23 mars 2006
MANIF PARISIENNE DU 23 MARS 2006
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Lien originel : http://paris.indymedia.org/article.php3?id_article=55354
PRIS DANS LA NASSE (Syndicale et policière)
Pris dans la nasse.
Arrivée à place d'Italie une heure en retard. Les métros étaient pleins de jeunes plutôt très agités, évidemment pas venus pour défiler tranquillement.
Nous arrivons sur la queue du cortège énorme. Immédiatement ce qui se remarque, c'est la présence de la CGT, et il est immédiatement évident qu'ils ne sont pas venus pour défiler : il n'y a quasiment que des gros bras, avec des gueules d'enterrement, des oreillettes et de quoi en découdre.
Nous choisissons de remonter vers la tête de cortège, comme beaucoup d'autres d'ailleurs, qui n'ont pas envie de défiler en cortège. Au départ, il n'y a pas de séparation claire entre la rue et les trottoirs : l'ambiance est la même que celles des précédentes manifs, joyeuse et remontée.
Nous croisons notamment les sans-papiers dont le cortège a été rejoint par plein de jeunes. Un petit détail significatif, cependant, tous les journalistes que nous croisons ont sur la tête des casques de chantier.
Au milieu du cortège, nous croisons un camarade qui a vu toute la manif passer : il nous explique que le service d'ordre de la CGT s'en est pris très violemment à des jeunes qui ne défilaient apparemment pas assez gentiment à leur gout.
Nous remontons rapidement pour voir ce qu'il en est : nous constatons que plus on s'approche du début de cortège, plus celui-ci est clairement divisé en deux : beaucoup de cortèges ont en effet un service d'ordre, c'est-à-dire des étudiants qui se tiennent par la main et regardent de travers ceux qui remontent sur le trottoir, dont nous faisons partie. Ce cordon de sécurité dérisoire, et parfaitement inefficace d'ailleurs en cas d'agression réelle, matérialise évidemment une frontière qui existe certainement en partie, mais qu'une démarcation physique ne peut qu'immédiatement accentuer.
Après l'imitation l'original : les molosses de la cgt sont en ligne en tête de cortège, ne crient aucun slogan à part « avance, avance », accompagné de violentes poussées sur le rebelle qui ne court pas au pas.
Nous sommes devant la gare Montparnasse, devant les magasins et le C et A : c'est ici que tout aurait certainement pu basculer : nous sommes des milliers, des jeunes, des très jeunes, mais aussi plein de plus vieux à évaluer une possibilité, celle de bifurquer là au lieu de continuer à avancer vers on ne sait quoi.
Nous avons le rapport numérique : mais les flics du Ministère et ceux des syndicats qui sont à ce moment là une masse compacte et menaçante ont eux la conscience que nous n'avons pas : ils se parlent alors que nous n'osons pas dépasser les barrières entre nous : la gare Monparnasse ne morflera pas.
C'est sûrement subjectif, mais il me semble que c'est à ce moment que l'ambiance devient très mauvaise : comme d'habitude, n'ayant pas d'objectif commun à affronter, on va se battre entre nous. Si dès le départ de la manif, il y a eu bagarres et vols (des camarades qui nous ont rejoint ont failli se faire dépouiller leur appareil photo auparavant, cela dit ils l'ont rangé dans leur sac et n'en tirent pas de grandes accusations sociologiques), là des bagarres éclatent un peu partout, les cortèges étudiants resserrent leurs rangs tandis que fusent les « étudiants pacifistes » et autres conneries du même acabit.
Une dernière tentative a lieu pour s'échapper du piège vers lequel nous marchons tous plus ou moins vite : dans la rue Duroc, un cortège tente d'entraîner les gens vers des quartiers plus hospitaliers : mais comme personne ne se parle, comme personne n'explique pourquoi et l'intérêt de partir en manif sauvage, ça foire d'autant plus qu'une nouvelle fois la ligne CGT se met très vite en place.
