7 juin 2002

 

Tous supporters ?

          La Coupe du Monde de football s'est maintenant transportée en Asie à la faveur de la monotonie du calendrier sportif. La trace laissée il y a quatre ans a définitivement marqué l’espace sonore et visuel : pas une minute sans le rabâchage des mêmes vociférations en forme de discours cohérents alors que la plupart de la population n’en a rien à foot. L’ennui sportif s’agrège, les intellectuels y contribuent.
          Les journalistes feignent quant à eux les questions de haute volée telle : “ le football peut-il résoudre le conflit entre deux nations ? Oui et non, dit la réponse pré-programmée, mais il est quand même un facteur positif bien que non suffisant ”. Les conneries de ce genre s'étalent partout et depuis longtemps. On aura même pu entendre sur la radio nationale que la dictature de Videla en Argentine aurait chuté grâce à la coupe du monde organisée dans ce pays : il était donc juste d'y participer. Le football est l’essence du négationnisme.

          Il est aussi une zone mondiale de non-droit qui mêle vers un horizon commun les deux droites de l'économie: la maffieuse et l'officielle (branchée). Malgré de nombreux articles dans la presse sur le fric du foot, l’essentiel est tenu en dehors des projecteurs : le sport et plus spécifiquement le football a cessé d'être un jeu pour devenir un “ Appareil Capitaliste et Stratégique ” comme dit un sociologue, c’est-à-dire un type spécifique d'entreprise capitaliste se situant à l'avant-garde de la barbarie. Ainsi est-il juste de dire : “ celui qui ne veut pas parler du capitalisme, qu’il se taise à propos du football ”.
          Mais où sont donc les républicanistes de choc qu’on a pu voir et entendre ces derniers mois ? Face aux magouilles, à la “ lepénisation des esprits ”, aux raisonnements très ethnicistes amplement médiatisés, au pouvoir très autocratique qui règnent dans l’organisation du football, on peut se demander où est passé leur morale qui se faisait fort de donner des leçons il y a quelques mois. En tout cas, si leur morale est celle de l’apologie de ce qui existe, la notre est celle de la critique. Et la critique ne s’arrête pas au foot mais, dans le même mouvement, prend pour objet la société qui l’a vu naître.
          Le point aveugle de la rétine syndicale n’est pas non plus en reste dans cette messe sportive. Déjà, lors de la dernière coupe (pleine), les CRS avaient investi les points névralgiques du réseau ferroviaire quelques mois avant le début du Mondial afin de prévenir d’éventuelles actions directes des salariés. Les bonzes bouffis des directions syndicales, dans leurs habits de CRS symboliques, y allèrent de leur “ tous supporters ! ”, “ tous ensemble ! ” pour appeler les salariés des transports à leurs responsabilités : renoncer à leurs revendications.

          Ce gigantesque conditionnement des corps et des esprits que représente le football est identique à celui inauguré par la chute tragique des buildings new-yorkais. Et l’un des canaux de cette opération est l’Éducation. Depuis quelques années en France il s’agit de faire rimer sport et citoyenneté en prenant comme modèle l’aile ou la cuisse des champions à la mode. Des “ professeurs d’Éducation Physique et Sportive ” (payés par l’Etat) tentent cette quadrature du cercle : ils se rendent d’ailleurs bien compte qu’il y a une légère contradiction à vouloir transmettre des “ valeurs sportives ” alors que la réalité du sport les contredit partout et toujours. Emportés par leurs illusions sur le sport, ils suivent la tendance qui veut former une génération “ citoyenne ”.. La marche de cette société, voue déjà cette tendance à l’échec.

          Vivre sans dieux ni stades : telle devrait être la devise pour s’attaquer sans répit au sport et clarifier la situation politique. Ce ne serait pas un mauvais commencement !

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Note de do :

Vous pouvez aussi lire mon journal intitulé : « Horreur 2000 ».

 


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