16 Novembre 2006

FACE A LA BARBARIE

http://mai68.org/ag/1085.htm
http://cronstadt.org/ag/1085.htm
http://kalachnikov.org/ag/1085.htm

            Celui à qui il est permis plus qu'il n'est convenable, veut plus qu'il n'est permis
            En supportant une vieille injustice, tu en appelleras une nouvelle
            On ne triomphe pas d'un danger sans danger
            La vérité se perd dans l'excès de discussion

          Publius Syrus


    Les récentes élections américaines ont mis en évidence l’échec de la politique de Bush plus que la victoire du camp des démocrates. En fait, ces derniers se différencient à peine de leurs concurrents. Des personnalités comme Hilary Clinton ou Nancy Pelosi sont des soutiens actifs du lobby sioniste, comme de nombreux politiciens démocrates grassement subventionnés par l’AIPAC. La pourriture s’étend donc largement de part et d’autre d’un clivage politique assez artificiel : il est donc peu probable que la politique étrangère des États-Unis change dans les années à venir [Note de do : leur politique pro-sioniste n'est pas la seule chose, loin de là, qu'il faut reprocher aux partis républicain et démocrate. Et ce n'est même pas la chose principale qu'il faut leur reprocher. La chose principale à leur reprocher étant leur soutien à la classe dominante, la bourgeoisie.].

    Il est particulièrement intéressant de faire le parallèle entre l'actuel déploiement de la nouvelle idéologie américaine néo-conservatrice (euphémisme) et celle du nazisme en Allemagne après la première guerre mondiale. Fondé vers 1920 à partir d'un groupuscule inconnu, le parti nazi est devenu une force politique importante dès 1924. L'incarcération d’Hitler lui a permis de rédiger tranquillement ce qui devait devenir la référence du nazisme :
« Mein Kampf », ouvrage publié en 1925. Peu de gens sans doute, ont lu ce gros pavé [Note de do : 686 pages dans sa version française publiée en 1934 aux Nouvelles Éditions Latines malgré l'interdiction d'Hitler de traduire ou de publier ce texte en français] dont la traduction française fut tardive. Ceux qui l'ont lu (souvent après la guerre) n'ont pu s'empêcher de penser que les intentions de l'auteur y étaient posées fort explicitement pour ne pas dire cyniquement [Note de do : il n'est toutefois pas fait allusion à la "solution finale" dans ce manifeste de Hitler !], et que si plus de gens l'avaient lu attentivement assez tôt, celui-ci n'aurait pas été autorisé à prendre le pouvoir en 1933. "Si". Oui, mais voilà, l'histoire ne se fait pas avec des "si". Les esprits critiques ayant ensuite été envoyés dans des camps et exterminés, la majorité du bon peuple allemand a fini par ne rien trouver d'anormal dans ces idées-là qui lui apparurent au contraire fort bourgeoises et modérées et d'ailleurs, la langue allemande fut subrepticement modelée de façon à rendre naturelle le nouveau mode de pensée (cf. Otto Klemperer : LTI ; la langue du IIIème Reich). [Note de do : je pense personnellement que si Hitler a eu autant de succès dans l'Allemagne de cette époque, c'est parce qu'une large fraction du peuple allemand voulait entendre ce genre de discours. On a dit qu'Hitler avait hypnotisé le peuple allemand, mais je pense que, tout simplement, une grande partie du peuple allemand partageait les idées racistes d'Hitler. De plus, le pouvoir, c'est-à-dire la bourgeoisie, a voulu Hitler pour combattre la révolution. Le slogan des patrons était alors : « Mieux vaut Hitler que le communisme ! ». Par exemple, Prescott Bush, le grand-père de George Bush, a financé Hitler : http://mai68.org/textes/PrescottBush.htm. La guerre d'Hitler a commencé contre la vraie révolution, la révolution anarchiste espagnole en 1936 ; ensuite, il a éliminé le Front Populaire en France ; puis, il a tenté de vaincre la pseudo-révolution russe. Heureusement, l'URSS lui a réglé son compte !]

