4 novembre 2004

LETTRE OUVERTE AUX JUIFS AMÉRICAINS
Asaf Oron réserviste de l'armée israélienne

[Note de do : cette lettre montre bien les rapports entre sionisme et nazisme]

          Veille de Pessah [Pâque juive], 2002

          Chers tous,

          J'ai été informé hier d'un intéressant phénomène : une organisation juive de soutien à la paix appelée Tikkun a publié une annonce en notre faveur (nous les refuzniks réservistes israéliens comptant actuellement plus de 1 000 soldats israéliens, officiers et généraux) et a été immédiatement bombardée de courriels et coups de téléphone haineux venant d'autres Juifs américains. Ce qui est plus intéressant est que même d'autres Juifs se considérant comme soutiens à la paix ont dénoncé l'annonce de Tikkun, au point que certains membres du Comité Consultatif de Tikkun donnent leur démission afin de limiter au minimum les préjudices personnels. Tout ça m'a tellement attristé, alarmé et irrité que je me suis retrouvé isolé une demi-journée à la veille de Pessah, à écrire cette lettre ouverte à vous tous. Comme d'habitude, elle est plutôt longue. Je vous en prie, soyez patient avec moi.

          La plupart des attaques "civilisées" portaient apparemment – c'est comme cela que je le comprends –, sur tel ou tel détail de l'annonce de Tikkun. Ce n'est en rien nouveau pour moi. Pendant les deux mois écoulés depuis la diffusion de notre propre annonce, j'ai entendu et lu tellement d'arguments spécifiques sur des aspects particuliers de notre geste. Allant de la recherche mesquine de la petite bête jusqu'au franc ridicule, chacun d'entre eux peut être réfuté et réduit à néant en deux minutes. Mais sitôt que vous les avez réfutés, de nouveaux arguments particuliers poussent comme des champignons. Il est clair que derrière toute cette critique, il y a quelque chose de très général et de non-spécifique. C'est pourquoi, si vous me le permettez, je vais partir du général pour n'en venir qu'ensuite à deux ou trois de ces questions spécifiques.

          Le thème général est le thème tribal. Une voix très forte (et actuellement, en Israël, c'est la seule voix qu'il soit pleinement permis d'entendre) ne cesse de clamer que nous sommes au milieu d'une guerre entre deux tribus : une tribu d'êtres humains, du Bien à l'état pur – les Israéliens – et une tribu de sous-hommes, du Mal pur – les Palestiniens –. Cette voix est si forte qu'elle a même trouvé son chemin jusqu'aux pages éditoriales du New York Times (William Safire, 24 ou 25 mars). À ceux qui trouvent cette image en noir et blanc un peu dure à croire, la même voix crie que c'est une guerre de vie et de mort. Une seule tribu survivra. Alors, même si nous ne sommes pas purement bons, nous devons faire dormir moralité et conscience, la fermer et nous battre pour tuer – sinon les Palestiniens nous jetteront à la mer.

          Ça ne vous rappelle rien ? À moi bien. Pendant mon enfance en Israël sous Golda Meir et Moshe Dayan, tout ce que j'ai entendu c'est : les Arabes sont des monstres inhumains qui veulent nous jeter à la mer, ils ne comprennent que la force, et depuis que nos merveilleuses FDI [Forces de Défense Israéliennes] ont gagné la Guerre des Six Jours, ils ne sont pas près de revenir se frotter à nous – sinon... Et bien sûr nous devons conserver les Territoires Libérés, car il n'y a personne avec qui parler. Puis est venue la guerre du Kippour, et pour un enfant de 7 ans, c'était la preuve parfaite que les Arabes veulent nous jeter à la mer, et quelle grande occasion c'était pour nos glorieuses FDI de leur donner une leçon. J'ai prié pour que la guerre aille à son terme naturel : la complète reddition de toutes les armées arabes. J'étais alors trop petit pour évaluer comment la guerre a réellement pris fin ; tous ces cessez-le-feu et pourparlers étaient trop compliqués, trop ennuyeux, beaucoup plus ennuyeux qu'une guerre. Et il paraissait humiliant que NOUS dussions nous retirer dans ces cessez-le-feu; je me souviens que la réouverture du Canal de Suez était présentée dans nos médias comme une espèce de défaite.

