une "maison Blanche".
ALLEMAGNE ET USA.
Le capitalisme privé (le "libéralisme") et le capitalisme d'état ( le "communisme") ont en commun l'exploitation d'une classe d'esclaves par une classe de maîtres. Mais l'une des différences entre les deux est que le capitalisme privé provoque, à cause de la concurrence, un énorme gaspillage des ressources. C'est pourquoi l'instauration du capitalisme dans une région sous-développée ne peut se faire que sous la forme étatique: à la mode bolchevique: avec un seul patron. Sinon tout le monde crève de faim et c'est la révolte.
Cette théorie se trouve vérifiée par les événements actuels de l'ex-URSS. Voulant sauver l'exploitation de l'individu par l'individu dans un pays où le capitalisme d'état n'est plus supporté, les maîtres du monde ont essayé de le remplacer par le capitalisme libéral.
Seulement voilà, maintenant que l'Est a fait le grand saut (sot?), il est encore plus pauvre qu'avant. Et ce au point que l'une des blagues qui circulent en ce moment en Russie raconte que des gens reçoivent des amis qui leur font la remarque suivante "Chouette! De la crème au chocolat. Où avez-vous trouvé ca? On se croirait revenu au bon vieux temps du stalinisme!" Comment se fait-ce? Vous vous souvenez sûrement que la contestation a toujours dit que sous le "libéralisme", la concurrence produisait un énorme gaspillage qui appauvrissait tout le monde (sauf les capitalistes, naturellement). Et que, par contre, si l'état régissait toute la production, le gaspillage dû à la concurrence disparaissait. Et qu'il en résultait un enrichissement général de la population.
Mais l'on nous a montré une URSS très pauvre vivant sous le prétendu "communisme", et un occident très "riche" vivant sous le prétendu "libéralisme". Tous les spectateurs de télé ont donc fini par croire que le "libéralisme" enrichit, tandis que le "communisme" appauvrit. Ce qui fait que tout le monde (et à 1'EST en premier) a applaudi en contemplant le spectacle de l'effondrement du "communisme".
Cependant, les déboires (un appauvrissement encore plus grand et plus rapide qu'avant) subis en Russie sous la tutelle d'Eltsine nous prouvent définitivement que le "libéralisme" appauvrit. oh! Je sais bien que vous pouvez toujours me rétorquer qu'Eltsine étant Russe, il n'a peut-être pas bien compris le fonctionnement du "libéralisme". Seulement voilà, l'Allemagne de l'Est est maintenant régie par les maîtres de l'Allemagne de l'ouest. Et les Allemands de l'Est à qui l'on avait promis plein de choses, ne voyant rien venir, mais tout partir, se mettent à râler de plus en plus. Peut-on accuser les patrons de l'Allemagne de l'Ouest de ne rien comprendre au libéralisme? Cela m'étonnerait, vu qu'ils sont les plus riches d'Europe. Donc, et définitivement cette fois, plus personne ne pourra dire que la libre concurrence enrichit le peuple malgré l'énorme gaspillage qu'elle produit.
I1 me reste à expliquer pourquoi, vivant sous le régime du capitalisme d'état, les pays de l'Est étaient si pauvres. En fait, c'est tout simple. On a voulu nous faire croire que tout était de la faute au stalinisme. Et bien non: il ne faut tout de même pas oublier qu'à quelques exceptions près, tous ces pays étaient sous-développés. Globalement, le bloc de l'Est était donc un pays sous-développé. Et, comme pour les pays du tiers-monde, l'écart entre ce pays sous-développé et les pays développés n'a fait que s’accroître. C'est d'ailleurs pour ça qu'on ne dit plus pays sous-développés, mais pays en voie de sous-développement. Et la pauvreté grandissante des pays de l'Est n'était donc pas due essentiellement à Staline (Lui, il suffit de lui reprocher ce qu'il y a à lui reprocher. 20% de la population dans les goulags, c'est déjà assez horrible comme ça sans encore en rajouter). Elle était due au système capitaliste qui, régissant toute la planète, n'a de cesse d'appauvrir les pauvres (gens ou pays) afin d'enrichir les riches: "Votre malheur fait mon bonheur" pourrait dire le riche au pauvre. I1 me reste à admettre qu'avant de tomber sous le joug de Staline, l'Allemagne de l'Est était un pays riche. Elle est devenue pauvre parce que la Russie n'a jamais cessé de la piller. `
Tant que j'en suis à parler des pays pauvres, je vais en profiter pour dénoncer une chose qui me tient particulièrement à cœur. La télé n'arrête pas de nous parler de la dette du tiers-monde. Cela me met hors de moi à chaque fois. En effet, ce sont les pays riches qui n'ont de cesse de piller de plus en plus les pays pauvres. Et ils osent dire que ce sont ces derniers qui leur doivent quelque chose? Je dois avouer que parfois, il me vient des envies de meurtres.