    L'actualité semble suivre le même processus. Les esprits simplistes voudraient que les apparences du fascisme soient toujours les mêmes : parti unique et cohortes de chemises brunes. Ce serait trop facile à débusquer ! Ce qui reste constant, c'est la composition du mélange : violence policière diffuse et enfermement, militarisme exacerbé, racisme au quotidien, intrusion permanente dans la vie privée des citoyens, injustice et corruption massive sous une bonne couche de propagande appliquée par des médias bien complaisants. Comme dans le cas du nazisme, la langue est modifiée pour servir les nouveaux maîtres (cf. William Luz  : The New DoubleSpeak et en France, Eric Hazan : LQR ou la Langue de la 5ème République ; la propagande du quotidien [Note de do : sur ce thème, vous pouvez lire aussi ma théorie du concept]) à la façon de la novlangue de George Orwell dans "1984". L'idéologie barbare de l'Empire ne se développe pas dans un ouvrage unique mais dans une série de textes officiels dont on trouvera ci-dessous une liste non exhaustive. Son écriture a commencé bien avant le 11 septembre, événement qui joue ici le rôle de l'incendie du Reichstag (27 février 1933) par les nazis (voir mon article à l'URL http://mai68.org/ag/1049.htm ). Le maintien d'un bipartisme artificiel est cependant une ficelle habile qui risque de faire long feu.

    L'Europe en général et la France en particulier sont apparemment synchronisées sur la politique barbare des USA. Elles collaborent notamment à la prétendue "guerre contre le terrorisme" qui est, pour Bush, l'équivalent de la lutte d'Hitler contre les juifs [Note de do : Hitler ne luttait pas avant tout contre les Juifs, mais contre la révolution, contre le "communisme" comme il disait. Hitler pensait toutefois que sans les juifs, il n'y aurait pas de communisme ou qu'il serait bien moins puissant. Par exemple, Marx, Lénine et Trotski étaient d'origine juive, ce qui pour Hitler était significatif. N'oubliez pas non plus qu'avant la fin de l'URSS, on ne nous parlait pas de "terrorisme islamiste" mais de "terrorisme international", en référence à l'internationale communiste ; et on nous disait que le "terrorisme international" était commandité par l'URSS !]. Et c'est ainsi que nos politiciens et nos journalistes de droite comme de gauche moulinent à longueur de pages du Monde au Figaro, du Nouvel Obs à l'Express, sans oublier les feuilles de choux régionales, un discours gluant dénigrant, calomniant ou fustigeant tout ce qui a couleur d'Arabe ou de musulman, tout ce qui s'oppose à Israël et aux États-Unis [et tout ce qui s'oppose au capitalisme (note de do)]
, en appelant à toujours plus de "sécurité", c'est à dire à plus de flicage, à plus de répression contre la liberté d'expression, à plus de fouilles au corps, à plus d'internements, à plus de caméras indiscrètes dans tous les lieux publics, à plus de censure sur Internet, à plus de biométrie dans les transports, à plus de papiers prétendument infalsifiables. L'idéal de ces tristes clowns terrifiés par la pensée de leur propre mort vise sans le dire explicitement à faire vivre les gens dans une gigantesque prison virtuelle en leur démontrant qu'au moins là, ils y seront en sécurité. En matière de prison, il est patent – il y a désormais trop d'indices pour nier la chose - que les États-Unis sont devenus les architectes d'un nouveau système de goulag planétaire, un réseau multiforme de geôles plus ou moins high-tech, couvrant de nombreux pays avec la complicité de leurs gouvernements respectifs, où des milliers de gens disparaissent sans raison ni procès à la manière des anciens camps, prisons où torture et mauvais traitements sont la règle générale. Voilà leur morale : ce n'est pas la nôtre. Le citoyen lucide devrait reconnaître que ce n'est pas davantage la sienne.