          Quelques années ont passé et une drôle de chose s'est produite : ces Arabes qui-voulaient-nous-jeter-à-la-mer sont venus discuter avec nous, et en échange de tout le Sinaï ils signeraient une paix entière. Le chef d'état-major (feu Motte Gour, qui fut plus tard un ministre du Parti Travailliste) hurlait que c'était un canular, que nous ne devions pas croire Sadate, mais les politiciens devaient signer. Adolescent, je suis allé manifester contre le retrait du Sinaï. Je trouvais étrange que la plupart des manifestants fussent des Juifs orthodoxes. Après tout, c'était une question de pure logique : on ne peut faire confiance aux Arabes, c'est ce que nous avons appris dès le premier jour. Heureusement pour le pays, le gouvernement et la majorité du peuple a recouru à une autre logique, et nous ne sommes pas passés à côté de la paix avec l'Égypte.

          Mais le paradigme « ils-veulent-nous-jeter-à-la-mer » a immédiatement trouvé de nouveaux champs d'application. Il y avait une réalité gênante sur la frontière Nord, et bien que les forces adverses aient strictement adhéré à un cessez-le-feu secret pendant environ un an, ils étaient arabes et par conséquent, on ne pouvait leur faire confiance. Si bien que nos discours nous ont conduits à envahir le Liban et à y établir un régime mieux disposé envers nous. Le maître à penser de l'invasion était le ministre de la défense Ariel Sharon, et Shimon Peres, alors chef de l'opposition, vota avec son parti en faveur de l'invasion. Ce n'est que plus tard – quand la situation a tourné au vinaigre et après que de nombreux refuzniks se soient déjà retrouvés en prison –, que l'opposition principale s'est tournée contre toute l'affaire. Pour moi, à 16 ans, ce fut aussi un tournant. Lorsque j'ai compris que le gouvernement m'avait menti pour me vendre cette guerre, je suis passé du "centre-droit" à la "gauche".

          Quelle tristesse qu'il m'ait encore fallu presque 20 ans, dans un lent et douloureux processus, pour comprendre combien les mensonges et les auto-illusions sont profondément enracinés dans notre perception collective de la réalité.

          De toute façon, lorsque Peres a retiré le gros de nos forces du Liban en 1985, on ne pouvait toujours pas faire confiance aux Arabes. Et donc, pour calmer notre paranoïa et notre suspicion sans limite, nous avons créé cette source perpétuelle de mort et de crime, ironiquement connue sous le nom de « zone de sécurité ». Il a fallu des années, beaucoup de sang et « Quatre Mères » contre presque tous les politiciens, les généraux et les chroniqueurs pour finalement nous faire sortir du Liban. Sur ce long et dur chemin, nous avons appris que même les Libanais sont des êtres humains dont les droits doivent être respectés. Mais pas les Palestiniens. Parce que les Palestiniens sont trop douloureusement proches, comme un frère rival (et, si je puis ajouter, parce qu'ils ont toujours été si faibles), nous leur avons réservé un traitement particulier. Les tenant sous notre férule, nous nous sommes permis de les piétiner comme de la poussière, comme des chiens. Nous agissions ainsi même avec nos propres citoyens palestiniens (en particulier avant 1966), mais nous avons perfectionné notre traitement dans cet étrange no man's land créé en 1967, et connu sous le nom de « Territoires Occupés ». Nous y avons créé une réalité entièrement hallucinatoire dans laquelle les vrais humains, membre de la Nation des Maîtres, peuvent se déplacer et s'installer librement et en sécurité, tandis que les infra-humains, la Nation des Esclaves, étaient repoussés dans les coins, maintenus invisibles et contrôlés sous la botte de nos FDI. Je sais. J'y étais. J'ai appris à faire ça, au milieu des années 80.

          J'ai commis des actes et j'ai été témoin d'actes dont j'ai honte encore aujourd'hui. Heureusement pour moi, je n'ai pas eu à être témoin de quoi que ce soit ou à faire quoi que ce soit de vraiment "pornographique", comme ça a été le cas pour certains de mes amis. À partir de 1987, cette réalité cruelle, invraisemblable, contre-nature, insultante des Territoires nous a explosé au visage. Mais du fait de notre croyance inébranlable que les Palestiniens sont des monstres qui veulent nous jeter à la mer, nous avons réagi en essayant de maintenir à tout prix ce que nous avions créé. Cela signifiait bien sûr le recours à plus et plus et plus de force, avec pour résultat naturel de recevoir plus et plus et plus de force en retour. Lorsqu'un processus de paix débutant et hésitant a cherché à se frayer un chemin dans ce gâchis, un facteur majeur (peut-être LE facteur) qui l'a sapé et vidé de son sens, a été la peur et la suspicion sans bornes de notre establishment à l'égard de L'Autre. Pour trouver une solution à cette peur et à cette suspicion, nous avons choisi la voie démente d'exiger le plein contrôle sur L'Autre tout au long du processus. Lorsque cet Autre a finalement jugé que nous lui escroquions sa liberté (et qu'il avait assez de ses propres désordres mentaux pour s'accommoder des nôtres en sus), la violence a éclaté et tous nos vieux instincts se sont réveillés.