Après c'est l'inévitable, le piège qui se referme et les rats qui se bouffent entre eux : la place des Invalides est le lieu idéal pour un massacre : les gardes mobiles ferment déjà trois côtés, ils sont des milliers immobiles : à part des voitures, il n'y a rien à quoi s'attaquer, le sentiment d'échec semble partagé : les deux cortèges se font face et c'est immensément triste, parce qu'évidemment tout le monde est en train de perdre ce qu'on avait gagné, notamment cet autre rapport à la violence, ce début de conscience d'une lutte commune et d'une utilité de chacun et de ses modes d'action.
Bagarre générale. Le SO CGT traverse la place, une masse compacte, gardes mobiles sans uniforme, la manif est piégée, le syndicat a fait son boulot.
Par moments, des cibles malgré tout : ces dizaines de journalistes tous avec le même casque qui filment avec délectation et se font brusquement courser par des centaines de personnes : ils se réfugient alors derrière les gardes mobiles et reviennent avec eux pour continuer à filmer : la liberté de la presse est bien gardée.
Plus tard un groupe d'une quinzaine de civils qui rôdent depuis le début de la manif se font eux aussi courser et se réfugient derrière les gardes mobiles : bêtement nous sommes d'ailleurs pris à ce moment pour des collègues à eux et pouvons donc attester de l'ardeur anti-policière des jeunes puisque nous manquons de nous faire lyncher à coups de pierre.
Instants surréalistes : nous sommes dans une cour intérieure avec des cadres en costume indignés et terrorisés (c'est une boite qui bosse sur les intelligences artificielles) qui se lamentent parce que certains ont laissé leur bagnole sur la place malgré les avertissements des flics.
On préfère finalement se barrer, et nous sortons de la nasse : nous croisons beaucoup d'imbéciles ou de naifs, allez savoir, qui engueulent les gardes mobiles qui laissent faire et leur enjoignent d'arrêter les « casseurs ».Les flics, plus dignes ne répondent pas.
Pause café : dans les rues bourgeoises avoisinantes, les gens râlent parce qu'on a autorisé une manif à finir dans leurs beaux quartiers.
Retour une demi heure plus tard : reste la police et les journalistes : ce qui a pu être brisé l'est, notamment un cabinet d'analystes financiers, une agence immobilière de luxe, un restaurant.
Les journalistes s'agglutinent devant un A cerclé rouge sur un mur. D'énormes pavés sur le sol, un banc arraché (il faut en vouloir) des voitures calcinées dans une rue qui était bloquée par les gardes mobiles tout à l'heure.
Devant le pont qui traverse la Seine, une petite centaine de manifestants fatigués et des milliers et des milliers de flics, dont des bandes compactes de civils. Un groupe de gens est encerclé par les gardes mobiles, on nous raconte qu'ils ont tabassé quatre jeunes devant tout le monde.
Des barrages filtrants, fouille des sacs et des poches jusqu'à Franklin Roosevelt.
Conclusion ? Une tentative parfaitement orchestrée pour briser ce qui fait peur aux flics et aux pompiers de la gauche : cette convergence entre nous tous, ceux qui s'affrontent directement avec la police, ceux qui détruisent et réquisitionnent, ceux qui occupent et qui défilent, cette conscience qu'aucune avancée n'est possible si l'on s'en tient à ce qui est autorisé.
Est-ce que ça va marcher : est-ce qu'on va en revenir aux débats stériles, gentils étudiants et méchants casseurs, est ce qu'on va oublier qu'une partie du rapport de force de ce mouvement vient du précédent des révoltes de novembre.
Peut-être, peut-être pas : en tout cas pour ceux qui ont ouvert les yeux pendant cette manif, ils auront peut-être des bouffées d'énervement contre les petits jeunes qui s'en prennent aux manifestants, mais surtout une rage énorme contre les grosses ordures de la CGT.
Signé :
précaire pas dupe
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REMARQUE
de do :
Lire aussi :
1°) Provocation policière à la manif parisienne du 23 mars 2006 :
2°) Il y a deux sortes de "casseurs" :
Vive la révolution : http://www.mai68.org
ou : http://kalachnikov.org
ou :
http://vlr.da.ru
ou :
http://hlv.cjb.net