Mais revenons à nos moutons. Et justement parce qu'ils cessent de l'être. En effet, les habitants des pays de l'Est, à qui l'on avait promis monts et merveilles s'ils acceptaient de vivre sous le "libéralisme", s'aperçoivent qu'ils ont été floués une fois de plus, qu'ils sont encore plus dans la misère qu'avant. Alors, ils se révoltent toujours plus. Ce qui est très dangereux pour le capitalisme. C'est pourquoi ce dernier transfère de plus en plus de fric de l'Ouest vers l'Est afin de calmer les habitants de l'Est en leur donnant le strict minimum nécessaire à leur survie. Mais bien entendu, les capitalistes de l'Ouest ne prennent pas ce fric dans leurs poches mais dans celles de leurs salariés. C'est pourquoi ceux-ci ont tendance à s'appauvrir de plus en plus brutalement et donc à se révolter. C'est ainsi que l'on s'aperçoit que l'effondrement du capitalisme de l'Est entraîne comme prévu l'écroulement du capitalisme de l'Ouest. la "société" actuelle s'effondre toute entière dans le gigantesque trou noir de l'Est.
Et les premiers signes évidents de cette vérité nous viennent d'Allemagne. Pourquoi l'Allemagne? Parce qu'une fois le mur détruit (Zinovief disait: "Vous avez voulu détruire le mur, c'est vous qui le reconstruirez". I1 aurait dû rajouter "Si vous le pouvez..."), les allemands de l'Est, et à Berlin plus qu'ailleurs, ont pu constater facilement que la "richesse" de l'Ouest dépasse de loin tout ce qu'ils avaient pu imaginer. Comme ils n'y avaient pas plus droit que les autres habitants des pays de l'Est, mais que par contre ils en avaient une connaissance, et donc une envie, plus grande, ils se sont révoltés encore plus qu'ailleurs pour qu'on leur donne ce qu'on leur avait promis. Surtout que c'est officiellement dans ce but qu'ils ont été intégrés par l'Allemagne de l'Ouest, pays "riche" s'il en fut. Et pour les calmer, les patrons de l'Allemagne de l'Ouest ont volé leurs salariés encore plus que d'habitude afin de pouvoir entretenir un minimum la paix sociale en l'Allemagne de l'Est. Bien sûr, le résultat fut une grève générale en Allemagne de l'Ouest. Et ce qui me fait plaisir, c'est que ce n'est pas une grève de l'Ouest contre l'Est: les Allemands de l'Est, à commencer par ceux de Berlin, se sont mis en grève eux aussi, en n'oubliant pas de bien préciser qu'ils étaient solidaires de ceux de l'Ouest.
Parlons un peu de Los Angeles et des USA. Au début, les médias ont essayé de nous faire croire qu'il s'agissait d'émeutes raciales. Mais ils ont été bien vite obligés d'admettre (certainement devant l'incrédulité des gens qui ont donc commencé à cesser de n'être que de simples spectateurs. Ce qui est rassurant.) qu'il s'agissait en fait d'émeutes de la pauvreté et que toutes les couleurs de peau y avaient participé. Ils ont même donné la parole à un gar qui a dit: "Les USA n'arrêtent pas d'envoyer du fric à l'Est. Mais les pauvres des USA en ont tout autant besoin que les pauvres de l'Est". Les pauvres des USA se sont donc servi à la source: ils ont pillé les magasins. Qui oserait le leur reprocher? Le fait est là: les USA sont eux aussi en train de s'effondrer dans ce trou noir qu'est l'Est. Et tous les Pays vont suivre.