          Les voilà, avons-nous dit, soulagés, nous voyons de nouveau leur vrai visage. Les Arabes veulent nous jeter à la mer. Il n'y en a aucun avec qui parler ("pas de partenaire", comme disait notre ex-premier ministre bien aimé), et ils ne comprennent que la force. Aussi nous avons réagi comme nous savons le faire et comme nous l'affectionnons : avec plus et plus et plus de force. Cette fois, l'effet a été comme de mettre le feu à un baril d'essence. Et c'est à ce moment-là que je me suis dit : NON, je ne joue plus ce jeu.

          Vous allez me demander : oui mais, et la menace existentielle ? Et moi je vous demande : n'avez-vous pas d'yeux ? Vous ne voyez pas nos chars se balader tous les jours dans les rues palestiniennes ? Vous ne voyez pas nos hélicoptères survoler leurs quartiers, choisissant dans quelle fenêtre tirer un missile ? À quel besoin existentiel répondons-nous en écrasant les Palestiniens ? Je vous entends : prévention de la terreur, dites-vous. Permettez-moi de reprendre les mots merveilleux de mon ami Ishay Rosen-Zvi : Vous combattez la terreur ? La bonne blague ! Le gouvernement israélien, par ses politiques d'Occupation, a transformé les Territoires en une serre pour cultiver la terreur ! ! ! Nous avons semé les graines, nous les avons entretenues, nourries, puis notre sang a été versé et les politiciens du centre-droit ont récolté les bénéfices. À dire vrai, la terreur est la meilleure alliée des politiciens de droite. Vous savez quoi ? Lorsque vous traitez des millions de gens comme des sous-hommes pendant si longtemps, certains d'entre eux trouveront des stratégies inhumaines pour résister. N'est-ce pas ce que les Sionistes, et d'autres révolutionnaires juifs, avançaient comme argument, il y a environ un siècle, pour expliquer les stratégies de survie discutables que des Juifs employaient en Europe ? Nos aïeux ne disaient-ils pas : « vivons comme des êtres humains, et voyons comment nous agirons exactement comme d'autres êtres humains ? » Voilà la donne.

          J'espère qu'après cette première partie de ma lettre, il apparaît clairement que je n'achète pas cette merde du « ils veulent nous jeter à la mer ». C'est seulement une illusion collective à nous, ça. Mais ce qui est plus important, c'est que je ne vois pas de tribus. Je vois des gens, des êtres humains. Je crois que les Palestiniens sont des êtres humains comme nous. Quel concept, hein ? Et avant toute autre chose, avant TOUTE autre chose, nous devons les traiter comme des êtres humains sans rien exiger en retour. Non ! (ceci dit pour tous les fans immobilistes de Barak) : leur jeter quelques miettes dans lesquelles ils peuvent installer de pitoyables Bantoustans entièrement contrôlés, au milieu de nos colonies et de nos routes de contournement, et croire qu'il s'agit là d'un grand acte de « générosité », n'est en RIEN une réponse à cette exigence fondamentale. Cette exigence n'est PAS négociable. En outre, dans une parfaite démonstration de justice historique, c'est une exigence vitale pour la survie de notre propre État.

