Individuellement, ils se sont dits satisfaits de
leur prestation, mais les dirigeants du G8 n'ont pas vraiment
de raisons de se montrer fiers des résultats du sommet de Gênes. Les
quelques avancées, notamment sur l'aide aux pays pauvres et sur les
pandémies ont été éclipsées par leurs désaccords au sujet de
l'environnement et la vague de violence que le sommet a
soulevée.
"Le G8 de Gênes a été un sommet majeur de la violence. C'est
inacceptable", a ainsi lancé le président de la
Commission européenne, l'Italien Romano Prodi. Le bilan des
violences est dramatique : un jeune manifestant de 23
ans tué d'une balle dans la tête par un carabinier, plus de 500
blessés et des dégâts matériels
considérables.
L'image qui restera du sommet de Gênes sera celle d'une ville
vidée de ses habitants et dont le centre aura été transformé
en cité interdite, défendue par près de 20 000 policiers et
carabiniers chargés d'assurer la tranquillité des dirigeants
des sept pays les plus riches de la planète (Etats-Unis,
Canada, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie) et de
leur homologue russe.
Les leaders des mouvements anti-mondialisation n'ont guère plus
de raisons d'être satisfaits. Certes, près de 200 000 personnes ont
participé samedi à la grande manifestation anti-G8 pacifique.
Mais ce qui avait commencé comme une grande fête a tourné au drame à
cause des casseurs, véritable cesse-tête pour le mouvement. Et si
les chefs d'Etat sont désormais sommés de réfléchir à la nature de
ces grands rendez-vous spectaculaires, les associations
anti-mondialisation doivent, quant à elles, trouver des solutions
pour faire face à la violence.
Présents à chacun des rendez-vous anti-mondialisation, les
militants radicaux et anarchistes infiltrent les cortèges puis les
débordent, attaquent les forces de l'ordre et provoquent
d'importants dégâts matériels. Le jeune manifestant tué a été abattu
alors qu'il s'apprêtait à lancer un extincteur sur un carabinier,
qui a tiré. Issus de la mouvance anarchiste, ils sont organisés,
équipés, rompus aux tactiques de la guérilla urbaine et très
violents. Ils avaient traumatisé la ville suédoise de Göteborg, hôte
du dernier sommet européen les 15 et 16 juin, où, paniqué, un
policier avait tiré, blessant grièvement l'un d'eux.
Gênes était le rendez-vous de la vengeance, exprimée ici avec des
cocktails Molotov. Tout le monde redoute désormais leur prochaine
apparition. “Je veux entendre les responsables de tous les
mouvements et partis démocratiques, partout dans le monde,
prendre leurs distances avec les casseurs”, a tonné le
premier ministre belge, Guy Verhofstadt, invité en sa qualité
de président en exercice de l'Union
européenne.
La Belgique va organiser deux sommets européens d'ici à décembre,
à Gand et Bruxelles. Rome pourrait également connaître ces violences
en novembre à l'occasion d'une grande conférence de la FAO. Le
syndicaliste agricole français José Bové, figure emblématique
du mouvement anti-mondialisation, y a déjà donné rendez-vous
"à tous les paysans du monde". Car le ressentiment monte
dans les rangs du "peuple de Seattle" contre les puissants de
ce monde, incapables de répondre à leurs
préoccupations.
“DES DÉCISIONS QUI NE SONT PAS NÉGLIGEABLES”
Les dirigeants du G8 récusent ce constat. "On a pris un
certain nombre de décisions qui ne sont pas
négligeables", a insisté le chef de l'Etat français, Jacques
Chirac. "Il est essentiel que les dirigeants des principales
puissances mondiales puissent se voir, se parler, que les plus
généreux puissent convaincre ceux qui ont tendance à l'être
moins", a-t-il plaidé.
Mais si une grande partie de leurs discussions a été consacrée à
la lutte contre la pauvreté dans le monde et aux moyens de réduire
la pollution, les résultats sont maigres, voire nuls, sur
l'environnement. Le protocole de Kyoto demeure
bloqué.
Les conclusions de Gênes sont très volontaristes, mais les
actions concrètes envisagées notamment en faveur de l'Afrique
sont soumises à une multitude de conditions hypothéquant leur
mise en œuvre.
Comme pour se rattraper, les Huit ont fait un geste en direction
des mouvements anti-mondialisation, qui dénoncent leur
légitimité et leur utilité. Le G8 a annoncé une cure d'austérité
pour ses prochains sommets.
Et le prochain président en exercice
du G8, le premier ministre canadien, Jean Chrétien, a déjà
annoncé la couleur. "Là où nous allons, il n'y a que 350
chambres", a-t-il prévenu en annonçant le lieu du
prochain sommet : Kananaskis, une petite localité de la
province de l'Alberta, dans les montagnes Rocheuses.
"Si
vous voulez venir, vous devrez apporter votre sac de couchage",
a-t-il lancé à la cantonade.
Derrière l'ironie se cache cependant une réalité : après
les mises à sac de Göteborg et de Gênes, aucune ville ne
voudra accueillir les grandes réunions internationales à cause
des violences. Et si elles acceptent, ces villes se verront
transformées en citadelles asségiées. La présence d'une contestation
violente des sommets dessine en creux la remise en question de
ceux-ci et impose aux chef d'Etat d'y réfléchir sérieusement.
Avec AFP
Défense antimissile et armes nucléaires
En marge du sommet de Gênes, les présidents américain George W.
Bush et russe Vladimir Poutine ont annoncé, dimanche 22
juillet, avoir convenu de lier le projet de système de défense
antimissile voulu par Washington à une discussion sur une réduction
des arsenaux nucléaires des deux pays. "Les armes
offensives et la question des armes défensives seront
discutées comme un tout", a déclaré M. Poutine lors d'une
conférence de presse conjointe à l'issue de son deuxième
face-à-face avec le président américain. "Les deux vont
ensemble main dans la main", a déclaré M.Bush. Les
Etats-Unis veulent obtenir de Moscou une modification du
traité de limitation des systèmes antimissiles (ABM) de 1972 afin
de pouvoir déployer leur bouclier antimissile (MD). En matière
de réduction des arsenaux nucléaires américains, "nous ne
sommes pas réellement prêts actuellement à discuter des seuils
ou des quantités, mais une volonté commune existe", a
déclaré le président russe. qui a mis en garde Washington
contre une remise en cause unilatérale du traité ABM.
AFP