CETTE SOCIETE S'EFFONDRE.
Les riches s'enrichissent en appauvrissant les pauvres. C'est pour que les pauvres ne bronchent pas que les riches leur mentent. Le mensonge global sur le monde, c'est le spectacle.
Le spectacle est le discours du pouvoir. I1 est l'image du monde que le pouvoir cherche à nous imposer avec l'aide des médias, qui sont tous au service de ceux qui les financent (Les gens du pouvoir). I1 est le mensonge destiné à nous faire réagir selon des façons calculées par le pouvoir. Afin qu'on accepte de prendre le spectacle pour la réalité, le pouvoir va jusqu'à reconstruire la réalité selon le spectacle (Ex: faux-terrorisme, faux-gangsters, fausse-guerre, etc...). le spectacle reconstruit la réalité: il est le maître du monde: il est le pouvoir. I1 commande aux chefs, même les plus hauts placés. pour une meilleure compréhension, lire: "Traité de savoir vivre à l'usage des jeunes générations" de Vaneigem chez "Gallimard", puis "La société du spectacle" de Debord chez "Gérard Lebovici".
Le pouvoir doit changer son mensonge dès qu'il ne permet plus d'empêcher les révoltes. Depuis la "Deuxième guerre mondiale", le spectacle de la guerre froide a fonctionné environ quarante ans, celui de l'effondrement du communisme cinq ou six ans, un an celui de la guerre Nord/Sud et quelques mois celui de la chute finale du communisme. I1 y a baisse très nette de la durée de vie d'un spectacle. La crédibilité du spectacle est en chute libre.
Comme d'après Debord, nous sommes dans la société du spectacle, c'est la "société" qui s'effondre.
La plupart des gens ne connaissent pas l'existence du concept de "spectacle"; ils considèrent alors que cette "société" est capitaliste. Ces deux visions ne sont pas tellement contradictoires. La première est seulement plus fine.
Pour m'exprimer cette fois-ci selon le deuxième point de vue, le capitalisme doit financer la répression, la paix sociale. Et ça coûte de plus en plus cher. Et comme il n'y a plus le Stalinisme pour réprimer les populations des pays de l'Est, les capitalistes de l'Ouest ne peuvent plus se contenter de payer pour maintenir la paix sociale à l'Ouest, ils doivent dorénavant la financer aussi à l'Est. Ils ont du mal à être simultanément au four et au moulin. C'est pourquoi le capitalisme s'effondre. ça a déjà commencé à craquer. Et pas seulement par cette grève allemande et ces pillages en Amérique du nord, mais aussi en Afrique où, au Zaïre, pour ne parler que de lui, l'armée elle-même a aidé la population à piller les magasins; dans ce pays, l'occident, qui avait envoyé des militaires Pour le maintien de l'ordre, n'a pu les y maintenir.
QUE FAIRE?
Le vent se lève, il faut tenter de vivre.
Le capitalisme s'effondre. Mais la révolution, c'est à dire les révolutionnaires, sauront-ils en profiter? Telle est la question qu'il ne faut pas se poser: la seule vraie question est "Comment profiter de l'effondrement, devenu évident, du capitalisme pour faire la révolution?" La réponse est simple: l'effondrement du capitalisme, c'est son pourrissement, sa transmutation en fumier; c'est sur le fumier que poussent les plus belles fleurs, il suffit que soient semées les graines. C'est ça le boulot des révolutionnaires.
La "société" actuelle s'effondre. Elle n'est déjà plus assez forte pour empêcher l'érection d'une nouvelle forme de société. Les révolutionnaires doivent s'unir afin d'être assez forts pour défendre la construction d'une société digne de ce nom, c'est-à-dire réellement humaine, où la solidarité dominera la concurrence et où la liberté, l'égalité et l'amour seront les trois piliers qui soutiendront le but principal: le bonheur. Celui de chacun par celui de tous et celui de tous par celui de chacun: un pour tous et tous pour un.