          Après cela, et me basant sur les leçons de l'histoire moderne, en particulier celle du conflit israélo-arabe telle que je l'ai décrite brièvement plus haut, je crois vraiment que les Palestiniens s'apaiseront et que cette sécurité et cette paix insaisissables nous viendront enfin et malgré nous (comme cela s'est produit, soit dit en passant, pendant près de deux années entières entre Wye 1998 et Camp David 2000). Je n'ai aucune police d'assurance pour cela (presque aucune, si ce n'est la promesse solennelle du monde arabe entier), mais rappelez-vous que j'ai cette curieuse idée que ce sont des êtres humains. De toute façon, nous voyons trop bien maintenant quel type de police d'assurance le paradigme opposé nous procure. En attendant, je refuse d'être un terroriste au nom de ma tribu. Parce que c'est de cela qu'il s'agit et pas d'une « guerre contre la terreur », comme notre machine de propagande essaie de le vendre. C'est une guerre DE terreur, une guerre dans laquelle, en réponse à la guérilla et à la terreur palestinienne, nous employons les FDI dans deux types de terreur. Le type le plus visible de terreur est constitué d'actes violents de meurtres et de destructions, que certains continuent à essayer de justifier comme « actes chirurgicaux de défense ». Le pire type de terreur, c'est le silencieux, qui se maintient sans répit depuis 1967 à travers le processus d'Oslo entier. C'est la terreur de l'occupation, de l'humiliation individuelle et collective, de privations et de vol légalisé, tour à tour d'exploitation et de manque de nourriture. Voilà la masse immergée de l'iceberg, la terreur qui est elle-même à long terme une serre pour une contre-terreur. Et je refuse simplement d'être un terroriste et un criminel, même si toute la tribu me condamne. Ceci m'amène au premier sujet spécifique : nous les refuzniks, sommes-nous persécutés et condamnés, ou bénéficions-nous des merveilleuses tolérance et démocratie israéliennes que nous exploitons pour semer le trouble ? Je dois admettre que ce n'est pas encore l'URSS ou le Chili de Pinochet, et au moins les Juifs jouissent ici d'une relative démocratie (la décrire comme vibrante et tolérante serait une grossière erreur, mais c'est là un tout autre sujet ; peut-être dans une autre lettre). Je dois tout d'abord signaler que le gouvernement et les FDI jouissent de l'image de "nous laisser parler" et ça les sert bien. Ensuite, d'une manière plutôt subtile mais efficace, l'establishment (avec l'aide généreuse et volontaire des médias) nous réduit au silence. Les médias ont décidé pour nous qu'il n'y avait pas d'opposition. Ainsi une manifestation de 20 000 personnes est rapportée en 5 secondes à la dernière édition du soir, et une manifestation de 500 personnes devant une prison militaire est complètement passée sous silence.

          Le fait qu'en ce moment même, il y a plus d'une douzaine de refuzniks en prison – le nombre le plus élevé en vingt ans – est caché du public israélien. L'histoire du capitaine (de réserve) Itai Haviv et du sergent (de réserve) Yair Yeffeth, qui ont réclamé un procès militaire complet – au cours duquel ils auraient pu prouver que le refus [de servir] est innocent et que c'est l'ordre de servir dans les Territoires qui est illégal – n'a été rapportée nulle part en dehors d'une brève mention dans les dernières pages de Ha'aretz. Le public n'a donc pas appris que les FDI ont éludé ces demandes et que Haviv passera la nuit du Séder [de Pessah, la Pâque juive] en prison suite à une "audience disciplinaire". J'espère que les lecteurs sont assez intelligents pour savoir que, si les médias le voulaient, ces histoires feraient la une. Pourtant vous continuez à entendre parler de nous. C'est bien là le mot-clef : DE nous. Mais vous ne nous entendez pas. Vous entendez seulement des gens expliquer, analyser, le plus souvent (dans un rapport de 99 à 1) pour nous attaquer. Nous sommes devenus les personnages idéaux pour « l'heure de haine », contre qui rassembler la tribu (avez-vous lu « 1984 » ?) De petits groupes mesquins de "volontaires" organisés contre nous, un maire qui appelait les autorités locales à ne pas nous embaucher, et un groupe d'industriels qui appelaient des employeurs à nous virer, ont tous eu droit, un moment, aux feux de la rampe. Personne n'a pris la peine de relever que ces appels étaient, de manière flagrante, illégaux (non, "la Loi" n'est rappelée que lorsque nous la "violons"). Personne n'a cherché à mettre des limites à cette discussion. Qui plus est, le premier ministre, dans un de ses rares discours publics, nous a blâmés nous (et pas sa politique catastrophique) pour la vague de terreur. Le chef d'état-major ne peut plus s'arrêter de parler de nous : il nous voit comme un troupeau d'agitateurs ayant un agenda secret. Ironiquement, la seule chose qui nous préserve d'un "goulag" à long terme, et de la perte de nos emplois, c'est l'opinion publique – les poches plutôt larges de soutien et de sympathie parmi des secteurs-clés dans le public israélien et les annonces de soutien comme celle publiée dans Tikkun. Sitôt que le gouvernement ou les FDI auront l'impression que les lumières sont éteintes et que personne ne voit plus rien ni ne se soucie plus de rien, ils trouveront ou inventeront la clause "légale" (les politiciens israéliens sont experts en la matière) et enverront ceux qu'ils croiront être nos meneurs en prison pour de longues périodes. Souvenez-vous, même le pauvre Abie Nathan y a passé deux ans simplement pour avoir osé parler de paix avec des membres de l'OLP. Mais ce n'est rien à côté de ce qui se passera quand notre gouvernement percevra une situation de « feu vert » – une énorme attaque terroriste, une attaque américaine contre l'Irak – il y aura un horrible bain de sang dans les Territoires, auprès duquel cette dernière année et demie laissera le souvenir d'un joyeux pique-nique.