    Notons l'abrutissement des classes moyennes occidentales : elles se noient dans des analyses et des discours qui mêlent le présent, le passé et les spéculations futures. Elles mettent sur un même pied les victimes des génocides d'autrefois, les victimes hypothétiques d'attentats non moins hypothétiques dont on les terrorise à dessein et les crimes de guerre bien réels que couvrent ou que commettent directement leurs dirigeants ici et maintenant en Irak, en Afghanistan, au Liban, en Palestine, en Tchétchènie ou ailleurs. Dans les analyses politiques savantes de nos "experts", la confusion permanente des intentions présumées et des rodomontades avec l'exécution des crimes et, d'une façon plus générale, le calibrage des faits patents, est le signe évident de la délitescence du jugement collectif.

    Il me semble malheureusement clair que le processus de décomposition sociale désormais incontrôlé va se poursuivre jusqu'à son terme. En même temps, on n'a jamais donné autant de spectacles pour endormir le bon peuple : championnat du monde de n'importe quoi, festivals, grands prix, critériums, courses, compétitions, journées dédiées. On ne peut ici s'empêcher de penser à cette phrase d'Etienne de la Boétie :
« Les théâtres, les jeux, les farces, les spectacles, les gladiateurs, les bêtes étranges, les médailles, les tableaux et autres telles drogueries, c'étaient aux peuples anciens les appâts de la servitude, le prix de leur liberté, les outils de la tyrannie » (Discours de la servitude volontaire, GF, p.155). Les jeux sont faits. Les prétendues "valeurs" d'un Occident donneur de leçons de morale sur les droits de l'homme, leçons de morale qu'il ne respecte pas lui-même, commencent à puer la charogne. Plus précisément, le bouclier high-tech (NDM) ne peut pas sauver les États-Unis de la putréfaction interne. Si nous restons collés à eux, nous les suivrons dans leur naufrage. À défaut de combattre l'Amérique et ses alliés locaux, il nous est toujours possible de garder nos distances, à titre individuel ou collectif de la façon dont on traite un pestiféré : une pratique large de cette mise à l'écart serait certainement efficace. 


Jean-Paul
Novembre 2006
 

ANNEXES

I. Sources primaires de la nouvelle idéologie américaine et de sa mise en application

Tous ces documents sont facilement localisables sur Internet sous forme de fichiers pdf à partir de leur titre. Seule leur lecture attentive permet de cerner avec précision la nature barbare et la stratégie à long terme effroyable de l'État Americain. Comme pour "Mein Kampf", peu d'esprits critiques les liront à temps. Distillées et vulgarisées quotidiennement par les médias, les horreurs qu'ils contiennent finiront par se diffuser dans la société et former le nouveau standard éthique de l'occident dont la tradition humaniste et rationaliste est en voie de disparition. Lorsque le processus sera achevé, la civilisation occidentale aura vécu.

[1] Defense Planning Guidance by Paul Wolfowitz. February 18, 1992. Ce texte introuvable sur le web dont on ne peut plus lire que les commentaires est considéré comme l'avant projet du texte suivant désormais très connu :
[2] Rebuilding America’s Defensives. Strategy : Forces and Resources for a New Century. A Report of The Project for the New American Century. September 2000. Donald Kagan, Dony Schmitt and Thomas Donnelly. 90 p.
[3] Uniting and Strengthening America by Providing Appropriates Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism. USA PATRIOT ACT. Oct. 26, 2001.132 p. (ce texte répressif assez long avait certainement été préparé bien avant le 11 septembre : le Congrés américain l'a voté en bloc sans l'avoir lu !)
[4] President George W. Bush’s speech at the Graduation Ceremony at West Point, June 1, 2002. Un bon résumé de la politique de Bush par lui-même..
[5] The National Security Strategy of the United States of America. September 2002. 36 p.
[6] Domestic Security Enhancement Act of 2003. Draft - January 9, 2003. 120 p.
[7] Working Group Report on Detainee Interrogations in the Global war on Terrorism ; Assessment of Legal, Historical, Policy and Operational Considerations. 6 March 2003. 49 p.
[8] Doctrine for Joint Nuclear Operations. Final Coordination (2). 15 March 2005. 65 p.
[9] National Security Surveillance Act. SB 2453. September 2006. 41 p.
[10] Military Commission Act of 2006 (MCA). 86p. (l'enterrement de l'Habeas Corpus)


