L'Italie se penche sur le comportement d'une police controversée
LE MONDE |
07.08.01 | 13h01
MIS A JOUR LE
07.08.01 | 14h44
Les brutalités policières lors
du sommet du G8 à Gênes, les 20 et 21 juillet, continuent de faire
des remous en Italie. La mission d'information parlementaire sur les
violences de Gênes commence ses travaux mardi 7 août. L'opposition
réclame l'audition de Gianfranco Fini, le chef de l'Alliance
nationale, qui se trouvait dans les locaux de la police. La police
italienne, rajeunie, a été "formée" à l'école des hooligans et de la
violence dans les stades de football. Les témoignages recueillis par
nos correspondants en Europe font apparaître des mauvais traitements
policiers sans précédents récents dans un pays de l'Union européenne
à l'occasion d'une manifestation de masse.ROME
correspondance
Il avait l'habitude des
auditions devant la commission parlementaire anti-Mafia en sa
qualité de "héros de la lutte contre Cosa nostra". Cette
fois, Gianni De Gennaro, le chef de la police, devra faire appel à
toute son habileté pour se défendre devant la mission d'information
parlementaire sur les événements de Gênes, où il est attendu
mercredi 8 août. Les sondages publiés ces jours-ci montrent que la
tourmente est loin de l'avoir épargné : alors que deux de ses
proches collaborateurs, ainsi que le chef de la police de Gênes, ont
été mutés d'office, 50 % des personnes interpellées se disent
favorables à sa démission, contre 25 % qui s'y opposent et
25 % qui sont sans opinion.
Selon les indiscrétions,
celui qui fut le bras droit de Giovanni Falcone, le juge assassiné
par la Mafia, devrait rappeler aux parlementaires la complexité
d'une mission qui consiste à assurer à la fois la sécurité des
membres du G8 et la liberté de manifester de 200 000
contestataires, l'impossibilité de tenir séparés les violents des
pacifistes, les recommandations faites aux agents de se montrer
tolérants, le fait que les contrôles aux frontières aient été
rétablis trop tard.
En attendant, pour la mission
d'information parlementaire qui doit commencer ses travaux mardi
7 août, la question est de savoir jusqu'où doit aller
l'enquête.
Pour l'opposition, la majorité
doit démontrer qu'elle tient à la vérité, en acceptant sa
proposition d'entendre tous les membres du gouvernement directement
concernés par les événements : du ministre de l'intérieur,
Claudio Scajola, à celui des affaires étrangères, Renato Ruggiero,
qui avait tenté d'ouvrir le dialogue avec les contestataires, en
passant par Roberto Castelli, le ministre de la justice, qui, dans
la nuit du samedi 21 au dimanche 22 juillet, se trouvait dans
la caserne Bolzaneto, au centre des accusations de
violence.
Mais c'est surtout l'audition de Gianfranco Fini,
réclamée à grands cris, qui est au centre des polémiques. Que
faisait le vice-président du Conseil dans les bureaux de la
police ? Une présence qui relance les interrogations sur le
rôle d'Alliance nationale, son parti, qui se veut celui de l'ordre,
et qui selon nombre de commentateurs aurait donné aux policiers le
sentiment d'être couverts "quoi qu'il arrive". Certains
mettent en cause le fait que Gianfranco Fini ait pris la défense du
carabinier qui avait tué le manifestant le
21 juillet.
UN TABLEAU
ACCABLANT
Les témoignages, eux, continuent de
dresser un tableau accablant de ce qui s'est passé dans la caserne
Bolzaneto, où étaient conduits les interpellés avant d'être
transférés en prison : de véritables récits de
"tortures". Ce sont les magistrats chargés de l'enquête qui
emploient le mot tabou. Comment définir autrement les dizaines de
témoignages de personnes obligées de rester debout près de quinze
heures, les coups de matraque sous la plante des pieds pour ne pas
laisser de traces, les têtes frappées contre les murs, les insultes,
les menaces de viol, les chansons et les slogans fascistes à
répéter…
Ce qui ressort également de ces témoignages, c'est
que la caserne semblait ouverte à tous les agents, chacun de ceux
qui avaient été engagés dans les affrontements pouvait passer se
défouler contre les "ennemis". Rien d'étonnant alors que,
côté perquisition musclée à l'école Diaz, l'on ait appris, avec
l'acquisition par la magistrature des enregistrements des contacts
radio entre les véhicules de la police et la centrale, que l'appel
pour l'opération, lancé par un fonctionnaire de police, fut du
style : "Envoyez-nous un contingent, on va les
massacrer", et que de la préfecture de police, ce soir-là, on
ait téléphoné pour demander l'envoi de "plusieurs
ambulances" avant même de commencer ce qui ne devait être
qu'une perquisition.