          Et ceci m'amène à la seconde question spécifique, celle de l'allusion au Nazisme. Certains lecteurs pensaient que l'expression employée dans l'annonce de Tikkun « obéir à des ordres » était une allusion à l'argument des meurtriers nazis d'avoir « seulement obéi à des ordres ». Rav Lerner a bien fait remarquer à ces lecteurs que l'exécution automatique des ordres est une caractéristique de toute dictature, pas seulement de la dictature nazie, alors que le refus d'obéir pour raisons morales est un signe de démocratie. Je suis d'accord, mais laissez-moi être moins poli et moins politiquement correct. Après tout, c'est seulement mon pays qui s'en va en fumée tandis que j'écris. Qu'est-ce que c'est ? Israël a-t-il le monopole exclusif de pouvoir taxer ses rivaux de nazis ? et tout autre n'a qu'à la fermer, même quand la réalité commence à parler d'elle-même ? Des partis qui soutiennent l'idée essentiellement nazie de déporter tous les Palestiniens du pays, ont fait partie de notre Knesset et de notre carte politique « légitime » depuis 1984. De récents sondages d'opinions montrent que 35 % du public juif soutient actuellement cette « solution », comme on l'appelle parfois. Des leaders, des rabbins, et monsieur tout-le-monde, se sentent libres d'appeler ouvertement, dans les médias, à l'éradication de villes palestiniennes avec ou sans leurs occupants. Le week-end dernier, le général (de réserve) Effi Eitam – frais sorti de l'armée et tout prêt à prendre la tête du public religieux et à devenir député ou une alternative à Netanyahou – a eu droit, dans le supplément de Ha'aretz, à une couverture flatteuse. Il dévoilait une idéologie à donner la chair de poule, appelant à expulser en Jordanie ces Palestiniens qui ne veulent plus de leur servitude en Galilée ou en Cisjordanie, et à expulser vers le Sinaï ceux de Gaza. Et il a dit ceci : « Pourquoi nous, le pays le plus pauvre en terres, devrions-nous prendre en charge la résolution du problème palestinien ? » Je ne sais pas pour vous, mais moi je me souviens d'une certaine rhétorique nazie dans cette période sombre entre la Nuit de Cristal de 1938 et le début de la guerre, où les Juifs étaient chassés d'Allemagne mais ne pouvaient trouver refuge nulle part ailleurs. Quand je vois un général des FDI à la retraite, étoile montante du monde politique, recourir à la même exacte rhétorique nazie dans les pages du quotidien le plus « libéral » d'Israël, sans la moindre critique de la part de ses interviewers ou des éditeurs, l'horreur fait se dresser les cheveux sur ma tête.

          Mais quittons la scène politique pour revenir sur le terrain. Mon ami le capitaine (de réserve) Dan Tamir a décidé de servir dans les Territoires il y a environ un an, après s'être rendu compte de ce qu'il avait fait, quelques semaines plus tôt, en tant qu'officier de renseignements d'un régiment de réserve. Il s'est rendu compte qu'il avait établi les plans permettant de convertir une grande ville palestinienne en un ghetto fermé. Vous pouvez trouver l'intégralité de son compte-rendu sur notre site web, http://www.seruv.org.il/ [hébreu et anglais]. La grande majorité des Palestiniens des Territoires manquent de nourriture dans de tels ghettos, et, les jours de grâce où ils sont autorisés à en sortir à pied et peut-être à prendre un taxi, ces taxis se voient interdits d'emprunter la plupart des routes de la région qui ont un revêtement.