II. Quelques sources complémentaires :

- Emergency Response to Terrorism. Self-Study. FEMA. June 1999. 109 p. (*)
- An Abrupt Climate Change Scenario and its Implication for United States National Security. October 2003. Peter Schwartz and Doug Randall. 22 p.
- The 9/11 Commission Report. 585 p.
- Report on Torture, inhuman and Degrading Treatment of Prisoners at Gantanamo Bay, Cuba. Center for Constitutional Rights. July 2006. 58 p.
- Terrorism & Security Awareness Orientation for State Employees. 10 p. Virginia State.
- Civilian Inmate Labor Program. 14 February 2005. Dept. of the Army. 34 p.
- Animal Enterprise Terrorist Act. HR 4239. Nov. 2005. 10 p.
- Student and Teacher Safety Act of 2006. HR 5285.
- Amnesty International Report 2002. United States of America. 4 p.
- « Qui veut vraiment du groupe Carlyl ? » Pascal Dallecoste. Article du Laboratoire de Recherche de l’Ecole de Guerre Economique (LAREGE).

(*) Ce document datant de 1999 est assez étonnant : l'illustration de la couverture figure les tours jumelles avec une mire de visée superposée à l'une des deux.. et l'administration Bush prétend qu'elle a été prise par surprise le 11 septembre ! quel culot ! Ce document est disponible ici : http://www.iabpff.org/pdf/terror.pdf


III. Quelques sites officiels :

http://www.whitehouse.gov/
http://www.defenselink.mil/ 
http://pentagon.afis.osd.mil 
http://www.fema.gov/
http://www.fbi.gov/ 
https://www.cia.gov/ 
http://www.nsa.gov/ 
http://www.tsa.gov/
http://www.citizencorps.gov/ 
http://www.usaonwatch.org/ 


IV. Quelques acronymes utiles :

ABM Anti-Ballistic Missile
CCA Correction Corporations of America (le plus important conglomérat de prisons privées des Etats-Unis)
ADL Anti Defamation League (lobby israélien)
AIPAC the American-Israel Public affairs Committee (lobby israélien)
CEO Chief Executive Officer. L'équivalent anglo-saxon du directeur général français
CISAC Center for International Security and Cooperation
DARPA Defense Advanced Research Project Agency
DEA Drug Enforcement Administration
DHS Department of Homeland Security
DHHS Department of Health and Human Services
DLC Democratic Leadership Council
DNI Department of National Intelligence
DoD Department of Defence
DoJ Department of Justice
DoS Department of State
FBI Federal Bureau of Investigations
FDA Food & Drug Administration
FEMA Federal Emergency Management Agency
FISA Foreign Intelligence Surveillance Act
FPI Federal Prison Industries, Inc.
GAO General Accounting Office
GOP Grand Old Party (Parti républicain US)
HSA Health and Safety Authority
INS Immigration & Naturalization Service (reorganized in 2003 under DHS, functions divided among USCIS, ICE and CBP)
IRS Internal Revenue Service (Administrarion fiscale)
JPI Justice Policy Institute
MATRIX Multistate Anti-Terrorist Information Exchange
MCA Military Commission Act
MP Member of Parliament (député)
NDM Non-Deployed Missile (bouclier permettant de résister à la riposte suivant une frappe préventive)
NSA National Security Agency
PATRIOT Providing Appropriates Tools Required to Intercept and Obstruct Terrorism
PNAC Project for the New American Century (cliquable)
SSD State Security Division (Equivalent américain du StaatsSicherheitsDienst est-allemand ou STASI. Les acronymes sont les mêmes !)
TIAP Total Information Awareness Program (Big Brother)
TIPS Terrorism Intervention and Prevention System
TOPOFF 1,2,3,4 Top Officials (Exercices de grande envergure visant à maintenir l'intégrité de l'Etat en cas d'attaque terroriste massive)
TSA Transportation Security Administration



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