I1 faut tout faire pour en arriver à une grève générale mondiale unie au sein d'une même coordination. Et pour commencer, il faut semer la révolte et la grève partout où l'on en a l'occasion. Par exemple là où l'on se trouve. Semons le vent pour récolter la tempête!
Fait le 24 juillet 1992 par Bernadette Soubirou
Italie : état et mafia
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Exemple d’application de la théorie du concept.
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Pour comprendre ce texte, il faut connaître un peu les événements concernant le terrorisme en Italie et ses liens avec le gouvernement parallèle Potere Due, la loge P.2. Dans cette loge, il y avait des gens de tous bords, allant des " communistes " à l’extrême droite, en passant par des représentants du Vatican. P.2 était une fraction importante de l’état italien.
De 1969 à Milan jusque vers 1980 à Bologne, en passant par les attentats des Brigades Rouges, et l’enlèvement d’Aldo Moro par les mêmes B.R., Il y eut en Italie une puissante vague de terrorisme qui put être analysée très correctement par les théoriciens du spectacle. Lire à ce sujet " Du terrorisme et de l’état " de gianfranco sanguinetti et la " préface à la quatrième édition italienne de la ‘société du spectacle’ " de guy debord.
Le spectacle attribua ces attentats tantôt à l’extrême droite, tantôt à l’extrême gauche et parfois il ne les fit revendiquer par personne… Mais la loge P.2 en fut presque tout le temps responsable. Par exemple, des agents secrets infiltrés dans les Brigades Rouges avaient réussi à grimper au sommet de la hiérarchie des B.R. Ces agents devenant les chefs des B.R., les B.R. devinrent sans le savoir un groupe télécommandé par P.2, par l’état. C’est ainsi, par exemple, qu’ils en sont venus à enlever Aldo Moro et à le tuer.
Le but de ces attentats, de ce terrorisme spectaculaire, était de contrer efficacement la puissante tentative révolutionnaire qui se leva en Italie pendant toute la décennie qui suivit 68. Le simple spectateur était tenté de se dire : " Seul l’état peut nous sauver du terrorisme. Cessons de le combattre. " Quand les gens ressentent la nécessité de l’état, la révolution s’éteint.
Comme je l’ai dit, le terrorisme spectaculaire fut efficacement dénoncé. Nombreux furent les italiens qui comprirent que c’était l’état qui commanditait le terrorisme. Mais trop tard. La révolution était momentanément vaincue. Cependant, un rapport de force non négligeable força l’état à reconnaître partiellement les faits : les tribunaux italiens durent condamner la loge P.2 et ses membres pour cette vague de terrorisme, notamment pour les attentats de Milan et de Bologne qui firent chacun des dizaines de morts, et pour l’enlèvement et le meurtre d’Aldo Moro.
Ainsi tous les italiens surent la vérité(29).
Quelques années plus tard, les italiens virent que les chefs de la MAFIA étaient aussi les chefs de l’état, que la MAFIA et l’état s’étaient fondus l’un dans l’autre, que désormais " MAFIA " et " état " étaient " deux mots qui désignaient la même chose ". A cette époque, la moitié des députés italiens étaient en prison, et de nombreuses manifestations massives, parfois violentes, parcouraient les rues des grandes villes pour combattre la corruption. Ces manifestations s’attaquaient directement à l’état qui se trouvait donc à nouveau en grand danger.
C’est alors qu’apparut le spectacle du terrorisme mafieux : de nombreuses bombes furent posées et revendiquées par la MAFIA.
Dans un premier temps, le mouvement contestataire italien, loin de s’arrêter, continua tout en étant quantitativement aussi puissant qu’avant. Mais, au lieu de continuer à lutter contre l’état, il se mit à lutter contre la MAFIA. Ce qui, en analysant les choses avec la seule théorie du spectacle, n’avait aucune importance puisque " Non seulement les italiens savaient que le coupable de la vague de terrorisme des années 70 était l’état, mais en plus, ils avaient une parfaite conscience que la MAFIA et l’état, ‘c’est la même chose’ ; pour les italiens, dire que des bombes étaient posées par l’état ou par la MAFIA, c’était pareil ; pour eux, combattre la MAFIA ou l’état revenait au même. " Le spectacle avait cessé de tromper les italiens. Ainsi, la théorie du spectacle ne peut expliquer pourquoi ce mouvement s’éteignit quand même progressivement et finit par mourir.