          Mais pourquoi écouter un homme « de gauche » ? Prenons plutôt cette information auprès d'officiers supérieurs des FDI. Le quotidien Ha'aretz (du 25 janvier) citait un des commandants les plus haut placés dans les Territoires, qui expliquait que pour se préparer à d'éventuels combats dans des zones urbaines denses, les FDI devaient étudier, au besoin, comment l'armée allemande avait « opéré » dans le Ghetto de Varsovie.

          Une semaine plus tard, le journaliste confirmait sa citation et le fait qu'il s'agissait d'une opinion largement répandue au sein des FDI. Mais il allait plus loin en le justifiant moralement. Un petit nombre de gens, dont moi-même, avons essayé de susciter un scandale autour de ça. Une lettre à l'éditeur a été publiée dans Ha'aretz. Une lettre beaucoup plus dure, que j'avais écrite, n'a jamais été publiée, et mon appel à une discussion téléphonique avec un éditeur est resté sans réponse. La question est retombée. Personne en Israël ni dans le monde juif à l'étranger n'était intéressé.

          Où étaient alors toutes ses âmes pieuses, qui cherchent aujourd'hui querelle à Tikkun pour une allusion indirecte à l'horreur nazie ? Où étaient-elles toutes lorsqu'un officier supérieur des FDI a fièrement lancé : « Pour battre les Palestiniens, soyons des Judéo-Nazis » ? Dans ma lettre à Ha'aretz, j'allais plus loin. Connaissant la mentalité des FDI, j'ai conclu que les FDI étaient opérationnellement prêtes à envahir des camps de réfugiés – ce qui est un crime de guerre indéfendable et absolu – et que, par cette fuite en direction de la presse, les FDI commençaient à mettre la pression sur le gouvernement et à préparer l'opinion publique à l'invasion. Ma lettre ne fut pas publiée. Elle a été envoyée le 2 février. Quelques semaines plus tard, nous avons tous vu les horreurs des invasions de camps de réfugiés et les ripostes sanglantes qui ont suivi, culminant au soir de Pessah. Et vous savez quoi ? Généraux et colonels se sont fait une petite tape dans le dos, morale et professionnelle, parce que ces invasions « prévenaient la terreur » et ne tuaient que des dizaines et non des milliers de personnes. (Note : en réalité, la raison majeure à la limitation de l'effusion de sang a été la décision, responsable, des « terroristes » de ne pas transformer les camps en champs de bataille totale. Mais ça pourrait changer au prochain round.)

          À la vérité, j'ai peu d'espoir que le public israélien se réveille. Le public israélien, dans sa peur et sa confusion, a pris la décision (avec l'aide des politiciens et des médias) d'aller dormir et de ne se réveiller que « quand tout sera fini ». Mais ce ne sera pas fini, parce que pendant que notre esprit est endormi, nos muscles se crispent dans leur prise mortelle, au lieu de faire la seule chose sensée (mais ça suppose d'avoir l'esprit ouvert) : lâcher prise. Les gars, allez-vous rejoindre les bandes d'hypocrites qui chantent des berceuses pour endormir Israël et fondent sur les refuzniks, sur Tikkun, pour que nous la fermions ? Ou assumerez-vous la responsabilité d'être les vrais amis dont Israël a besoin aujourd'hui –même si ça suppose, pendant un certain temps, de n'être pas « gentil » avec Israël ? Ce soir, à la table du Séder [de Pessah], souvenez-vous, je vous en prie, de la douzaine de refuzniks qui passent ce Séder dans une prison militaire.

          Mais, ce qui est plus important, souvenez-vous, je vous en prie, des mille et quelques personnes – dont trois quarts de Palestiniens et un quart d'Israéliens – qui étaient ici avec nous il y a un an et qui ont été assassinées. La plupart d'entre elles auraient pu se trouver ici avec nous, si vous et moi avions agi plus tôt. Maintenant nous avons agi, nous avons fait le peu que nous pouvions. Je vous en prie, pensez à ces milliers de gens qui pourraient être condamnés si vous persévérez à ne pas prendre position.

          Puissiez-vous avoir une joyeuse Fête de Liberté.

          
          Aidez-nous à nous libérer de la peur, du racisme, de la haine et des morts qu'il engendrent.