Ce qui saute aux yeux de celui qui connaît la théorie du concept, c’est qu’à cette époque, en Italie, l’ennemi de la révolution a changé de nom. Auparavant on l’appelait " état " puis, brusquement, on l’appela " MAFIA ". Comme les italiens pensaient que " ces mots désignent la même chose ", la théorie du spectacle n’y a vu, et n’y voit encore, que du feu. Par contre, la théorie du concept sait que chez l’esclave, le mot croit désigner l’objet mais signifie le Concept, que le Concept se voulant fixe, les Concepts d’état et de MAFIA n’avaient pas encore changé ; elle sait que le Concept attaché à l’ennemi par le mot " MAFIA " n’était pas du tout identique à celui attaché par le mot " état ", même si ces mots croyaient désigner la même chose. Pour la théorie du concept, quand la Culture des italiens se mit à remplacer l’ennemi de la révolution par le Concept de MAFIA, ce n’était plus du tout pareil que pendant la période où elle le remplaçait par le Concept d’état.
Certes, dans la nature, l’ennemi n’avait pas changé, et les esclaves du concept le savaient. Mais ces derniers ne vivent pas dans la nature, ils sont dans la Culture et ne le savent pas. Et dans cette Culture, justement, l’ennemi avait changé : ce n’était plus le Concept d’état, mais le Concept de MAFIA. Pour cette Culture, l’ampleur de la contestation était devenue injustifiée.
Pour le dire autrement, dans la conscience de l’Homme, l’ennemi restait le même, mais dans son inconscient, il avait totalement changé. Pour l’inconscient, la puissance de la contestation devenait démesurée, voire même déplacée.
Apparemment anodin, ce changement du nom donné à l’ennemi porta un coup mortel à la dernière tentative révolutionnaire italienne.
1993, angèle
NOTES : (1) Marx et Debord ne sont pas des dieux, leurs livres ne sont pas des Bibles. Marx et Debord sont simplement des être humains, comme vous et moi. Ni inférieurs, ni supérieurs.
(2) Par exemple, en espagnol, " je pense " se dit " pienso ". En français il y a deux mots bien séparés, en espagnol un seul. Remarquons aussi qu'en espagnol on peut dire " yo pienso ", mais que cela veut dire " moi, je pense ".
(3) Je ne sais pas si, depuis la fin de la période maoïste, les choses ont changé.
(4) Dans le mythe biblique, Dieu inventa les langues pour punir les hommes.
(5) Toute la littérature pornographique prouve que le langage permet une excellente description de la montée vers l'orgasme. Cependant, il faut noter que si la montée est souvent décrite en plusieurs pages, la description de l'orgasme lui-même tient presque tout le temps en seulement une ou deux lignes.
(6) En annexe, vous trouverez une vulgarisation de la dialectique au sein du texte " histoire ".
(7) Dans le préliminaire avant présentation, nous avons vu que : " Le mot croit désigner l'objet mais signifie le concept ".
(8) Mais nos inconscients y croient-ils encore ? Pensent-ils encore sentir, percevoir, des Concepts autonomes ?
(9) Qui sera signifié tout simplement par le mot " chef "
(10) Dans le chapitre " La nature est relation ", nous avions décidé, après avoir constaté que tout objet peut être considéré comme une relation entre objets, d'utiliser le mot " relation " pour désigner un objet de la nature ou une relation entre objets. Désormais, nous nous autoriserons à utiliser le mot " histoire " pour parler d'une relation.
(11) Un concept a souvent plusieurs supérieurs hiérarchiques, mais pour simplifier le raisonnement de ce chapitre, nous ferons comme s'il n'en avait qu'un, ce qui ne change rien au principe du raisonnement ni à son résultat fondamental.
(12) " Homme " avec un " H " majuscule quand il est prisonnier du concept.
(13) Comme ça, au moins entre deux révolutions, le Concept se croira fixe.
(14) Vous aurez sûrement remarqué que le nom et le prénom de Pierre commencent par une majuscule…
(15) Ceci n'est pas à prendre au pied de la lettre, car la religion dominante du Japon est le shintoïsme.
(16)
Démonstration : Puisque l'idéalisme prend sa " perception directe "
du Concept pour la sensation, " le Concept a tendance à s'effacer "
signifie pour lui que le voile de la sensation se déchire.
Puisque l'ignorance prend la sensation pour la réalité, " cache moins la
sensation " signifie pour elle que la réalité commence à apparaître.
(17) Le mystique ne connaît pas de différence entre concept et Concept.
(18) L'islamisme, c'est l'effondrement de l'islam.
(19) J'ai hésité à écrire " Concept " ou " concept ", dans cette phrase. Si j'avais écris " Concept ", le lecteur aurait pu penser que le concept n'était pas concerné par cette croyance. Alors que les deux sont concernés. Ce qui se passe, c'est que pour tout prisonnier du concept qui n'a pas un minimum de connaissance de théorie du concept, le concept et le Concept, c'est la même chose. Il ne fait pas la différence. Il n'emploie qu'un seul mot. En fait, il n'a pas de concepts, il n'a que des Concepts. L'idéalisme n'a que des Concepts.
(20) Bien sûr, elle fait partie de la nature, mais elle est une nature artificielle qui se prend pour la nature. Elle ne peut donc même pas imaginer l'existence d'autre chose qu'elle-même. En cela elle est séparée de tout le reste, de ce qu'on pourrait avoir envie d'appeler la " vraie nature ".
(21) La séparation entre nature et Culture n'est qu'un aspect de leurs relations. Mais ces relations existent. C'est pourquoi l'idéaliste est bien obligé de s'apercevoir qu'il y a quelque chose d'autre que la Culture. Mais il l'amenuise autant qu'il peut.
(22) Le premier outil inventé par l'homme, celui qui lui a permis d'inventer tous les autres, c'est le concept, qui, dès le départ, est déjà Concept. Les outils sont des Concepts matérialisés. Ceci explique pourquoi l'homme est esclave de ses outils, pourquoi ce n'est pas l'homme qui se sert des outils mais les outils qui se servent de l'Homme.
(23)
Démonstration : On a les deux égalités : antisociété = matérialisation du Concept
de société
antisociété = matérialisation de la Culture
Donc
: matérialisation du Concept de société = matérialisation de la Culture
D'où : matérialisation du Concept de société = matérialisation de
la Culture
Et enfin : Concept de société = Culture
(24)
Démonstration : Le sens du mot " société ", c'est le Concept de société, c'est
la Culture.
Le
sens du mot " nature ", c'est le Concept de nature, c'est la Culture.
(25) La Culture n'a aucune idée de la différence entre concept et Concept. Elle prend tout pour des concepts (alors qu'elle n'a que des Concepts).
(26) Comme le temps est devenu marchandise, il a un prix : " Le temps, c'est de l'argent. "
(27) Dans le langage de la théorie du spectacle, on dit aussi " spectacle d'ennemi " ou " ennemi spectaculaire ".
(28) Qui est celle qui contrôle la relation-qui-dorénavant-sera-controlée-par-une-Coupure-du-Concept-élémentaire.
(29) Petit exercice proposé par l'auteur en 1998 :
Depuis quelques mois, en France, les médias testent la mémoire des gens sur cette vérité : ils rappellent que les B.R. commirent de nombreux meutres. Mais ils " oublient " systématiquement de rappeler ce qu'était P.2 et quelle était sa responsabilité dans le terrorisme, en particulier pour l'enlèvement et le meurtre d'Aldo Moro. Pourquoi ?
Vive la révolution : http://www.mai68.org
ou :
http://www.cs3i.fr/abonnes/do
ou :
http://vlr.da.ru
ou :
http://hlv.cjb.net