                    Bien à vous,
                    Asaf Oron     
   
          Traduit par Michel Ghys

          Lien originel : http://www.palestinet.org/israel/paroles7.htm

_____________________________
¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯

          La traduction en français a été réalisée à partir du texte anglais de cette lettre, accessible sur le site du Gaza Community Mental Health Programme : http://www.gcmhp.net/.

          Comme indiqué dans le corps de la lettre, le site des réservistes signataires d'une déclaration de refus de servir dans les Territoires Occupés est : http://www.seruv.org.il/.

          Il est à noter qu'il existe d'autres mouvements israéliens de refuzniks ou qui incluent dans leur action un soutien à des refuzniks.

          Pour l'organisation Tikkun et le magazine qu'elle publie, voir son site : http://www.tikkun.org/ (en anglais).

          Du même auteur, lire : Déclaration

_____________________________
¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯¯

REMARQUE d'un lecteur :

          Il n'y a pas eu de paix entre Indiens et cows-boys tant que les cows-boys n'eurent pas tué tous les Indiens dont ils étaient venus voler le territoire.

          Tous les traités de paix entre cows-boys et Indiens, tous sans aucune exception, furent trahis par les cows-boys !

          Ces traités n'ont servi que les cows-boys. Ils leur ont servi à reprendre leur souffle. Ils leur ont servi à préparer les prochaines déportations des Indiens dans des réserves volontairement infestées de maladies mortelles transmissibles. Ils leur ont servi à préparer les prochaines guerres et massacres. Ils leur ont servi à se redonner momentanément bonne conscience vis-à-vis de leurs femmes et de leurs enfants, et vis-à-vis de ceux qui, parmi eux, trouvaient que ça allait trop loin.

          Il en va de même en PALESTINE.

          Il ne s'agit pas d'une guerre de religion, mais d'une guerre de colonisation. Et la naissance de l'État d'Israël ne fut qu'une étape fondamentale de la colonisation sioniste de la Palestine !

          Les sionistes ont volé les meilleures terres des Palestiniens en 1947-48 (et aussi un peu avant, et ils ont continué après)

          Dire que c'est un bon compromis que les terres les plus mauvaises restent palestiniennes, c'est prendre les gens pour des imbéciles !

          De surcroît, s'il se crée un pays pour les Palestiniens avec lesdites terres restantes, le pays sera divisé en deux. Ce ne sera pas vivable. On l'a vu pour le Pakistan oriental et le Pakistan occidental ! Ils se sont séparés en deux pays distincts ; le Pakistan et le Bengladesh.

          Et puis de toute façon, si les Allemands avaient gardé la partie nord de la France à la fin de la guerre, en disant que c'était un bon compromis, qu'auraient dit les Français ?

          Ils auraient continué la résistance !

          C'est ce que font les Palestiniens.

          Le crime fut la création même de l'État d'Israël, puisqu'elle fut un atroce nettoyage ethnique. Une éventuelle reconnaissance de ce crime par l'État d'Israël lui-même ne lui ferait rien pardonner.

          Comme disent les Algériens aux généraux qui les gouvernent :

          PAS DE PARDON !

          L'État d'Israël est un nettoyage ethnique permanent. Les colonies en "territoires occupés" ne sont que des excroissances de la toute première colonie établie par les sionistes en Palestine.

          Tant que cette toute première colonie (celle nommée "État d'Israël") existera, elle continuera à produire des excroissances ! C'est pourquoi, en Palestine, l'État d'Israël doit être démantelé au même titre que l'État de l'apartheid l'a été en Afrique du Sud.

          Il est possible de démanteler l'État d'Israël (arme du sionisme) sans tuer les Juifs ni les jeter à la mer. On a bien démantelé par exemple l'Allemagne de l'Est sans tuer les Allemands et sans les déporter.

          Quand on est poli, à propos des Palestiniens en Palestine, on ne dit pas que l'État d'Israël les "transfère", on dit qu'il pratique le nettoyage ethnique !

          L'ÉTAT D'ISRAËL EST UN CRIME CONTRE L'HUMANITÉ !

          Le crime ne doit pas être pardonné, il doit être supprimé !

Signé : Anti-antisémite et par conséquent antisioniste (puisque, prétendant en permanence parler et agir au nom de tous les Juifs, et pas seulement en Palestine, le sionisme est le principal vecteur actuel d'antisémitisme)


Retour en AG

Vive la révolution : http://www.mai68.org
                      ou : http://perso.cs3i.fr/do
           ou : http://vlr.da.ru
              ou : http://hlv.cjb.net